Mes tentatives pour me réconcilier avec la télévision sud-coréennes sont assez aléatoires. Pour un White Christmas, combien de Kkotminam Ramyeongage ?
Mais alors que je faisais des fouilles en matière de séries venues de Singapour et de Hong Kong (des fictions asiatiques susceptibles de parler anglais, donc… j’ai notamment mes vues sur The Kitchen Musical qui finira bien par sortir en DVD un jour vu son succès), je suis tombée sur le DVD de Brain, une série sud-coréenne dont j’avais entendu du bien, et dont le pitch tendait à indiquer que de romance il n’y aurait point ! Or la romance systématique, c’est ma pomme de discorde avec la Corée du Sud ! Pire : ma kryptonite ! Ni une ni deux, j’ai commandé le DVD, à plus forte raison parce qu’il comportait des sous-titres anglais.
Brain se déroule dans l’hôpital universitaire de Chunha, qui forme [évidemment] la crème de la crème des médecins de demain ; en particulier, son service de neurochirurgie est très prisé par les étudiants en médecine souhaitant se spécialiser. L’épisode commence un peu comme les plus grands procedurals de la planète, avec une très classique entrée en matière qui nous permet d’assister à une exceptionnelle performance d’un nageur dans une piscine de la ville ; tandis que l’athlète fait l’admiration des simples péons venus faire trois brasses dans le grand bain, sur le côté, un homme un peu rondouillet s’effondre : il sera notre patient, naturellement, et nous l’accompagnons alors qu’il est emmené de toute urgence à Chunha, où sa rupture d’anévrisme doit être traitée dans les meilleurs délais.
Jusque là rien que de très classique, mais quand c’est le jeune résident Dr Ganghun Lee qui décide de l’opérer au lieu d’appeler un senior, une partie du personnel médical tique un peu.
Sûr de lui, Ganghun Lee va donc se dépêcher de faire libérer une salle d’opération, se préparer consciencieusement, et opérer accompagné de ses internes, lesquels sont ébahis par son assurance, son audace et son sang-froid même quand les choses commencent à mal tourner.
Car elles tournent mal. Subitement, une hémorragie l’empêche de finir d’oblitérer l’anévrisme ; alors que le patient se vide de son sang, le Dr Lee semble incapable de trouver la source de ce saignement, inquiétant tout les jeunes internes et les résidents massivement agglutinés dans la salle d’observation. Bien qu’il poursuive son opération sans ciller, un autre résident, le Dr Seo, décide de discrètement avertir le professeur Kim, un expert mondialement renommé qui consacre une grande partie de son temps à la recherche sur les tumeurs. Pendant que les internes, les résidents, et désormais le professeur, assistent avec angoisse à la tournure de l’opération, le Dr Lee a fait appeler le chef du service, le Dr Go ; quand ce dernier arrive, Lee a quasiment tout réglé : il ne reste plus qu’à installer la petite pièce métallique finale qui achèvera de fermer l’anévrisme.
Pendant toute cette scène, il est clair que le spectateur, qui s’est aussitôt rangé du côté du Dr Seo (l’attitude hautaine et arrogante de Lee empêchant toute affectivité), est convaincu que cette enflure de Dr Lee va avoir la monnaie de la pièce. Pour avoir été trop sûr de lui, trop empressé à conduire sans supervision une opération minutieuse et sensible, il va tout perdre, c’est certain. C’est dans l’ordre des choses : il faut être humble, travailler dur, et attendre d’être prêt ; Ganghun Lee a voulu aller trop vite, il va récolter ce qu’il a semé.
Mais le Dr Lee a une longueur d’avance sur nous. Sur tout le monde. Et non seulement il est sûr de lui, et d’un sang-froid hallucinant, mais en plus, il a raison ! Quand le Dr Go débarque, le patient se porte comme un charme, il ne reste plus qu’à faire une petite manipulation minable, indigne d’un chef de service. La réaction ne se fait pas attendre : le Dr Go décrète à voix haute que pareille tâche n’est pas digne de lui, que Lee est suffisamment compétent pour s’en charger vu qu’il a parfaitement mené l’opération jusque là (il ignore que quelques minutes avant son entrée dans la salle d’opération, le patient pissait le sang…), et que désormais, Lee pourra faire ses opérations sans supervision : il a sa bénédiction.
Et devant le service tout entier, excusez du peu.
Soudain il apparait que l’intention de Brain n’est pas de parler de médecine, mais de l’ambition des médecins.
Ganghun Lee a parfaitement joué son coup (certes avec un max de culot et peut-être une petite part de chance) pour être désormais reconnu comme un médecin accompli par la hiérarchie.
Avec cette entrée en matière un peu longue, en apparence un peu scolaire dans le déroulement des séquences (on pensait assister à une opération comme une autre, ensuite on se dit que ça se trouve on est là pour assister à un rappel à l’humilité d’un chirurgien…), et dont on ne nous passe pas le moindre détail médical explicite puisque la camera observe plus l’opération que les médecins (en cela, cela m’a un peu rappelé le début de Before and After Seonghyeongoekwa, ne s’embarrassant pas de montrer les manipulations dans toute leur crudité), Brain établit en fait les bases d’un système politique interne à l’hôpital, où l’arrivisme compte autant que les compétences.
La suite du pilote sera consacrée à insister en ce sens, en montrant non seulement comment désormais Ganghun Lee va se considérer arrivé, et va user de son pouvoir avec les jeunes médecins placés sous son autorité, mais aussi comment le Dr Seo va progressivement se placer sur sa route, comment le Dr Ko va au contraire encourager son poulain, et comment, dans tout ça, le très compétent et très humain Pr Kim va se montrer être un exemple de praticien dévoué.
Cela ne veut pas dire, à aucun moment, que le Dr Lee ne compte que sur ses dents longues pour progresser professionnellement. Derrière son ambition se cache également beaucoup de travail et de renoncement.
Même s’il n’est pas le « gentil » de notre histoire, Ganghun Lee est notre héros, ou plutôt évidemment un anti-héros. Ce n’est pas un monstre comme le Dr Kelso (oui je me suis jeté quelques épisodes de Scrubs derrière la cravate, récemment), ce n’est pas un homme profondément blessé comme la figure emblématique de Dr House (même si évidemment, le point de départ de sa volonté de faire de la médecine s’explique par son background, on ne peut pas y échapper). Et j’ai apprécié que Brain prenne vraiment un parti original et personnel dans sa façon d’aborder un personnage qui, clairement, n’attire pas la sympathie ni de son entourage (mais il s’en fiche), ni des spectateurs (et ça c’est plus compliqué, déjà).
Sa mère et sa soeur, par exemple, sont devenues des étrangères pour lui ; ce n’est pas vraiment qu’il les méprise, simplement il ne veut pas avoir de connexion ni de temps pour elles. Il n’a tissé de lien avec personne à l’hôpital, si ce n’est le Dr Ko, mais c’est évidemment à dessein ; cela ne se traduit même pas par une quelconque forme d’obséquiosité, car Ganghun Lee veut essentiellement se faire remarquer pour ses compétences, il est simplement très habile lorsqu’il s’agit de les mettre en avant, on l’a vu. Et puis, alors qu’il semble n’avoir pas cligné de l’oeil une seule fois depuis des heures et des heures, il est clairement impliqué dans une amélioration constante de ses capacités, un entretien régulier de sa résistance physique, et une mise à niveau permanente de ses connaissances médicales. Ganghun Lee n’est pas un surhomme, mais c’est un homme tout entier dédié à son but. Il est peut-être insupportable pour ses internes ou les autres résidents, mais il se veut irréprochable et travaille de façon acharnée à atteindre une certaine sorte de perfection.
En décidant de tout sacrifier, de tout occulter au nom de son ambition, Ganghun s’ampute d’une part d’humanité pourtant inhérente à son rôle de soignant. C’est aussi ce que cherche à dire Brain, qui nous rappelle, via la présence du Dr Seo et du Pr Kim, que le contact avec les patients est important aussi ; à défaut de faire toute la différence dans la guérison d’un patient, cela fait en tous cas toute la différence dans la relation qu’a le malade avec celui qui le soigne.
Naturellement, ce n’est pas un simple boulevard qui s’ouvre au Dr Lee dans ce premier épisode. Des rappels à la réalité lui seront, à coup sûr, assénés, à bien des égards.
D’abord parce que la situation financière du service de neurochirurgie va inciter la hiérarchie à braquer les projecteurs sur le Pr Kim, afin de s’assurer que ses recherches font de lui le centre d’attention de l’hôpital, attirant ainsi une certaine réputation et donc une certaine clientèle. En volant ainsi, sans le vouloir, la vedette à Lee, Kim va forcément réveiller la bête qui sommeille, mais d’un oeil seulement, derrière l’apparence maîtrisée de Ganghun Lee.
Et puis, le vernis est voué à se craqueler, nécessairement. La faute n’a pas été commise au début du pilote par Lee : ça n’est que partie remise. Il suffira d’une fois, d’une seule, d’une seule petite faute, même mineure : être un peu trop arrogant, trop sûr de sa supériorité, ne lui sera jamais pardonné maintenant qu’il a tout fait pour s’élever si haut et si vite.
Comme la plupart des séries sud-coréennes, Brain ne peut pas s’empêcher, outre la problématique posée par le comportement de Ganghun Lee, d’être un ensemble show : c’est dans son ADN. On trouve donc, dés ce pilote, et avec la certitude qu’ils vont se développer, d’autres axes narratifs et d’autres pistes de réflexion.
Il y a d’abord l’incontournable personnage féminin. Ah oui, au singulier ! Mais l’avantage c’est qu’elle est multifonctions, puisque la jolie Dr Jihye Yun va à la fois servir d’enjeu romantique (je vous laisse deviner l’expression sur mon visage), de personnage un peu plus humain et naturel (limite chouineuse de mon point de vue, mais je me sais assez réfractaire au surjeu de certaines actrices asiatiques) et d’argument sur, justement, la place des femmes dans un monde très masculin.
Jihye (que tout le monde appelle par son prénom, au passage) est à la fois en formation dans le service de neurochirurgie, et assistante du Pr Kim, qu’elle respecte et qui, apparemment, la respecte également ; ils partagent une relation de connivence, bâtie autour des recherches qu’elle l’aide à effectuer et qui sont en net progrès. Malheureusement, Jihye est aussi une femme au tempérament assez peu rangé, qui n’hésite pas à toujours dire ce qu’elle pense et laisser s’exprimer ses émotions, qu’il s’agisse d’instinct, d’inquiétude… ou de colère. Clairement, on est dans un classique des personnages féminins de Corée du Sud ces dernières années, dans lesquelles bien-sûr la jeune femme n’a pas la langue dans sa poche et ne comprend pas toujours le sens du mot diplomatie. Une personnalité qui ne pouvait que faire des prodiges face au self-control entretenu par le Dr Lee, qui tente de la remettre à sa place !
On assistera donc à une scène assez glaciale pendant laquelle, une fois de plus, elle a protesté ouvertement contre sa façon de traiter ses subalternes, et Lee lui assène une cinglante vérité : « Vous venez à une réunion de spécialistes sur deux ou trois, et vous n’êtes jamais là quand je viens pour observer. Alors vous êtes occupée, bien. Mais si vous faites l’impasse sur les réunions, vous devriez travailler encore plus dur. Est-ce que vous le faites ? Non. Vous êtes une résidente de troisième année, et pourtant vous faites des erreurs sur les dossiers des patients. Vous donnez les mauvais ordres, et vous ne répondez jamais à mes questions. Les femmes comme vous, je les connais. Vous vous arrangez pour vous glisser dans un domaine principalement masculin simplement grâce à l’agressivité et la chance. Et vous demandez des droits, et l’égalité, prenant tout ce que vous pouvez, mais fuyant les responsabilités, en faisant faire aux autres ce que VOUS êtes supposée faire ». Allez, mange. Cette critique aux relents un peu sexistes semble d’abord déplacée ; mais venant du Dr Lee sans coeur, faut-il être surpris ? D’autant que très vite, le Dr Yun s’est positionnée comme un personnage sympathique, avec lequel l’identification est, comparativement, beaucoup plus facile.
Mais à mesure que l’épisode progresse, les propos du Dr Lee prennent un sens nouveau. Même si ce n’est pas conscient, le Dr Yun profite des bonnes prédispositions de certains médecins à son égard, qui lui accordent plus d’attention : le Pr Kim, qui visiblement la considère comme un atout dans ses recherches, et qu’elle accompagne également pendant ses rondes ; et le Dr Seo, qui visiblement a un faible pour elle et qui est prêt à croire tout ce qu’elle dit sans la remettre en question. Et finalement, c’est vrai : en tant que femme, Jihye tire partie d’une certaine part de privilèges, quand bien même elle ne fait rien tout spécialement pour se les attirer.
Derrière la question amoureuse ainsi effleurée se cache donc une problématique intéressante… OUF !
Il faut aussi ajouter à ces deux personnages toute une galerie d’internes (généralement d’une docilité à toute épreuve face au panache de Ganghun Lee), de résidents, et d’infirmières, esquissant les relations professionnelles de tout un hôpital.
Dans cette série médicale, l’enjeu n’est justement pas le volet médical : il est acquis, parce que l’hôpital de Chunha est l’alpha et l’omega de la formation médicale, que tout le monde ici a un niveau minimum. Nous ne nous intéressons pas, ou si peu, aux patients : leur sort nous importe uniquement lorsqu’en dépendent les influences fluctuantes des médecins. L’enjeu n’est pas de souffrir avec eux, ni même d’espérer qu’ils guérissent ; d’ailleurs, lorsqu’on suppose (qu’on espère ?) secrètement que Ganghun Lee va tout foirer pendant l’hémorragie, on en viendrait presque à vouloir que le patient claque sur la table d’opération.
La question que pose Brain, c’est : qu’est-ce qui fait un bon médecin ? Tout est, vraisemblablement, dans l’équilibre.
Le Dr Ganghun Lee a, c’est évident, bien des qualités pour être l’un des meilleurs, et l’une d’entre elles, non des moindres, est qu’il ne souhaite rien plus au monde. Mais même l’excellence de sa technique, son sang-froid incomparable et son sens aiguisé de la hiérarchie hospitalière ne suffisent pas vraiment. A contrario, constamment dans l’émotionnel, le Dr Jihye Yun ne peut prétendre aux honneurs tant qu’elle n’apprend pas le contrôle, justement. Les recherches pointues et prometteuses du Pr Kim avancent, certes, mais en se détournant en partie des opérations, il n’est pas assez ostensiblement brillant, alors que le Dr Go cherche clairement des « stars » à mettre en avant auprès des VIP…
A travers son regard sur la politique interne des hôpitaux, Brain veut poser la question d’un idéal qui semble impossible à atteindre précisément si on s’y dédie. Que faire de tout cela quand il faut aussi s’auto-former, se perfectionner, entretenir un semblant de vie sociale et/ou familiale, et, chose non-négligeable, dormir ? Cette dernière question sera soulevée en filigrane par de mini-scènes insistant sur un interne qui passe son temps à s’endormir sur son travail… pour l’instant il n’a mis personne en danger, mais qui sait ?
Sur le volet financier, le coffret de Brain a coûté 42,27€, frais de port compris. La commande a été livrée en très exactement 8 jours, ce qui est pas mal vu le kilométrage effectué. L’objet majeur de mon admiration ira cependant à l’emballage : le coffret était dans du papier à bulle, fermement arrimé dans un carton à la Amazon, avec en plus une enveloppe renforcée pour faire le transport par-dessus le marché. Mieux, on peut pas.
Si le coffret en lui-même est un bel objet (boîte cartonnée et dépliable avec une fermeture aimantée, très belles illustrations reprenant la plupart des posters promotionnels de la série, il me faut quand même préciser l’encodage un peu pourri, mais aussi l’image au 4/3, qui d’après ce que j’ai lu est la façon dont ça a été diffusé à Hong Kong donc passe pour cette fois (quand on achète à l’étranger, c’est le jeu ma pov’lady !). M’enfin au moins, vous êtes prévenus.
Mais en mettant de côté ce léger soucis (et puis ça se verrait ptet moins sur ma télé que sur mon ordi, j’ai pas encore essayé), ça valait quand même le coup de faire cet achat, ne serait-ce que pour les sous-titres anglais d’excellentes facture. Je confesse avoir eu peur de tomber sur des fastsubs, j’avais du mal à croire qu’il s’agisse d’un DVD « officiel » (fut-il édité dans un autre pays que celui qui a vu naître la série), mais force est de reconnaître que c’est un investissement relativement fiable ; il faut dire que je suis relativement peu regardante sur la qualité d’image. Donc banco, je recommande.
L’univers de Brain s’avère foisonnant, passionnant, et complexe. Les quelques facilités sont facilement excusées par la volonté claire de poursuivre une discussion sur l’exercice de la médecine. On dit souvent de cette discipline, et en particulier la chirurgie, est soumise à une rude compétition… c’est ce que veut aussi nous raconter Brain, et grâce à cette course à la réussite, l’excellence et la reconnaissance, le pilote promet d’aborder des questions sensibles.
C’est une belle promesse, et je n’ai, au stade de ce premier épisode, aucune raison de douter qu’elle ne sera pas tenue. On en reparle dés que j’ai fait un sort aux 19 épisodes suivants.
J’étais un peu surprise de ne rien voir sur les dramas coréens… Personnellement, ce sont les seules séries que je suis… Quelques dramas japonais mais je les trouve souvent très « bizarres » et « légers ».
Je te conseille vraiment Vampire Prosecutor (Baempaieo Geomsa) : un excellent, excellent drama! Que le titre ne t’arrête pas! Fait rarissime pour les dramas coréens il y a deux séries (on est en train de finir la deuxième et on parle de –peut-être — une troisième!) Très bonne qualité d’écriture, bon jeu d’acteurs, un scénario qui tient la route, pas de mélodrame et une histoire qui tient en haleine!!!… Essaies
Ah oui, j’oubliais: pas de (ou quasi pas) de romance.
Je n’ai pas encore vu Brain, malgré un casting qui me plait beaucoup, mais dans le genre « lutte de pouvoir entre médecins »(et sans aucune romance, puisque ca a l’air d’être un critère de choix pour toi^^) je te recommande absolument le très réaliste White tower, excellent drama coréen qui fait référence en matière de medical drama parmi les connaisseurs