Perçons ensemble le mystère féminin

2 janvier 2013 à 23:41

Est-il possible, à votre avis, d’écrire une série basée sur les sujets de genre sans se montrer sexiste ? Est-ce humainement envisageable ? Sincèrement, c’est un rêve inaccessible, ou bien ?
Je ne parle même pas forcément de séries qui vont tomber aussi bas que Work It parce que, bon, il en faut quand même, faut rien exagérer. Mais est-il imaginable qu’un jour, on ne parle pas des genres juste pour en renforcer les stéréotypes ? C’est l’interrogation qui est la mienne au visionnage de la série néerlandaise Lieve Liza.

L’histoire de cette dramédie est celle de Mark, un journaliste sportif qui ne s’intéresse qu’au foot, et qui apprend un jour que son poste qui est désormais responsable de la rubrique dédiée aux affaires de coeur dans un magazine « lifestyle », comme on dit, héritant d’une longue tradition d’agony aunts tenant anonymement la rubrique intitulée « Chère Liza » (d’où, naturellement, le titre de la série).
Le problème c’est que Mark tient à son image de macho, aussi bien vis-à-vis de ses amis que de sa copine Suus, et qu’il va donc tenter de cacher son nouveau boulot aussi longtemps que possible. Pourtant, en répondant au courrier des lectrices (forcément des lectrices) qui lui demandent des conseils, pensant s’adresser à « Liza », Mark va mieux comprendre les femmes de son entourage, et notamment sa petite amie, à laquelle lentement mais sûrement il devient plus attentif.

Mieux comprendre les femmes. Arrêtons-nous là-dessus. Que veulent les femmes, au juste ?
Parce que ce sont forcément des créatures étranges dont il faut pénétrer les secrets les plus tordus et les plus cryptiques, dont il faut découvrir les étranges rites, les curieux espoirs incompréhensibles, n’est-ce pas ? Eh bien, pour autant que Lieve Liza soit concernée, les femmes veulent porter des couleurs criardes, trouver l’église de leurs rêves pour leurs noces, et sortir les soirs de match (les soirs de match ! Femme, es-tu folle ?!). Alors évidemment, il faut bien toute une série à Mark pour comprendre comment fonctionnent ces être bizarres, et cette série sera Lieve Liza, qui au prétexte de faciliter la communication entre les sexes, ne fait que renforcer les clichés les plus absurdes.
Ainsi, dans les bureaux de la rédaction du magazine « lifestyle », il n’y a que des femmes surlookées, qui boivent du thé à la menthe fraîche et des petits capuccinos dans des bureaux bariolés, et qui se préoccupent de choses aussi vitales que, euh, eh bien, bon. Aucune chose vitale parce que quand même restons sérieux. En revanche, dans le milieu du journalisme sportif, où les bureaux sont gris et où tout le monde (c’est-à-dire uniquement des mecs) vient bosser en austère costume trois pièces, on prépare rien de moins qu’une interview de Maradonna (et non Madonna comme cette conne de rédac’chef « lifestyle » le croit), légende internationale de ce noble sport qu’est le foot.
Voilà, le monde est d’une simplicité enfantine, il suffisait de demander.

Fort heureusement, Mark va s’ouvrir à tout cela grâce à sa fameuse colonne « Lieve Liza », et au contact de ses collègues féminines… Lui qui jusque là ne pensait qu’à sa petite personne et au foot, va progressivement s’ouvrir aux préoccupations des femmes de son entourage ; on pourrait alors penser que je fais vraiment ma féministe enragée de bas étage, et se dire que Lieve Liza ambitionne quand même, au final, de réconcilier hommes et femmes, même si pour cela, sa situation de départ a dû établir une démarcation caricaturale entre hommes et femmes (une situation de départ où les femmes prennent un petit verre de vin rouge sur leur terrasse dans un maquillage impeccable, quand les hommes se retrouvent dans un bar qui sent la transpiration avec une bière à la main).
Sauf que non, désolée. Mark, dans ce pilote, prend les femmes plutôt en pitié qu’il ne les comprend ; il entre dans leur monde comme s’il s’agissait vraiment des antipodes du sien, pas comme s’il s’agissait du même monde qu’hommes et femmes partagent. Lieve Liza ne gomme pas les différences arbitraires qu’elle a construites pour montrer que Mark vit dans un monde rempli de cliché, elle les renforce ; son personnage principal apprend simplement à être à l’aise dans les deux. Vous me direz que c’est déjà bien… mais on est quand même supposés s’être affranchi de ces clichés il y a une ou deux décennies minimum, non ? Enfin, bon, certes, il faut admettre que globalement, Lieve Liza, en dépit de sa réalisation plutôt propre qui lui permet de n’être pas totalement confondue avec un épisode d’un sitcom AB Prod quelconque (il s’en est fallu du peu), semble quand même vivre dans le passé. A en juger par les couleurs chatoyantes et la bande-son (le bar où Mark et son meilleur pote se retrouvent propose comme musique de fond du Ricky Martin et du Lou Bega…), Lieve Liza n’est pas d’un fol enthousiasme quant à son appartenance à l’année 2012 (le pilote ayant été diffusé en décembre dernier).

Alors les filles, on leur explique ? On leur donne le vrai secret des gonzesses ? Le truc qui permettra à tous les hommes d’enfin comprendre comment on fonctionne dans nos têtes ? OK, approchez-vous, je vais tout vous dire.

Le voilà, notre secret : en vérité, les femmes veulent la même chose que les hommes !
Elles veulent réussir leur vie privée et professionnelle, faire quelque chose qu’elles aiment, trouver quelqu’un qui les aime, et basta. Elles aiment bien le sexe aussi, le matin elle se lèvent avec la vessie pleine tout pareil, tout comme vous ça les agace quand elles ne peuvent pas faire ce qu’elles veulent alors qu’elles avaient prévu un truc (comme un match… car certaines aiment le sport, même !), et, de surcroit, elles n’affectionnent pas toutes les tenues acidulées et les macarons (ou en tous cas peut-être quand même pas tous les jours à l’heure du thé, d’ailleurs de nos jours qui prend le thé ?!), et ne passent forcément pas leurs débuts de soirée à faire de jolis colliers avec des perles colorées, assise devant leur coiffeuse vintage !
Voilà, vous savez tout.
Eh oui, surprise : le mystère féminin, une fois percé, n’est rien d’autre que le mystère de l’autre. NEWSFLASH : l’autre est comme vous, sauf que c’est pas vous, c’est un autre !

Je sais pas, ça a du sens ce que je dis ? Dites-moi si c’est pas limpide, hein, parce que je me répète de bon coeur, vraiment. Et si c’est pas encore clair pour tout le monde, il y a même urgence à le reformuler autant de fois que possible jusqu’à ce que ça atteigne le cerveau.

Pourquoi Lieve Liza n’imagine même pas qu’une rédactrice en chef d’un magazine ne soit pas capable de faire la différence entre Madonna et Maradonna (surtout qu’elle a visiblement bien connu les années 80) ? Pourquoi Lieve Liza est convaincue que les mecs ont besoin de cours accélérés de gonzessitude pour être compréhensifs avec nous ? D’ailleurs de vous à moi, je me fiche d’être comprise par les hommes plus que par les femmes, je veux juste être respectée par tout le monde pareil et vivre ma vie peinarde, alors si un Mark veut débouler dans le coin avec des airs compatissants après avoir lu trois pages de BIBA, il va être bien reçu…
Combien de temps encore on va supporter ces séries débiles qui décrédibilisent les hommes (ces gnous incapables de penser plus loin que leur nombril, leur bière et leur foot) autant que les femmes (ces êtres incompréhensibles qui se prennent de passion pour la mode, les couleurs fluos et le mariage) ? On devrait pourtant être capables d’avoir d’autres séries sur ce thème, ou, soyons fous, plus du tout de séries sur ce thème, comme ça c’est réglé.

OK, donc Lieve Liza, c’était en décembre 2012. Voilà ce qu’on dit : maintenant que tout le monde est dans la confidence du fameux « mystère féminin », on arrête toutes ces conneries, et on décide enfin d’en finir avec les clichés stupides. A JAMAIS.
2013 sera le début d’une nouvelle ère. On dit ça ? Allez on dit ça.

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3 commentaires

  1. Najat dit :

    Ouh la la le pilote bidon qui aurait du mourir avec les années 90!

  2. k3c dit :

    un typo (fait exprès je suppose)

    s/Maradonna/Maradona

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