C’est fou ce que la nostalgie peut faire faire. Ca, et la tentation d’un pilote encore jamais vu, à laquelle nous savons tous que je ne sais pas résister.
Plus tôt ce mois-ci, j’ai repensé, pour la première fois depuis des années (et ptet même une décennie) à Witchblade. J’avais même été surprise de n’avoir jamais eu ne serait-ce que l’idée d’aller jeter un oeil au pilote ; « c’est bizarre que je l’aie totalement zappé, quand même », m’étais-je dit en essayant de recoller les quelques souvenirs flous que j’avais de la lecture de l’unique comics jamais eu en ma possession. Donc évidemment, ça devait arriver, j’ai fini par le cagouler.
Une décennie plus tard, voici donc ma review du pilote de Witchblade, ou plutôt le téléfilm qui sert de pilote, diffusé par TNT pendant l’été 2000. Parce que je le devais quand même un peu à l’adolescente que j’étais et qui avait réussi à acheter UN numéro de Witchblade, et même pas le premier.
Le problème, dans ce genre d’opération, c’est qu’on pense n’avoir que des souvenirs vagues, sauf que plus l’épisode avance, plus il y a des choses qui reviennent à la surface ; or ces choses sont tantôt un élément permettant de mieux comprendre l’intrigue, tantôt des choses qui se passent bien plus tard et qui ne font qu’ajouter à la confusion.
Alors histoire qu’on parte tous du même pied, voilà de quoi parle ce pilote de Witchblade : Sara Pezzini est une femme-flic au caractère bien trempé, mais qui reste particulièrement touchée par la mort brutale de son père il y a plusieurs années ; il était flic, comme elle, et son partenaire est aujourd’hui le chef du precinct où bosse Sara, parce que dans les fictions le monde est toujours petit. Quand l’épisode commence, elle est sur une autre enquête qui la touche de près, et qui en apparence n’a rien à voir : son amie d’enfance, Maria, qui avait un peu mal tourné (drogue, prostitution…) vient d’être retrouvée morte dans une chambre d’hôtel, froidement abattue. Sara est convaincue que la pire crapule de New York, un homme du nom de Tommy Gallo, en est le responsable.
Bon, déjà je sais pas si c’est parce que j’ai de la fièvre et une bronchite de l’Enfer, mais j’ai pas du tout compris comment le nom de Gallo est venu sur le tapis. Pourquoi lui ? Aucune idée. Mais Sara est totalement obsédée par cette idée alors, euh, ok, on te suit ma grande.
Avec son partenaire Danny (le seul qui puisse supporter de bosser avec elle), elle décide donc de prendre Gallo entre quatre z’yeux, et se retrouve, en voulant courser son garde du corps, dans un musée. Et dans ce musée, elle va tomber sur un étrange gant, qui va s’avérer être le fameux witchblade, une arme qui l’a choisie et qui ne va plus la quitter, et qui va, à vrai dire, la sauver, lorsque le garde du corps pète une conduite de gaz et fait exploser l’endroit.
C’est là qu’enfin les choses démarrent vraiment. Car Sara est très vite troublée par d’étranges rêves, des visions perturbantes, et tout un tas d’autres manifestations qui ne font rien pour la rendre plus cohérente que d’habitude. Elle est également suivie par un homme mystérieux (dont on apprendra en cours de pilote qu’il s’appelle Nottingham, et qu’il bosse pour un encore plus énigmatique milliardaire du nom de Kenneth Irons, très intéressé par le gantelet), qui ne s’exprime que par énigmes sibyllines, semblant en savoir long sur le witchblade, mais bien décidé à ne lâcher que le strict nécessaire, et encore.
Bien que pas tout-à-fait dans son état normal, et on la comprend, Sara décide d’embarquer Danny dans une filture aux abords du Rialto, un ancien théâtre désaffecté où elle est convaincue de trouver un moyen de lier Gallo au meurtre de Maria. Bonne pioche : Gallo lui-même se montre, et alors qu’ils s’infiltrent dans le bâtiment dans l’espoir de trouver quelque chose qui incriminera le gangster, Danny et Sara sont découverts. S’en suit une fusillade pendant laquelle Danny est tué, mais Sara, grâce au witchblade, survit. C’est donc un nouveau deuil pour notre héroïne, et là, elle est sûre de péter une durite ; elle se voit même parler au fantôme de Danny après l’enterrement ! Mais quand, suivant le conseil du fantôme qu’elle croit être une hallucination, elle demande à l’ex-partenaire de son père (accessoirement son boss, si vous avez suivi) s’il n’y aurait pas des fois un secret qu’il lui cache, elle découvre… qu’elle a été adoptée. Cela aurait-il un rapport avec le witchblade (qui lui permet donc apparemment de parler aux morts aussi) ? Pas le temps de se poser de questions, car l’affrontement final avec Gallo l’attend…
Wow ! Tout ça.
Et pourtant, même si le scenario est assez simpliste, et en dépit de quelques longueurs, je vous le concède, j’ai trouvé ce pilote diablement efficace. Vraiment, j’étais emballée, et ce en dépit de la longueur (1h34, ce qui à une époque n’était pas ahurissant, mais on a perdu l’habitude des pilotes à durée double).
Il faut aussi se remettre dans le contexte : on est à mi-chemin entre la fin des années 90 (l’héroïne est en jeans trop grands, en cuir, et/ou en vinyle 90% du temps, la musique rock est partout, de tics de réalisation venus de l’univers du clip, etc…) et le début des années 2000 (avec ce que cela comporte d’effets à la Matrix, de montage poussé à son paroxysme, et ainsi de suite). Et on a, en matière de réalisation, quelque chose que je n’hésiterai pas à qualifier de meilleur des deux mondes. Sans compter qu’on était en pleine vague de séries surnaturelles, avec énormément de mystères et de secrets, et que ménager ses effets, on savait faire, on était en pleine vague X-Files après tout ; là encore, Witchblade s’inscrit profondément dans cette tendance.
Pour moi qui ai passé plusieurs années de mon adolescence devant The Crow, par exemple (oui, ma mère était fan, on regardait toutes les rediffs), on est un peu dans le même esprit, visuellement, pour vous donner un point de comparaison. Il y a quelques vrais moments de bravoure, même si certains effets (au stroboscope, notamment) vieillissent un peu mal, mais clairement, pour un téléfilm/backdoor pilot, il y a eu de la recherche esthétique, du travail au storyboard, et énormément de temps passé à trouver LE plan qui va faire un effet de folie.
Résultat, ce pilote est incroyablement bien fichu, et on oublie la majorité de ses petites bévues lorsqu’on voit ce que ça donne.
Ce n’est pas tant que la forme permette de faire oublier les aléas du fond, d’ailleurs. C’est simplement que, d’une part, il y a énormément de choses à raconter en une heure et demie, et que ça implique quelques raccourcis (l’enquête policière est un peu reléguée au second plan, mais depuis quand c’est le genre de choses dont je me plains ?), et surtout que, d’autre part, il y a une vaste mythologie à mettre en place, mais que les mecs, ils font un backdoor pilot, et ils ne veulent rien lâcher. Ce sont les règles du jeu.
Alors au lieu de ça, on va passer énormément de temps avec notre personnage central. Sara Pezzini étant une plaie béante, on a largement de quoi s’occuper. Loin de la caricature du personnage dur qui ne s’en laisse pas compter, on sent que c’est surtout une nana qui a méchamment morflé, et qui d’ailleurs n’a pas fini. La mort de sa meilleure amie, puis de Danny, les souvenirs agités par son boss, sans compter cette histoire de gantelet aux pouvoirs surnaturels, ça n’est pas très bon pour sa santé mentale. On va donc vivre ces traumatismes les uns après les autres à ses côtés ; même si on comprend un peu plus vite qu’elle c’est qu’est le witchblade, en tous cas dans les grandes lignes, on ne peut qu’apprécier la façon dont se déroulent ses cauchemars, ou les diverses manifestations du pouvoir de cette arme unique, capable de voir dans le passé, par exemple. Et le plus beau c’est que, même si ça semble super utile pour un policier, l’arme est très peu tournée vers le bénéfice professionnel de Sara ; elle ne s’en sert que lorsqu’elle est poussée dans ses retranchements, et physiquement attaquée. C’est fort sympathique parce que sinon elle aurait vite fait de résoudre toutes les enquêtes du precinct et ce ne serait plus marrant du tout.
Au final, le witchblade est avant tout une malédiction. Car à cause de lui, et des bouleversements que ce gantelet a occasionné, toute la vie de Sara est fichue par terre. Elle ne sait pas qui elle est, elle possède un pouvoir qui la dépasse, et par-dessus le marché, de temps à autres, le witchblade lui impose SA volonté, SON instinct de tuer, quelque chose que, plus que les pouvoirs eux-mêmes, il faudra que Sara contrôle, ce qui n’est évidemment pas sa plus grande qualité. Le witchblade peut-il « dévorer » Sara ? Que se passera-t-il si c’est l’arme qui finit par manipuler la guerrière ? Et dans tout ça, Sara fera-t-elle une dépression, ou a-t-elle une chance de trouver, un jour, le repos ? Va-t-elle totalement péter les plombs ? Et si elle le fait, qui sera en mesure de l’arrêter ?
C’est là que le pilote voulait nous amener, à ressentir le désarroi d’un personnage qui pourtant en a vu d’autres, et qui désormais peut basculer, une sorte d’animal paniqué qui a désormais de sacrées griffes ! Les éléments mythologiques ont dont plutôt une belle vocation dramatique, dressant un portrait tout en souffrances plus que d’une histoire de pouvoirs magiques millénaires. Et forcément, moi, ça me parle, ce genre de choix.
Malgré tout, quelques bémols. Et vous allez voir que, oui, même quand on a lu un malheureux numéro il y a près de 15 ans, on peut faire la chieuse et jouer à la puriste du dimanche.
D’abord, l’un des intérêts de Witchblade, ne nous mentons pas, était… l’esthétisme. Oui, voilà : formulons-ça comme ça !
Dans la version dessinée, comme vous pouvez le voir ci-dessus, Sara Pezzini est caliente de chez caliente, elle ne porte que des tenues minuscules et/ou moulantes, et il faut bien le dire, elle est un peu exhib’ sur les bords. Pour notre plus grand bonheur. Dans la version télé, Yancy Butler est, euh… rha, comment le dire de façon diplomatique ? Un peu… distante. Sèche. Froide. Aussi bandante qu’un réfrigérateur. Pardon je m’emporte. Mais pas loin. En tous cas certainement pas pupleuse, disons ça. Et surtout elle reste habillée au maximum, ce qui est quasiment contre nature, vu que dans la version dessinée, dés que le witchblade se manifeste, Sara souffre de brucebannerite aiguë et ses vêtements implosent (et pas uniquement parce qu’ils sont trois tailles trop petits, mais on va y revenir).
Mais il faut le dire, personne ne fait beaucoup d’efforts de toute façon ; bon, il y a bien David Chokachi qui tente de se mettre torse-nu à un moment, mais l’héroïne s’endort séance tenante, c’est vous dire le degré d’érotisme de la chose. Et pourtant, Chokachi est le seul à ressembler à peu près à son alter ego dessiné (il faut dire qu’il n’est à peu près embauché que pour ça vu la teneur du rôle ; si jamais vous regardez le pilote, il faudra qu’on discute de la scène au club, par exemple !). Nottingham, qui est supposé être une énorme montagne de muscles ténébreuse, est ici planqué dans un manteau quadruple épaisseur (Toronto en février, c’est pas chaud, je le reconnais) et jette des regards de temps à autres par-dessous son bonnet, inutile de dire qu’on ne la sent pas trop, la chaleur avec Sara… Quant à Irons, c’est une vaste plaisanterie, l’acteur est maigrichon et n’impressionne personne. Déception, vous dis-je.
Bon, mais plus sérieusement, il y a un vrai problème à mes yeux : l’apparence du witchblade. Alors je comprends bien, la postprod, ça coûte un bras (ah ah), mais un vulgaire truc de métal, ça fait un peu miteux. Je crois que l’une des images les plus fortes que j’avais mémorisées de Witchblade, c’était celle ci-dessus (je me suis mise en chasse pour l’occasion, pas peu fière d’avoir mis la main dessus…). Le witchblade est dans la bande-dessinée une arme quasi-végétale, comme des ronces qui émergent du corps de Sara et qui la recouvrent, faisant péter ses vêtements au passage (et la faisant saigner aussi, si je me souviens bien ; un peu comme Wolverine, pour ceux qui suivent). Bon, ok, je le redis : c’est pas facile à faire, j’en conviens. Mais pourquoi opter pour une sorte de « tout l’un ou tout l’autre », et se retrouver avec un truc métallique ? On perdu une donnée importante du witchblade au passage ; car dans la version télé, cela ressemble surtout à une armure. Et une armure, c’est bien. Alors qu’une plante mutante qui vous pousse dans le corps, c’est plus ambivalent, quand même, ça vous blesse autant que ça vous protège… bon, moi je suis déçue qu’on perde une partie de cette dimension, quand même, voilà.
Mais surtout, et là je vais être totalement et absolument sérieuse… le pilote a beau être efficace et plutôt réussi, eh bien, je ne sais pas si j’ai envie de voir les 23 épisodes qui suivent. En fait, je crois qu’en regardant le pilote de Witchblade et en essayant de m’imaginer regarder ça pendant quelques semaines (ouais, c’est pas tout ça, mais j’ai mon marathon Scrubs à finir, en plus, vous savez, de tout le reste), c’est que ça doit sembler un peu répétitif et/ou longuet. Paradoxalement.
Et alors que j’essayais, plus tôt ce mois-ci, d’imaginer ce que donnerait une série « live » des X-Men, notamment parce que le livre X-Men and Philosophy laissait entrevoir des thématiques fascinantes qui ne pourraient jamais être approfondies dans un film comme elles pourraient l’être dans une série, soudain je me suis dit que, ouais, mais non. Parce que si on y réfléchit, des superhéros sans scènes de baston, c’est rare (et d’ailleurs le pilote de Witchblade en contient une ou deux qui ne m’ont pas captivée, fidèle à mon habitude). Or ça donnerait un tour très répétitif à notre affaire. C’est aussi pour ça que je suis contente d’en avoir fini avec les années 90, d’ailleurs, parce que mon Dieu, qu’est-ce qu’on en a bouffé des scènes d’action de tous poils…
Reste que pour une raison qui m’échappe, visionner ce pilote, qui n’a pourtant pas vieilli tant que ça visuellement (vraiment sur des détails, c’est promis), m’a fait opérer un voyage dans le passé. J’ai repensé à plein de séries que je regardais alors (au rayon séries fantastiques, mais aussi à Brooklyn South du fait de la présence de Yancy Butler ; et puis, David Chokachi est, dans l’esprit de tous les téléphages ayant connu les années 90, associé à Alerte à Malibu), des comics que j’avais tenté de lire, tout ça tout ça, et c’était assez sympa de faire ce voyage.
Dans ma fuite en avant pour voir toujours plus de pilotes (soit très exotiques, soit très anciens), j’en oublie parfois qu’il y a à peine 10/12 ans, on faisait des choses pas trop mal. Je crois d’ailleurs qu’on l’oublie tous assez facilement, dans l’ensemble, ces séries qui ne sont pourtant pas si vieilles ; elles ont la malédiction de n’être pas assez datées pour être des classiques, et pas assez récentes pour être mentionnées de temps à autres. C’est chose faite pour Witchblade, au moins. C’est déjà ça.
Bon, mais maintenant, je me demande si je vais pas me remater le pilote de The Crow, dites donc…
Et tout ça à cause d’un visionnage de la trilogie X-Men…