Après vous avoir parlé du pilote de Srugim, j’ai reçu plusieurs réactions intéressées ; j’ai fini par proposer sur Twitter d’uploader le pilote de la série (avec sous-titres anglais) si au moins 5 personnes manifestaient leur intérêt pour cet épisode. Et vous avez été plus de 5 en à peine un après-midi ! Voici donc comme promis un post La preuve par trois sur ce premier épisode ; une catégorie de ce blog dont le concept est, pour rappel, qu’on y parle d’un épisode à l’aide de 3 captures-clé, et d’une petite surprise en fin de post.
A noter que la lecture de mon post précédent sur Srugim est recommandée pour remettre l’épisode dans le contexte de la série et avoir plus de détails sur ce pilote, mais pas non plus d’une absolue nécessité.
Je crois que ça veut dire non.
Au-delà des questionnements de célibataires dont fait état l’exposition de cet épisode inaugural, c’est l’intrique de Reut qui entre le plus dans le coeur du sujet ; elle est d’ailleurs la seule à commencer la série en étant dans une relation. Cette relation en question a duré 5 mois, et son prince charmant, qui vient d’obtenir une juteuse promotion, décrète donc que maintenant serait le bon moment pour se marier. Alors, qu’est-ce qui vaut à Reut d’arborer ce magnifique sourire d’enthousiasme ? Eh bien, la seule raison pour laquelle il lui propose cela, c’est parce que dorénavant son salaire n’est plus supérieur à celui de son copain. Bonjour romance.
Clairement, ce n’est de toute façon pas l’Amour que cherchent les personnages de Srugim. L’épisode dépeint par petites touches un milieu culturel où le mariage n’est pas tellement un objet romantique, mais plutôt une situation sociale, et la confirmation qu’on a fait de sa vie ce qu’on était supposé en faire. Un peu plus tôt dans l’épisode, Nati se plaint par exemple que s’il avait laissé ses parents lui choisir une épouse, ça ferait 12 ans qu’il serait marié… Sauf qu’au 21e siècle, les préoccupations amoureuses et les critères sont différents. La force de Srugim sur ce thème, c’est qu’aucun des personnages ne remet fondamentalement cette culture en cause. Ils essayent au contraire d’empiler les valeurs religieuses rigoureuses de leur pratique, avec ses convictions personnelles, comme ici Reut et ses idées féministes.
A noter que Reut est la seule des 5 amis à gagner un salaire mirobolant (le double du salaire moyen à Jérusalem d’après ce que j’avais lu dans un article), ce qui explique qu’elle soit la seule à ne pas être en colocation. Glissé rapidement dans le pilote, cet axe prendra donx de l’importance ultérieurement.
Voilà un très bon exemple de passages qui ponctuent la série (y compris au-delà du pilote) et qui nous sont parfois un peu obscurs pour nous autres goy. Les rituels de shabbat sont, évidemment, très importants dans la pratique du judaïsme, et évidemment, les orthodoxes y sont plus attentifs encore. Sauf qu’on en ignore les menus détails, comme par exemple celui-ci : Yifat a commencé sa prière du vendredi (celle qui précède le dîner), mais son téléphone portable sonne ; impossible pour elle de le décrocher (des actions sont interdites jusqu’à la fin du shabbat), elle est donc obligée de demander à Hodaya de décrocher à sa place, ce qui est d’autant plus agaçant pour elle que ce dîner est aussi la première occasion pour Yifat de passer du temps avec Nati et qu’elle est nerveuse.
Srugim parvient avec brio à insérer ces rites dans le quotidien de ses personnages, si bien que même quand on ne les comprend pas, on les ressent comme très naturels. Et puis, ils forment au bout du compte un contexte fort, qui rappelle combien la religion a une place importante dans la vie des protagonistes. Ils ne parlent jamais de religion sur un plan théorique, théologique ou politique, ce qui permet à tout le monde, athées y compris, de se retrouver idéologiquement dans la série ; en revanche, il est énormément question d’usages, de rites et d’interdictions dans cet épisode (et les suivants, puisque depuis mon post précédent j’en ai regardé 4 autres), et par ricochets, de la façon dont ceux-ci sont conciliables avec la quête amoureuse des personnages.
Amené à devenir un rendez-vous régulier de la série, le repas d’erev shabbat (la veille de shabbat, soit le vendredi soir) est ici l’occasion de montrer comment une tradition religieuse devient aussi une tradition pour ce petit groupe de futurs amis. Puisque Reut a rompu avec son prétendant en début d’épisode, et que c’est lui jusque là qui disait la prière bénissant le dîner (kiddush, donc), il faut trouver un volontaire pour le remplacer ; les garçons, embarrassés (c’est le premier dîner de shabbat avec les filles), essayent de se refiler la responsabilité poliment, ce qui agace prodigieusement Reut qui est d’une patience limitée (vous pouvez presque voir sur la capture la fumée lui sortir par les oreilles).
A travers ce premier repas pris ensemble (et puisque shabbat est hebdomadaire, on devine qu’il y en aura d’autres), on sent que la tradition religieuse est sur le point de devenir une tradition plus intime pour ce groupe, qui cherche ici ses marques et son organisation. La suite du repas va d’ailleurs clairement établir la future dynamique interne, entre Amir qui se fait écharper vif par Reut, Yifat pour qui la soirée ne tourne pas comme prévu…
Après avoir vu plusieurs épisodes, je suis rétroactivement encore plus impressionnée par le style tout en nuances, en subtilité et en douceur dont Srugim fait montre dans le pilote.
L’exposition des personnages et des situations se fait avec une certaine brusquerie (rien n’est mis dans un contexte de façon explicite, comme si on prenait la vie des protagonistes en marche), et pourtant il se dégage une grande impression de fluidité de ce premier épisode, capable de jouer son exposition avec délicatesse, sans avoir l’air d’expliquer les choses de façon trop explicite, mais sans jamais nous montrer un monde dans lequel il serait difficile de pénétrer. Tous les ingrédients sont posés avec élégance pour avoir les bases des problèmes soulevés dans la série, tout en évitant les lourdeurs et les clichés. C’est très bien vu…
Voilà ! Maintenant, c’est votre tour, il ne vous reste plus qu’à !
Et j’espère que vous me ferez part de vos impressions en commentaire (sous ce post ou le précédent, à votre guise), ou que vous me fournirez un lien vers votre blog si vous en faites une review : je suis curieuse de croiser les points de vue !
Bon, je vais faire un commentaire ( j’aen ai déjà fait un sur un autre post, mais je répond à ton invitation, hein?)
Moi aussi j’Ai été charmé par l’aspect « chronique de la vie quotidienne » de la série (bon, de ce que j’en ai vu) C’est presque filmé comme un reportage (il m’a fallu un moment pour m’habituer au style) mais on se laisse prendre. Et puis c’est vrai qu’il n’y a pas de drame, pas d’hystérie. C’est juste la vie, il faut faire des choix et des sacrifices mais bon il y a du plaisir.
La place que prend la religion est fascinante. J’ai eu ma période religieuse (et oui) et j’ai été en contacte de près avec des gens qui vivent leur foi au quotidien (des Amish et des Mennonites) et ça donne exactement ça: des gens dont la vie quotidienne est « naturellement » religieuse. Évidemment les Juifs orthodoxes accomplissent beaucoup de rites qui n’existent pas dans les autres religions et c’est vraiment un pilier dans leur vie.
Ceci dit les piliers on peut aussi les prendre dans la face, essayer de les contourner ou y accrocher des guirlandes… C’est là qu’intervient chaque personnalité.
Contrairement à ce que des personnes non religieuses peuvent croire, la religion est vraiment à géométrie variable. C’est ça qui est fascinant dans les séries, les films ou les livres dont l’intrigue se déroule dans une « communauté religieuse ». S’ils sont bien fait on se rencontre que tout n’est pas si simple pour les personnes religieuses…
Dans la dernière phrase, il faut lire « on se rend compte » et non « on se rencontre ». Ceci dit c’est un beau lapsus, me semble !
J’ai mis le lien de ma critique entière. Mais petit résumé ici: je n’ai pas l’habitude de sortir des sentiers battus. Rien qu’avoir regarder Akta Manniskor était déjà un long périple télévisuel pour moi alors une série Israelite je n’aurais jamais pensé regarder !
Et c’est une très bonne surprise au final ! Il y a eu des comparaison à Friends … Moué pas tout à fait d’accord mais pourquoi pas. Ce qui m’intéresse encore plus que les relations entre les personnages est que je découvre une culture à travers cette série. La religion est indissociable de la vie des protagonistes et même si parfois, c’est déroutant car on ne connait pas les usages (et surtout la langue), c’est très enrichissant intellectuellement.