La première saison de Bunheads écoulée, je n’avais pas encore écrit de review sur celle-ci, parce que, bon, bref, passons. Mais à la faveur d’une intégrale cette semaine, je me suis dit qu’il était grand temps d’en dire quelques mots. Et je préfère vous préparer psychologiquement : ils seront dythirambiques.
Majoritairement.
Bunheads avait vraiment été un coup de coeur pour moi l’été dernier ; le preair du pilote figure facilement dans le Top3 des épisodes que j’ai le plus regardés en 2012, et je ne parle même pas des extraits que je me suis gardés pour pouvoir rire un bon coup de temps en temps. L’énergie de ses épisodes était très communicative, et ce, en dépit de son pitch pas forcément très excitant pour une trentenaire telle que moi. Mais voilà : lorsque l’on parle de Bunheads, il est difficile de ne pas mentionner Gilmore Girls, les deux alliant une efficacité redoutable à une ambiance chaleureuse et tendre, faisant qu’il est difficile de résister à l’une comme à l’autre. C’est d’ailleurs, indirectement, comme ça que j’en étais arrivée au Grand Marathon Gilmore Girls De 2012.
Il y a quelques mois, dans mon post sur ce marathon justement, je vous disais : « ‘il s’avère que Gilmore Girls est une série sans enjeu ni objectif. On peut le vivre comme un défaut mais c’est un choix qui est pleinement assumé, après tout, alors autant prendre les choses du bon côté. Gilmore Girls ne fonctionne pas, jamais, avec un horizon précis. Quand une saison commence, par exemple, elle ne pose jamais d’objectif à long terme pour ses protagonistes. La série ne les mettra jamais dans une situation indélicate à résoudre avant la fin de la saison, par exemple, ou ne posera jamais un axe qui nécessite de se développer dans un but affiché. Tout dans Gilmore Girls respire au même rythme que vit Stars Hollow ; il n’y a pas de pression, pas d’impératif ; la vie se déroule et on est invités à la suivre, tranquillement, mais on ne regarde pas cette série-là pour autre chose, et surtout pas pour les sensations fortes ». C’est sensiblement la même chose pour Bunheads. Choix qui est d’autant plus étonnant que son pilote pose les bases d’une intrigue plus complexe, puisque, attention il va y avoir un spoiler jusqu’au prochain paragraphe : un personnage meurt à la fin du premier épisode. Comment notre héroïne, Michelle, mais aussi sa belle-mère Fanny, vont-elles gérer le deuil ? Comment s’adapter à la nouvelle situation qui naît de cette tragédie ? On pourrait s’attendre à ce que la problématique de Bunheads, par voie de conséquence, soit le deuil, mais absolument pas : c’est un sujet qu’elle cantonnera, en essence, à une poignée des premiers épisodes de sa saison, ne souhaitant ni s’embourber dans le drame-dramatique-qui-fait-pleurer, ni dans une situation qui risquerait de tourner en rond.
En conséquence de quoi, Bunheads peut sembler, comme sa grande soeur de la CW, un rien volage, et ses personnages peut-être un poil trop résilients. S’il y a clairement des enseignements qui ont été tirés des aventures à Stars Hollow par Amy Sherman-Palladino, la rigueur n’en est pas un, et le ballet des intrigues, des sentiments, mais aussi des personnages secondaires, va être légèrement inconsistant.
Qu’importe. Bunheads réussit sa mission essentielle, et ce que vous venez de lire est la seule chose vaguement négative que j’aie à en dire… et elle est toute relative, comme vous l’aurez compris.
Cette mission essentielle n’est d’ailleurs pas, contrairement à ce qu’on pourrait craindre, de créer des vocations de ballerines à travers le pays, mais bien de suivre des personnages attachants, positifs, et passionnants. Le défi est de ce côté-là remporté.
Ce qui frappe d’ailleurs dans Bunheads, plus encore que dans son ancêtre qui déjà n’était pas à plaindre en la matière, c’est avec quelle ferveur la série s’attache à brosser des portraits féminins complexes et foisonnants. Une fois de plus, les hommes occupent au mieux le fauteuil du passager, au pire disparaissent presque totalement de certains épisodes.
Comptons-les ensemble : il y a Michelle, évidemment, danseuse au potentiel gâché par son absence de focus dans la vie ; sa belle-mère Fanny Flowers, prof de danse qui n’est pas aussi psychorigide qu’elle ne le paraît ; Sasha, l’étoile de l’académie de danse au tempérament insupportable ; Bettina alias Boo, la petite rondelette pleine de doutes mais aux pieds bien sur terre ; Virginia aka Ginny, la petite pile d’énergie ; et enfin Melanie, la grande perche à l’assurance à toute épreuve. A cela encore faut-il ajouter des personnages moins présents sur le plan des intrigues, mais faisant totalement partie de l’univers de la série, telles Truly, l’ex du mari de Michelle, totalement dérangée ; Sam, l’une de ses amies et habitante de Paradise n’ayant pas sa langue dans sa poche ; Milly, soeur de Truly et véritable Margaret Thatcher en puissance ; ou encore Talia, meilleure amie de Michelle et danseuse à la bonne humeur chevillée au corps. Après on peut rentrer dans les détails et évoquer les danseuses de la compagnie qui s’invitent dans les dialogues (la petite Matisse, l’élégante Cozette…) ou les personnages hauts en couleur qui jalonnent la ville bien que ne faisant que de brèves apparitions (l’exubérante meilleure amie de Fanny, la femme du patron du surf bar…), mais dans tous les cas, la majorité des meilleurs rôles reviennent aux femmes, c’est indéniable. Fidèle à elle-même, Amy Sherman-Palladino nous offre, qui plus est, des personnages de femmes à la fois totalement décalés et réalistes ; en dépit de l’épidémie de dinguerie loufoque qui sévit à Paradise, les personnages parviennent tous à s’imposer comme des humains et pas seulement des ressorts comiques. Et dans combien de séries ce genre de choses est-il possible ?
Dans tout ça, qu’en est-il de la danse ? Plus qu’aucune série à vocation musicale du moment (oui-oui, j’ai bien dit aucune, et en adressant un regard en coin à Glee, Nashville et Smash encore), Bunheads se fait forte de toujours employé ses séquences dansées de façon raisonnable et intégrée à l’histoire : les auditions, les spectacles, s’ils ont évidemment une grande fréquence qui ne saurait être un hasard, ne sont jamais des prétextes. On assiste d’ailleurs plus souvent aux entraînements qu’aux répétitions, ce qui implique un point de vue plus technique qu’esthétique sur le fait de danser. Tout glamour étant définitivement abandonné dés que les petites recrues de la Paradise Dance Academy se photographient les ampoules aux pieds !
Quant aux quelques rares scènes qui montrent des passages dansés hors de toute intrigue, ils ne sont pas non plus des prétextes mais de véritables expressions du ressenti d’un personnage donné. Ces numéros, évidemment irréprochables du point de vue technique, peuvent surprendre d’un point de vue narratif, d’autant qu’ils ne sont pas présents d’entrée de jeu dans la saison et qu’ils ont tendance à clore les épisodes, et non à être insérés dans leur déroulement ; cependant leur valeur artistique, et la façon dont ils mettent en lumière les sentiments d’un personnage donné, est incontestable, ajoutant à Bunheads une profondeur qui lui va à ravir.
C’est que, derrière ses personnages fou-fous, sa petite ville balnéaire pleine de petits détails incongrus, et ses répliques-TGV (mais ça allait sans dire), Bunheads est une série autrement plus sombre que ne l’était Gilmore Girls. Le choix d’avoir pour personnages centraux, la majeure partie du temps, des adultes (les 4 jeunes danseuses n’occupant le devant de la scène que sporadiquement, ou alors pour mettre en valeur l’intrigue de Michelle, comme sur la fin du season finale), et a fortiori des adultes au tempérament foncièrement indépendant, offre une série au goût étrange. Là encore, il est tellement rare qu’une série ait pareille démarche : Bunheads s’adresse de toute évidence au premier chef à des adolescentes, mais ne leur offre pas exactement une vision édulcorée du monde adulte ; dans la série, Michelle et Fanny sont des personnages dont les regrets sont fondateurs de la personnalité, et qui passent, en outre, par des problèmes d’adultes (deuil évidemment, mais aussi problèmes d’argent, un fil rouge peut-être pas toujours très bien employé, mais omniprésent). Il est vrai que ce n’est pas forcément très excitant pour le public-cible d’ABC Family, mais enfin, reconnaissons à la série cette qualité : elle n’offre pas une vision idéalisée de l’âge adulte.
Ni de l’adolescence, d’ailleurs, puisque Sasha (résolument le personnage adolescent-clé de la série) est un petit être tourmenté, colérique, déchiré, et pourtant si vivant, si impressionnant. Sa fin de saison, même si elle sera légèrement bâclée (changer le focus pour braquer les projecteurs sur une autre bunhead semble brutal), sera la preuve d’une jolie évolution vers l’âge adulte.
Le mot-clé est évidemment « si ». Car le pire, c’est que les pontes d’ABC Family vont nous ressorir un Huge sur ce coup-là, si on les laisse faire…
Bunhead est pourtant une petite perle à part dans le paysage télévisuel américain, capable à la fois d’avoir ce goût authentique typiques des petites villes (qu’avait déjà Gilmore Girls) et de montrer un pays qui, même perdu dans un coin d’Amérique où on ne met pas de panneau d’avertissement devant les routes privées, peut se montrer progressiste et ouvert. L’Amérique d’Amy Sherman-Palladino a toujours « the best of both worlds » à proposer, et on voudrait qu’elle le propose plus longtemps, et tant pis si la showrunner et l’héroïne principale ont comme point commun de manquer de rigueur et de focus : la balade est si belle.
J’avais bien craqué sur cette série et ses persos très attachants, il y a un soucis de suivi des persos, l’histoire papillonne beaucoup mais on retombe toujours sur l’essentiel, ce qu’apporte Michelle et comment elle va renaître grâce à son séjour dans ce coin perdu.
Une jolie série!
Le moment ou emily bishop a sa premiere scene avec sutton foster, ce petit regard qui pouvait vouloir dire « tu n’as pas le calibre de lauren graham » ou « mon fils a épousé ça? »… C’est le moment ou j’ai lancé le téléchargement de la fin de la saison
Il y a une fin d’épisode qui m’a fait un sacré effet. Un duo au ukulele tout simple pourtant, mais qui m’a laissé rêveur pendant un bon moment après le générique de fin. Oui, c’est juste un minuscule passage dans une saison entière, mais j’avais jamais eu l’occasion de parler de cette petite scène, donc j’en profite pour le faire ici, parce que Bunheads m’a beaucoup plu, parce que je me suis souvent senti mieux après un de ses épisodes et parce que je suis heureux de te lire à nouveau.