En matière de films, je n’ai pas du tout de « technique ». J’en ai vu, au final, très peu (et je ne vais pas au cinéma plus d’une ou deux fois par an pour en voir de très récents), et j’ai la sensation d’avoir un énorme retard à rattraper en la matière ; et en même temps, je n’ai pas vraiment envie de me taper tous les Transformers qui sont sortis, sortent ou vont sortir. Une part de mon inculture cinématographique est totalement assumée, parce qu’il y a des films dont je sens qu’ils ne sont pas pour moi, quand bien même ils ont du succès et/ou tout le monde en dit du bien.
Ca rend assez compliqué de me recommander des films, d’ailleurs, parce qu’il y en a que je ne sens pas du tout, et ce n’est pas la peine de me les suggérer, je sais très bien pourquoi je ne les ai pas vus ; et d’autres, l’immense majorité des autres, dont je ne soupçonne tout simplement pas l’existence, rapport au fait que je ne suis absolument pas l’actualité cinématographique en général, que je ne regarde même pas quels sont les films à l’affiche, et que comme je n’ai pas la télé par exemple, je passe à côté des promos des plus gros blockbusters dont on parle à un moment donné. Et du coup, toute mon éducation est à faire sur le plan des longs métrages (ne nous lançons même pas dans les courts, c’est pire), même si, obstinément, il y a des films que j’ignore volontairement.
Pour autant, il y a des films dont le pitch me rebute, et puis, un jour, allez savoir pourquoi, après avoir tourné autour du pot, il me vient soudain l’envie, ou plutôt le courage, ou quelque chose entre les deux, de finalement me mettre devant. Pour en avoir le coeur net. Et quand ça se produit, il n’y a pas de raison. Personne ne m’en a parlé récemment. Je n’ai rien lu au sujet du film qui ait déclenché un rappel (« ah ouais, j’en avais entendu parler… »), rien du tout. Mais tout d’un coup, et ce en dépit du fait que j’ai une liste de film sur mon ordis qui attendent d’être testés, eh bien, c’est celui-là que je vais tenter. Sans aucune raison apparente.
Mon rapport aux longs métrages a toujours été compliqué, et c’est ce qui m’avait poussée à tenter un challenge cinématographique en 2010 (j’avais à cette occasion découvert 95 films en une année, j’étais plutôt contente de mon effort) ; actuellement je me demande si je ne vais pas m’en lancer un autre en 2013 d’ailleurs. J’me tâte.
Enfin bref, tout ça pour dire : ce soir, quand j’ai pu me poser, plutôt que de lancer un épisode de série, j’ai décidé de regarder Lars and the Real Girl. Sans aucune raison apparente.
Pour ceux qui sont encore plus incultes que moi cinématographiquement (il faut le faire), Lars and the Real Girl, c’est l’histoire d’un jeune homme (probablement situé du côté fonctionnel du spectre de l’autisme, mais ce n’est que mon interprétation) qui décide d’acheter une love doll qu’il se met à traiter comme sa petite amie au vu et au su de tous, y compris de son frère et de sa belle-soeur, enceinte.
Mais ce dont je voulais parler dans le post du jour, c’est de ceci.
A un moment du film, environ aux deux tiers, disons, tout d’un coup j’ai eu un mouvement de recul, et je me suis dit : « tu te rends compte que t’es en train d’être émue pour une poupée ? ». Pendant une petite minute, j’ai donc commencé à me quereller avec moi-même plutôt que d’écouter le film, sur le mode : « que Lars y croie, c’est une chose, mais toi, tu es supposée être consciente qu’il s’agit d’une poupée ».
Et puis j’ai réalisé que ça ne faisait pas de grosse différence, dans le fond. Que se serait-il passé si la poupée avait été incarnée par une actrice totalement immobile, est-ce que ça m’aurait autorisée à ressentir les émotions ? Le plus fou, c’est que sur le moment, je n’ai même pas eu l’idée de me dire que Lars non plus n’était pas vrai. C’est un personnage ! Lars pense que la poupée est vraie parce c’est ce que veut la scénariste, c’est comme ça que fonctionne son histoire, mais Lars n’est pas plus vrai que ne l’est la poupée.
Comme l’indique la suite du film (pas d’inquiétude, si vous ne l’avez pas vu non plus, vous ne serez pas spoilé), la question de savoir si la poupée est « vraie » est finalement réglée sans même qu’on n’y prenne garde (ou, plus explicitement, balayée en une seule réponse par l’extraordinaire personnage de Patricia Clarkson).
Ce n’est même pas vraiment une question, dans le fond, et c’est ce qui rend, en partie, ce film si fabuleux.
Mais la question était posée à la spectatrice que je suis : pourquoi s’inquiéter de savoir si quelque chose est « vrai » dans une fiction ?
Pas au sens de réaliste, parce que ça n’est pas un vrai problème à mes yeux ; on peut évidemment se demander quelle est la bonne dose de réalisme et quelle est la latitude que peut prendre un scénariste avec la réalité, mais quand on affectionne autant les dramédies de Showtime que moi, par exemple, le réalisme des situations reste quand même un point très secondaire, pourvu que les personnages n’en manquent pas. Non, la question qui se posait, c’était de se demander ce qui est « vrai » dans ce qu’on regarde, bien qu’il s’agisse d’une fiction, et que chacun en soit parfaitement conscient.
Au moment de faire le film, aucune des personnes impliquées ne doute qu’il s’agit d’un film, pour commencer, et donc de quelque chose qui n’est pas « vrai ». On peut supposer qu’aucun acteur ne pensait de la poupée qu’il s’agissait d’une personne véritable, par exemple.
Bon, peut-être qu’un acteur vraiment jusqu’auboutiste irait jusqu’à le croire le temps d’un tournage (je sais pas, un mec qui suivrait la méthode Shia LaBeouf, par exemple), et/ou par ce même phénomène qui fait que deux acteurs dont les personnages sont liés romantiquement pendant un film ont tendance à sortir ensemble durant la période du tournage. Il y a aussi, évidemment, le cas à part des biopics… Et c’est à peu près tout. Mais sinon, c’est sans ambiguité.
Pourtant, il y a des choses qui sont vraies dans ce film. Ce sont de vraies larmes qui coulent sur les joues des protagonistes (à moins que les interprètes soient mauvais au point d’avoir à recourir à des artifices genre collyre…), et plus généralement, pour avoir dû afficher ces émotions à l’écran, les acteurs ont dû, dans une certaine mesure, les ressentir. Et ça, c’était « vrai ». De façon détournée et/ou brève, mais « vrai ».
Pourquoi m’en suis-je voulue, sur le moment, de ressentir quelque chose au sujet de cette poupée, au prétexte qu’elle n’est pas réelle ? Je ne me suis jamais fait la réflexion devant un film d’animation, et pourtant, mon émotion devant, mettons, l’introduction d’Up était on-ne-peut-plus réelle. Eeeh bah voilà, j’ai fait pleurer tout le monde rien que d’en parler, ah bravo lady ! Sans doute que c’est ce qu’une partie de Lars and the Real Girl essaye de questionner aussi, après tout, à travers les réactions des personnages qui croisent la route de Lars et de sa poupée.
Mais c’était vraiment une sensation bizarre que de me poser cette question, quand la ligne de démarcation est normalement tellement évidente.
L’interrogation n’a pas duré longtemps, et j’ai pu regarder le dernier tiers du film sans être gênée, ni prendre une attitude de recul qui m’aurait tenue à distance des émotions véhiculées par la fin de l’histoire. Ca m’aurait gâché l’expérience.
Mais je n’ai toujours pas répondu à la question. J’ignore pourquoi j’ai eu ce mouvement de recul vis-à-vis de cette poupée.
Peut-être parce qu’elle était un peu trop vraie, à la réflexion.
Mais je suis curieuse d’avoir votre avis. Quelque chose de similaire vous est déjà arrivé en regardant une fiction ?