On m’avait vendu Love & Marriage comme une comédie. En tous cas, tout ce que j’en avais vu semblait crier que la série britannique serait, sinon une comédie, à la limite une dramédie. Et pendant une solide demi-heure, c’était vrai. Sauf que ce pilote durait en réalité trois quarts d’heure…
Love & Marriage commence comme une version toute britannique de Modern Family, tournant autour de la dynastie des Paradise, une famille de la middle class on ne peut plus normale. Autour du couple central des parents, formé par Pauline et Ken, gravitent les couples de leurs enfants. La comparaison avec Modern Family se fait essentiellement parce que la série opte pour un format de pseudo-mockumentary, les personnages se présentant à l’écran, sur un canapé, pour parler de leur couple (il y a fort à parier toutefois que l’angle varie pendant les 5 autres épisodes de la série). Si cela facilite l’exposition, et permette de présenter à la fois les personnages et leurs dynamiques de façon efficace, on ne peut pas dire qu’on hurle à l’originalité devant ce procédé éculé.
Et pendant les minutes qui suivent, alors que les couples se succèdent et, forcément, ne se ressemble pas, il est difficile de s’ôter de l’idée que Love & Marriage a trouvé le moyen de parler de familles modernes sans forcément en faire des privilégiés aux préoccupations irréalistes (c’était l’un de mes griefs avec Modern Family). Le ton reste celui de la comédie, même quand les personnages semblent mal à l’aise dans leur vie, à l’instar de Pauline qui vit une grosse journée : c’est la dernière fois qu’elle va au travail, elle sera à la retraite le soir-même, et ne trouve aucun soutien de la part de son mari qui ne semble même pas avoir percuté. Après avoir fait son pot de départ, elle rentre ensuite chez elle où elle a pour mission non seulement d’aider ses enfants, pourtant adultes, à organiser leur vie, mais où elle officie également en tant que traiteur en préparant les petits fours pour le baptême de l’une de ses petites filles le lendemain. Et s’il apparait clairement que le personnage est contrarié, Love & Marriage le traite plutôt à la légère pendant, donc, les deux tiers de l’épisode.
Même si on a plus ou moins vu arriver l’élément perturbateur qui vient mettre fin à ce joyeux bazar, bien malin pourtant celui qui prétendra avoir vu venir le virage à 180° qu’opère le pilote suite à cet évènement.
Ce n’est pas simplement la goutte d’eau, c’est une véritable prise de conscience que le pilote va s’ingénier à dépeindre à la suite de cette scène dramatique (et sincèrement glaçante, le rire du spectateur devenant un hoquet nerveux), avec une intelligence qu’en toute honnêteté on ne soupçonnait pas la série de déployer. Devant incroyablement dramatique, Love & Marriage se décide alors, une bonne fois pour toutes, à prendre Pauline au sérieux, et les spectateurs aussi du coup. Ce qui se produit par la suite, ma foi, est plutôt prévisible aussi, mais c’est avant tout réussi ; Pauline décide de tout plaquer et de s’occuper d’elle. Elle emménage donc avec sa soeur, plantant son mari que rien n’a l’air de vraiment toucher, mais aussi ses enfants. « I’m not going to be a daughter, or a wife, or a mom anymore », décrète notre retraitée avec beaucoup de cran. Le volte-face est peut-être un peu gros, mais il fonctionne, parce que sur le ton de la rigolade, on a eu tout le temps de mesurer à quel point Pauline était une étrangère pour sa propre famille.
Non, Love & Marriage ne veut pas simplement parler des couples de plusieurs générations. Même si le pilote en fait le choix tardivement, la série semble tendre vers quelque chose de plus fin, de plus intéressant : le parcours d’une femme qui veut tout simplement apprendre à se connaître, à apprécier sa vie, pour elle-même. C’est forcément touchant, à défaut d’être, je le répète, original.
Reste que le brutal changement de ton laisse assez difficilement imaginer ce à quoi il faut s’attendre par la suite. Love & Marriage ne compte pour le moment que 6 épisodes, de toute façon ; ça ne devrait pas être très dur de vérifier ce que la série finit par accomplir.