Ce soir, ce sont les Oscars. On en apprend des choses sur ce blog.
Pendant 712 heures environ, tout le gratin du cinéma américain va se relayer sur scène pour remercier à chaudes larmes ceux sans lesquels ils ne seraient rien ; pour beaucoup, c’est la performance de l’année ! Ca fait 60 ans cette année que l’exercice est méticuleusement filmé, avec toute l’inventivité d’un devoir de CM2, de façon à ce que dans chaque foyer, chacun s’émeuve devant les joies larmoyantes de la grande famille du cinéma. Ah, que c’est beau.
C’est beau… mais c’est un peu du pipeau.
C’est du pipeau parce que ces émotions, si je veux bien croire que sur le moment elles soient sincères (allez, on va dire, hein), ne reflètent pas la réalité de ce milieu, les 364 autres jours de l’année.
Et à vrai dire, d’aucun milieu ! Dans quel métier, d’ailleurs, vous qui me lisez et avez déjà une vie professionnelle, avez-vous envie de remercier la planète entière ou, à tout le moins, les trouze têtes de pipe qui vous sont les plus familières, pour vos succès professionnels, pleurant à chaudes larmes en pensant à tous les moments passés à apprendre côte-à-côte ? Est-ce que quand vous obtenez une promotion, vous faites le tour des bureaux pour pleurer votre éternelle reconnaissance dans le giron de tous les collègues sans lesquels rien n’aurait jamais été possible ? Non. Mais on est à Hollywood, l’industrie qui a fait de l’émotion un business, alors les règles sont un peu différentes. Pas nécessairement les réalités.
En fait c’est même pire que ça. Hollywood est sûrement l’un des pires milieux professionnels où faire carrière, parce que c’est le paradis de l’hypocrisie.
Je ne parle pas seulement de l’hypocrisie qui vous conduit à remercier Harvey Weinstein pour avoir un job l’année suivante (professionnellement, vous croyez que Weinstein plus que Dieu peut vous mettre au chômage), mais de celle d’avoir tout simplement fait ce boulot.
Par exemple : d’après mes savants calculs pifométriques, environ 97,12% des films sortant à Hollywood comportent au moins une histoire d’amour, quand ils n’en font pas, tout simplement, l’alpha et l’omega de leur intrigue.
Tout cela est fort charmant, mais combien des gens bossant à Hollywood savent ce qu’est l’amour ? Il y en a sûrement quelques uns, je suppose, quelques exceptions qui confirment la règle, mais l’immense majorité se contente de savoir surtout ce que sont les coucheries ; outre le casting couch sur lequel sont passées à peu près toutes les stars au moins une fois (ainsi que celles qui ne sont pas devenues des stars, mais le soir des Oscars, qui s’intéresse à celles-là ?), et ce depuis pas loin d’un siècle, ayons aussi une pensée pour tous ces membres de la grande et belle famille du cinéma qui, même mariés jusqu’au cou, se trompent allègrement les uns les autres… un problème en partie évité grâce à la durée moyenne des mariages (les mariages ont un taux de réussite de 35%), et de toute façon, contrairement à la croyance populaire qui aime à penser que ces pratiques ont disparu en même temps que le XXe siècle, il existe encore tellement de mariages arrangés entre stars que l’amour, la plupart n’en a jamais vu l’ombre d’un faux-cil.
Par contre, pour en tartiner des pages et des pages de script, pour en saisir des heures et des heures de rushes, pour en vendre des tonnes et des tonnes de tickets, là par contre il y a du monde. Write about what you know, mon oeil…!
Même sans parler de romances, dont vous savez qu’effectivement je suis peu friande, il y a toutes ces histoires dans lesquelles le message est qu’il faut croire en ses rêves, rester soi-même dans l’adversité comme la réussite, ou encore, le fameux cliché selon lequel l’underdog finit par triompher… qui à Hollywood croit sincèrement en tout cela, quand on sait les sacrifices et les concessions faites sur les idéaux de chacun pour réussir et/ou persister dans l’écosystème ? Mais d’un autre côté, c’est salvateur pour ce même écosystème, puisque ces histoires laissent croire à des milliers d’aspirants acteurs, auteurs et réalisateurs aux yeux de Bambi, qu’ils ont une chance de ne pas être serveur toute leur vie s’ils tentent leur chance ; une jolie façon de s’assurer une cargaison fraîche et régulière de chair à canon parmi lesquelles on trouvera un ou deux talent jugé digne de s’exprimer et continuer d’entretenir le rêve.
Hier soir, je me suis infligé Transformers (jamais plus jamais) et je n’arrêtais pas de penser aux déclarations de Megan Fox sur la façon dont elle a obtenu le rôle… quand dans le même temps, Michael Bay est capable de prétendre que ce qui va vraiment faire la différence pour son héros, quand celui-ci va tomber amoureux, ce n’est pas la plastique de la belle, mais le fait qu’elle a une âme, des blessures passées, et du tempérament. Qui y croit ? Je ne veux pas prétendre être dans le secret des Dieux et affirmer que Michael Bay est un gros cochon sexiste, mon Dieu, non, ça se saurait si les producteurs avaient ce genre de tendances à Los Angeles, mais soyons sincères deux secondes : la raison essentielle pour laquelle Michael Bay est célèbre, c’est justement parce que ses films sont là pour faire de l’argent, pas du sentiment. Avec tous les efforts du monde, jamais un film de Michael Bay n’apparaitra comme sincère quant au message qu’il tente, de toute façon sans grande conviction, de véhiculer (pun not intended).
Cela ne signifie évidemment pas qu’à Hollywood, tout le monde est comme cela ; il y a de vrais artistes, et de vrais artisans d’ailleurs, des gens qui font ce qu’ils font honnêtement. Je ne suis simplement pas convaincue qu’on en observe beaucoup ce soir sur le tapis rouge.
Mais derrière le monde glamour, il y a des réalités que, dans le fond, nous connaissons, mais auxquelles nous ne voulons pas croire. Nous nous raccrochons au bon sens populaire de Greg Garcia, ou à l’idéal de rigueur de David E. Kelley, comme s’ils étaient autre chose que des séries qui ont fait l’objet de négociations, de contrats, de network notes et de toutes sortes de petites vilénies que nous ignorons autant que possible. Il n’y a pas que les lois et les saucisses dont nous préférons ignorer la fabrication…
Ah oui donc tu seras pas au Dolby Theater ce soir, quoi.
A noter que ma mauvaise humeur coïncide avec les Academy Awards, mais les Emmys, les Grammys, et toutes les autres statuettes de la planète soulignent la même hypocrisie ; simplement, et on peut parfaitement décider de mettre ça sur le compte de ma gastro, ça tombe aujourd’hui. Ca se trouve, ça sera passé demain, et je recommencerai à avoir des étoiles dans les yeux en regardant les émouvants messages passés grâce à Enlightened et compagnie, acceptant, presque sans arrière-pensée, de croire que ceux qui ont écrit ces histoires y croient autant que ceux qui les regardent.
Cependant, si dans 6 mois, à l’approche des Emmy Awards, je suis toujours aussi désabusée, promettez-moi que vous me priverez du droit de blogger.
Michael Bay vs. Terence Malick, round 1
Je pense qu’il est bon de relativiser la portée des Oscars sur le cinéma dans son ensemble. Les prix ou présences dans un festival de cinéma, oui, ça fait un joli argument marketing qui pourrit les jaquettes, mais on trouve de la vraie émotion dans les Oscars. Après tout, combien d’ingés son ou monteurs disent « je représente tous ceux qui sont pas là ce soir »? Les Oscars c’est aussi célébrer l’esprit d’équipe qui a bossé d’arrache-pied pendant des mois sur le film, puis a dû se faire une place à Sundance ou le circuit des festivals pour en arriver à être sur la grande scène devant Harvey et George Clooney. Je trouve toujours ça touchant sur quelques catégories technique, qui ne seront plus jamais sous le feu des projecteurs de leur vie.
Sinon je sais pas d’où vient la tirade autour des romances en carton à Hollywood. Pour une comédie romantique mièvre et jetable avec Katherine Heigl on a des déconstructions assez poussées du couple façon Blue Valentine. Si les acteurs et producteurs ne croient pas dans l’histoire, les scénaristes et réalisateurs se doivent d’y croire pour que le public marche. Le caractère carnassier de l’industrie hollywoodienne est bien connu et des films entiers en ont été faits, parce qu’après tout, ils adorent se regarder le nombril plus que n’importe quel autre secteur.
Ce que tu reproches aux Oscars je le reprocherais aux Césars. Warner Bros. saura financer des suites du Hangover, mais d’un autre côté ils donneront quelques millions à Richard Linklater pour tourner sa suite de Before Sunrise/Sunset, et on parle d’une corporation globale. En France, la majorité des sorties dépend du bon vouloir de TF1, qui veut juste des acteurs « bankables », et pour devenir « bankable » il n’y a pas forcément de recette. Les artistes français aux yeux de Bambi sont, à mon sens, plus mal barrés ici que là-bas, même si effectivement la jungle est plus grande.
Sans Hollywood, pas de Pushing Daisies ni de House of lies, franchement je ne vois pas ce que ce que ça peut te faire que cette industrie soit un panier de crabes, après tout c’est entre adultes consentants, E t ton billet pourrait être applicable sur toutes les professions, dans le microcosme des blogger par exemple n’y a t’il pas des prix, des retrouvailles, des coucheries etc …