Un pilote, c’est trompeur. On pense qu’une série va prendre une direction, mais un épisode inaugural n’est en rien un engagement contractuel vis-à-vis du spectateur. D’ailleurs, vous êtes bien placés pour savoir qu’il n’y a jamais aucun engagement contractuel entre une série et un spectateur, et que toute série se réserve le droit de n’en avoir rien à foutre des effets de ses décisions sur son audience, si jamais ça lui chante. Souvent, c’est le droit le plus strict du showrunner et/ou de la production de prendre les orientations qui lui chante, mais parfois, cela ressemble à une trahison ; l’avantage c’est que, le spectateur lui-même n’étant engagé par aucune sorte de contrat, il peut très bien cesser de regarder la série quand ça lui chante. Et c’est ainsi qu’est préservé, dans la majorité des cas, un certain équilibre dans le « rapport de forces ».
Cependant, un pilote, c’est trompeur, et il arrive que les épisodes qui le suivent explorent d’autres possibilités du pitch d’origine.
Et je suis la première à l’admettre, toute pilotovore que je sois : il faut savoir se méfier des pilotes.
Mais je dois reconnaître qu’en matière de séries, je suis plus rarement sur mes gardes, disons, en Asie, qu’aux USA. Cela vient de la pratique totalement différente : aux Etats-Unis, d’abord on crée une série, ensuite on essaye de la faire durer aussi longtemps que possible. Ca aboutit à des fleuves vidés de toute substance, parfois, quand la plaisanterie aurait gagné à être plus courte mais que, pour une raison X ou Y (audiences, rentabilité, etc.), la série vit plus vieille qu’elle ne devrait.
Dans les pays asiatiques, la question ne se pose pas. Le renouvellement ne tombant pas sous le sens, toute nouvelle série débarque avec la conviction qu’il n’y aura qu’une seule saison. Cette saison peut durer un nombre variable d’épisodes, selon un certain nombre de critères (habitudes nationales, pratiques de la chaîne, rythme de diffusion, etc…), par exemple la Corée du Sud a plus facilement des séries avec deux à trois dizaines d’épisodes, là où le Japon a, hormi quelques exceptions (notamment sur la NHK où il y a une série annuelle et deux séries semestrielles par an), tendance à favoriser la douzaine, voire la demi-douzaine. Accessoiremment, je suis pas au top sur les séries de Hong Kong, mais j’ai vu que Inbound Troubles s’était achevée au terme de 20 épisodes, voyez, là aussi on est dans le même esprit.
Bon. C’était un petit rappel juste pour qu’on soit sûrs de parler de la même chose.
Mais en conséquence, j’ai tendance à faire extrêmement confiance à un pilote de série japonaise. S’il n’y a qu’une douzaine, grand maximum, d’épisodes derrière pour conclure la saison, je m’autorise à imaginer que le pilote est représentatif de la série.
C’est une erreur que j’ai fait par le passé avec Cleopatra na Onnatachi, et c’est une erreur que je suis en train de refaire avec dinner, à la différence que ça me coûte beaucoup plus avec dinner dont j’avais absolument adoré le pilote.
dinner prétendait parler d’un ristorante à la dérive, et il était permis de penser, au terme de son pilote, que ce serait là son sujet. Et comme la série avait trouvé un ton qui lui était personnel, qui faisait preuve de chaleur et de personnalité, elle devenait plaisante à suivre. Ainsi qu’à cause de son sujet-même, puisque, vous le savez maintenant, j’ai un méchant biais envers les séries qui se passent en cuisine.
Enorme erreur. En deux épisodes… disons, bon allez, deux épisodes et demi, l’affaire était classée. Et désormais, dinner n’est qu’une série se déroulant dans un restaurant. On s’intéresse à ses personnages et à leurs histoires personnelles, mais à quelques détails près, ces mêmes histoires pourraient se dérouler dans n’importe quel milieu professionnel. Certains personnages qui étaient bien écrits au départ, équilibrés, comme par exemple la manager Saori, sont devenus stéréotypés au possible, et d’autres ne doivent leur salut qu’à l’interprétation et sûrement pas au scénario, à l’instar du chef Ezaki. De gros trous sont apparus dans le contexte-même de la série (l’un, et non des moindres, étant qu’on n’a aucune idée de ce qui est arrivé au chef Tatsumi, qui apparemment est plongé dans le coma sans que sa fille n’aille le voir, ou qui a été peut-être enterré dans la plus grande indifférence, allez savoir ; je ne peux imaginer qu’il soit simplement en convalescence, car sinon quelqu’un aurait forcément eu l’idée de lui poser des questions sur la meilleure façon de gérer le restaurant, n’est-ce pas ?).
L’affront ultime m’a été fait dans le 5e épisode, dans lequel on a droit à absolument tous les clichés de la comédie romantique de pacotille. Et vous savez combien je suis irritable en matière de romances…
Je ne dirai pas que le divorce d’avec dinner est, hm… consommé, parce qu’au point où j’en suis, il reste une poignée d’épisodes à diffuser, grosso-modo j’ai fait la moitié du chemin, ce serait trop bête d’arrêter maintenant. Mais je suis très, très déçue, et je ne vais plus dévorer les épisodes comme je l’ai fait jusque là, mais plutôt les regarder quand je n’ai plus rien à voir (c’est très mauvais signe que je dise ça, vous vous doutez bien qu’en tant que pilotovore, j’ai toujours des trucs à voir). Accessoirement, Fuji TV a annoncé ne plus vouloir diffuser de série dans la case horaire qui actuellement celle de dinner, le dimanche soir à 21h, eh bien, je le vis beaucoup mieux maintenant, pour tout vous dire.
A l’issue de ce 5e épisode, et alors que le 4e avait déjà bien calmé mes ardeurs, mon premier réflexe a été de me demander si je ne m’étais pas emballée trop vite… mais, oho, ça se saurait si c’était mon genre ! J’ai donc jeté un nouveau coup d’oeil au pilote et, non, vraiment, le pilote de dinner me plait toujours. Peut-être un peu moins maintenant que je sais comment les choses ont tourné, mais en-dehors de ça, non vraiment, c’est un chouette pilote.
Simplement, un pilote, c’est trompeur. Une leçon, un cautionary tale qu’il faudrait que je garde à l’esprit pour le prochain pilote asiatique que je tenterai… eh bien, ce soir, et à vrai dire, peut-être demain aussi.
…Héhé, bah oui : j’apprends vite, mais il faut m’expliquer souvent.