Il apparait que, dans le cadre du challenge avec whisperintherain, consistant à tester tous les pilotes de la saison pour vous en parler ensuite, Utopia se pose comme un défi en soi. Prêts à le relever avec moi ? Accrochez-vous, on est partis… et j’aime autant vous prévenir, ça va être chaotique.
Pour vous parler d’Utopia, il faut probablement commencer par le plus évident : son ambiance. Et quand je dis que c’est le plus évident, en réalité je veux dire que c’est la seule chose qui apparaisse de façon évidente ! La série britannique frappe immédiatement par son esthétisme à la fois froid et coloré ; aux nombreuses couleurs pop s’oppose l’éclairage glacial et étouffant, conférant immédiatement à l’épisode une personnalité bien à part, et qui s’intègre parfaitement dans le récit. A ses apparences branchées mais angoissantes, Utopia ajoute un soundtrack génial, composé en grande partie de musiques ostensiblement artificielles (régulièrement à contre-courant de l’action d’ailleurs), mais laissant aussi une large part à des bourdonnements se faisant passer pour des silences. En général, ce n’est pas le genre d’univers musical que j’apprécie, mais dans le contexte d’Utopia, ça fonctionne incroyablement bien !
Avec ces deux ingrédients essentiels, et parfaitement maîtrisés, le pilote se pose immédiatement comme une oeuvre raffinée, moderne, unique.
Mais ça ne nous dit pas du tout de quoi ça parle… je soupçonne que ce soit à dessein.
Utopia commence dans un magasin de bande-dessinées dans lequel deux hommes étranges apparaissent. Avec le plus grand détachement, ils vont commencer à tuer quelques uns des hommes présents dans la boutique, lesquels, abasourdis, se laissent docilement faire ! Une seule chose intéresse nos deux tueurs : poser des questions à propos d’un manuscrit nommé Utopia, et d’un nom : « Jessica Hyde ». Et tout cela se fait dans le calme, avec de jolies couleurs éclatantes et une petite musique comme venue tout droit d’un épisode de Portlandia ! Totalement absurde !
Ca n’a aucun sens pour les personnages présents ni pour le spectateur, et l’épisode va procéder de cette façon pendant une grande partie de son déroulement, mettant énormément de temps à faire sens à la fois de cette scène d’ouverture, et de son sujet en globalité. Des scènes décousues vont se succéder, semblant n’avoir aucun lien entre elles, et souvent assez longues. Qu’ont donc en commun ces personnages qui défilent à l’écran ? Quand plusieurs d’entre eux prennent contact via un forum consacré à la bande-dessinée The Utopia Experiments, justement, les choses sont à peine plus claires. Sur eux, on ne sait rien d’ailleurs. Ils ont simplement lu l’oeuvre, et semblent intrigués par elle… Même eux, en décidant de se rencontrer, ne semblent pas tout-à-fait certains de savoir dans quoi ils s’engagent.
Et comment le pourraient-ils ? A intervalles réguliers, notre tandem de tueurs tranquilles débarque, et quiconque semble en savoir trop meurt… non sans que le nom de « Jessica Hyde » ne soit évoqué au préalable, car résolument notre duo apathique est très intéressé par cette femme. Mais le spectateur continue d’être tenu hors de la confidence, et ignore qui est cette Jessica.
Lentement, très lentement, Utopia se révèle être une histoire mêlant science-fiction et conspiration. Les deux tueurs veulent visiblement étouffer quelque chose en rapport avec The Utopia Experiments, un graphic novel qui en réalité compte deux tomes, et non un seul comme le pensent la plupart de ses lecteurs ; ceux dont nous avons fait la connaissance dans ce premier épisode, et qui ont décidé de se réunir, ne connaissent donc pas, eux-mêmes, toute l’histoire qui les fascine. Surtout que visiblement, les autorités telle que la police participent activement (mais sans avoir connaissance des tenants et aboutissants) à compliquer la vie de ceux qui s’approchent trop près de la vérité sur Utopia, ce qui n’arrange rien !
Et pendant que les lecteurs essayent de donner du sens à tout cela, un homme qui semble n’avoir aucun point commun avec eux participe à une immense machination dans le milieu pharmaceutique, poussant son supérieur à commander des vaccins en surnombre pour soigner la grippe.
Fasciné autant que dérouté, et commençant à repenser aux titres des journaux de ces dernières années, le spectateur continue de regarder, mais tout cela est complètement tordu…
Les quelques révélations sur The Utopia Experiments qui nous seront faites au cours de l’épisode sont trop précieuses pour que je les dévoile ; je pense qu’à ce stade, vous l’aurez compris : savoir quelque chose sur l’oeuvre fictive permet de comprendre la série elle-même. Mais entendre ces quelques explications permet de mesurer la complexité de l’intrigue à laquelle la série Utopia s’attèle.
Si la série tient ses promesses, il y a de grandes chances pour qu’on tienne l’ovni le plus génial de l’année. Or, ce qui est absolument fou, c’est que pour le moment, seuls 6 épisodes d’Utopia ont été commandés par Channel 4 ! Comment la série va-t-elle réussir à explorer son thème conspirationniste, sa trame politico-financière, et même les relations interpersonnelles entre ses protagonistes, tout en préservant son ambiance unique ?!
L’ambition d’Utopia a de quoi électriser le plus blasé des téléphages, et on n’a même pas encore toutes les pièces du puzzle ! A cet égard, la série m’a rappelé Black Mirror, dont le ton unique a su prendre le spectateur au dépourvu, à la fois de par sa maîtrise de la narration et par des scènes d’une grande violence pour le spectateur. Car il y en a. Oh oui, il y en a une qui inoubliable…
Utopia est difficile à regarder, difficile à comprendre, et difficile à expliquer. Mais on sent pourtant, instantanément, que tous les efforts seront récompensés, car Utopia respire, paradoxalement, la cohérence, et met le spectateur en confiance.
Si vous vous sentez d’attaque pour une série qui ne va sûrement pas vous prendre par la main, et que vous pensez tolérer n’importe quelle scène choquante (parce qu’il y en a une bien gratinée vers la fin de ce pilote), je ne saurai que vous conseiller de tenter le coup. Une fois que vous serez un peu dans la confidence, on en reparlera entre nous…
Tout ça est très intriguant, je prends note !
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Je viens de voir ce pilote… Que dire! Sinon que je partage votre avis à 100 %. On tient là quelque chose qui pourrait rester dans les annales. A chaud j’y suis allé de mon impression première (je me méfie de mes enthousiasmes immédiats) sur un autre blog avant de chercher des avis ailleurs pour savoir si je n’avais pas rêvé:
Je suis soufflé… Quel plaisir de regarder une série sans s’attendre à rien de particulier sinon passer le temps et tomber sur un ovni rien moins que prodigieux. Si la qualité se maintient le long de la saison, nul doute que l’on tient là une série promise à faire parler d’elle – pour ne pas dire culte. Un ton unique, absolument original dans son habileté à fondre les genres, une réalisation sophistiquée à la hauteur de ses enjeux qui, au vu du pilote, sont élevés. Noire et lumineuse à la fois, d’une esthétique jamais gratuite mais toujours en symbiose avec son sujet, soutenue par une bande son stratosphérique de toute beauté (faut que je trouve la musique), cette plongée dans la paranoïa contemporaine, à l’humour décalé, arrive à marier à la brutalité la plus noire une sorte de grâce aérienne. C’est peu dire que je suis conquis. Reste à espérer que la suite maintiendra le niveau…