En découvrant Revenge, je m’étais promis de retenter le coup avec l’arrivée de l’été, une saison qui semblait bien plus propice, à bien des égards, pour apprécier ce thriller soapesque. Et j’avais raison, en fin de compte. Après avoir regardé, voilà 10 jours, le pilote pour la seconde fois, je me suis dit que plus vite c’était fait, plus vite c’était fini, et j’avais embrayé sur les épisodes suivants.
Revenge se situe dans cette étrange zone dans laquelle on classe les séries dont on ne peut décemment pas dire qu’on les aime, mais qu’on prend plaisir à suivre et qu’on ne déteste même pas vraiment. On est simplement conscient, en les suivant, qu’on pourrait passer notre temps à regarder quelque chose d’une qualité supérieure, soit sur le plan de l’écriture, soit de l’émotion, que les options pour le faire ne manquent pas, mais que, bon, voilà, maintenant qu’on a commencé, c’est quand même dommage d’arrêter.
Une zone un peu bâtarde qu’on ne peut même pas assimiler à du guilty pleasure (mais, ressentant très rarement de honte quel que soit le programme que je regarde, je ne suis toujours pas certaine de comprendre le concept de guilty pleasure, alors…) mais qu’on est physiquement incapable de qualifier de plaisir tout court…
En tous cas, toujours est-il que 10 jours plus tard, cette première saison est finie pour moi, et très franchement, je ne saurais toujours pas dire, arrivée à ce point, pourquoi je me suis tapé les 22 épisodes. Peut-être parce qu’une fois de temps en temps, je regarde des séries qui marchent plutôt que celles qui se font annuler comme des malpropres ? Qui peut dire. Mais en tous cas, l’heure est au bilan, et voici donc mon post sur cette première saison de Revenge, avec ses qualités, ses défauts, et ses défauts. Pardon si je me répète…
Revenge est donc cette histoire classique de la personne seule contre tous qui cherche absolument à se venger des riches qui ont fichu sa vie en l’air (toujours des riches, forcément). Amanda Clarke n’avait en effet que 9 ans quand un soir, une unité anti-terroriste est intervenue dans la maison qu’elle partageait avec son père, arrêtant celui-ci avant de la confier aux services sociaux. Passée d’institution en institution, la petite fille grandit avec la conviction que son père est un terroriste ; elle ne le reverra plus. Devenue adulte, elle retourne sur les lieux du drame, les si huppés Hamptons. Son but ? Obtenir réparation de la famille qui a causé la perte de son père : les Grayson. Toute ressemblance avec la famille Gracen de Profit est évidemment fortuite. Ou bien ?
A partir des éléments que son père lui a laissés au moment de son émancipation, Amanda, devenue Emily Thorne, va donc lentement remonter la piste des Grayson, qui sont les véritables coupables ; leurs complices, un à un, vont tomber dans ses pièges successifs… mais ce n’est jamais assez.
Tant qu’elle n’aura pas été jusqu’au bout de son plan avec les Grayson, elle ne trouvera pas satisfaction. Et encore.
La saison va se dérouler en plusieurs étapes. La première sera de rayer un à un les pions « intermédiaires », ceux qui ont été utilisés, manipulés ou parfois même menacés par les Grayson, afin de faire porter la responsabilité de leurs actes à David Clarke, le père d’Amanda, puis de le faire disparaître. Cette séquence éliminatoire prend une poignée d’épisodes ; c’est un peu répétitif mais fort utile pour commencer à rassembler les pièces du puzzle. Car en effet, si Emily semble au courant de toute l’affaire, ce n’est pas du tout le cas des spectateurs, qui sont condamnés à apprendre de façon épisodique ce qui s’est réellement passé en 1991, quand les Grayson ont blanchi l’argent d’un groupe terroriste avant de faire porter le chapeau à Clarke ; pour couvrir cette couverture, il leur a ensuite fallu continuer à intriguer, aggravant leur cas.
Une fois les premiers éléments posés, et les personnages mineurs mis sur la touche afin à la fois de prouver le brio d’Emily et nous servir d’introduction à la mythologie de la série, Revenge se calme progressivement dans son trip auto-assumé Dix petits nègres, pour se recentrer sur la famille Grayson. On passe alors dans une autre phase, plus longue, pendant laquelle Emily semble s’infiltrer avec aisance dans la riche famille Grayson. Cela passe apparemment par une riche idée : faire en sorte que le fils aîné des Grayson tombe sous son charme, se fiancer à lui et…
Le problème majeur de Revenge, c’est justement ça : cette vengeance en cheval de Troie. Emily va passer le plus clair de son temps à avoir le regard haineux et à clamer à qui veut l’entendre (ou plutôt au seul habilité à l’entendre, son « ami » Nolan) que telle un Cylon, elle a un plan, et qu’elle finira par les avoir. Par se venger. Par obtenir un semblant de justice pour son père.
Mais quel est ce plan ? Aucune idée. C’est d’ailleurs ce qui fait la différence entre un vrai thriller et un simple soap : ce dernier se réserve la possibilité d’inventer un retournement de situation à la dernière minute, même extravagant, pourvu de prolonger un peu les choses au besoin. Il est clair que les scénaristes n’ont qu’une vague idée de l’objectif qui est celui d’Emily… Pourquoi veut-elle épouser le fils de la famille Grayson, par exemple ? C’est un axe central de la saison et pourtant on comprend mal en quoi cela lui permettra de se venger des Grayson mieux qu’elle ne l’a fait avec les autres gêneurs sur son passage. En fait le plan semble passablement ridicule : Emily/Amanda a le choix entre, disons, tuer l’un, l’autre ou les deux enfants de la famille Grayson d’une part, ou d’autre part coucher avec leur fils, risquer d’en tomber amoureuse, se coletiner la vie de famille de cette dynastie suspicieuse, pour… euh…? Pour arriver à quoi, en fin de compte ? Je suis bien incapable de le dire et j’ai vu toute la saison ! Les ressources qu’elle déploie, autant sur le plan de la manipulation, de la recherche que de la surveillance technique, lui sont à première vue bien plus utiles que se marier avec l’héritier de la famille ; ce n’est pas la meilleure façon d’obtenir des informations, comme son équipe avec Nolan le prouvera en de nombreuses reprises.
Sans ce manque de vue à long terme, Revenge pourrait aisément faire pardonner les axes les plus soapesques de son intrigue, comme les relations amoureuses de certains personnages secondaires, par exemple. Mais l’équilibre n’est pas préservé pendant ce tronçon longuet pendant lequel Emily semble piétiner sans raison.
L’avant-dernière partie de la série est pire encore. En introduisant un acte totalement parasite (la mort d’un des personnages secondaires qui n’avait pas vocation à faire partie de la mythologie centrale), la série décide de s’empêtrer dans une intrigue qui, pour le coup, ne pourrait pas hériter plus de la tradition des soaps. Qui est le meurtrier ? Est-ce le vrai meurtrier qui va être puni par la Justice ? Pourquoi donc en passer par là ? Eh bien probablement parce qu’à l’issue de la commande initiale, l’équipe de Revenge a reçu confirmation que des épisodes supplémentaires avaient été commandés, et que ce n’était absolument pas prévu. Alors forcément, on colle un patchwork d’intrigues histoire de gagner du temps jusqu’au final.
C’est dans cette dernière ligne droite que Revenge réussit réellement sa mission. D’abord avec ce qui reste probablement l’un des meillers épisodes de la saison, avec l’orchestration brillante de plusieurs flashbacks. Ensuite parce qu’enfin, plusieurs pièces placées depuis le tout début de la saison, et que c’est précisément ce qu’on attendait. Mais tous les éléments ne sont pas clairs, et certainement pas tous résolus parce que, eh bien, on va encore gagner du temps jusqu’à la saison 2. Fort heureusement, les pistes lancées pour cette seconde saison ne sont pas forcément décevantes, et permettront probablement d’éviter tout risque de répétition. Vu ce qu’on sait des scénaristes, c’est rassurant de savoir qu’au moins, on n’aura pas à tourner en rond, quand bien même cette fichue vengeance ne devrait pas s’accomplir avant une décennie.
Puisque son scénario n’est pas exactement d’une originalité à toute épreuve, que ses détours tordus sont plus souvent des prétextes que la preuve d’une intention claire sur le long terme, et que la mythologie, bien que complexe, ait tendance à pouvoir être artificiellement complexifiée au besoin, l’un des atouts dont Revenge avait besoin, c’est d’un cast solide.
De ce côté-là, il y en a vraiment pour tous les goûts. Emily VanCamp, pour commencer, démarre la saison en bien mauvais état ; peu convaincante lorsqu’il s’agit d’être venimeuse, elle a également tendance à répéter toujours les mêmes expressions lorsqu’elle complote dans le dos des Grayson. Cela s’arrangera fort heureusement en cours de saison, mais il manque tout de même quelques grammes de charisme dans son cocktail d’élégance, de finesse et de duplicité, qui feraient d’elle une héroïne comparable à d’autres grandes figures de la télévision. Jamais vraiment capable de décoller, et d’une scolarité insupportable lorsqu’il s’agit de lire un monologue sur un prompteur pour fournir l’abondante voix-off des épisodes, Emily VanCamp manque d’envergure. Ce n’est absolument pas le cas, en revanche, de sa némésis Victoria Grayson, qui a une aura de folie. On peut ricaner devant son visage refait, mais Madeleine Stowe sait donner le change, même avec une bouche passée au hâchoir. Au point même qu’elle est capable de donner le change quand ça ne sert à rien du tout. Battements de cils courroucés, pincement méprisant des lèvres, et petit sursaut des pommettes plein de fauceté, sont au programme au permanence même quand il n’y a rien à dire. Fort heureusement, Victoria Grayson est l’un des deux personnages les mieux écrits de la série ; elle a notamment droit aux seules séquences d’émotion réellement touchantes ; son drame personnel, c’est d’être tombée amoureuse de David Clarke alors qu’elle était mariée à Conrad Grayson, un homme prêt à tout pour sauver sa famille, son nom et son patrimoine. Peut-être que si elle avait quitté son mari plus tôt, on n’en serait jamais arrivés là, mais on ne le saura jamais parce que Victoria Grayson, que voulez-vous, tient aussi quand même à son standing. Et c’est un personnage rongé par le remords, mais aussi une femme qui pleure encore l’amour véritable dans sa vie, que nous offre Stowe. Ca me ferait un peu mal d’estimer qu’elle mérite une nomination aux Emmys, cela dit, et je crois que j’ai encore du mal à avaler que dans quelques jours, elle puisse prétendre au titre, mais enfin, elle a du mérite.
Quel est donc l’autre personnage génial de Revenge ? Mesdames et Messieurs, sous vos yeux ébahis : Nolan Ross. Plus âgé qu’Emily, il devient à la fois une sorte de voix de la raison, son geek de service (il en faut toujours un maintenant, c’est la loi, vous savez bien), et son animal de compagnie. Incarné par un Gabriel Mann qui sait apporter énormément de nuance à un personnage qui aurait pu jouer sempiternellement les faire-valoir, Nolan va dévoiler une grande vulnérabilité, un sens génial de la formule et de l’humour en général (je ris encore en pensant au « Revengenda » !), et va également démontrer un attachement et une loyauté sans limite envers Emily qui va mettre environ 20 épisodes avant de lui rendre la pareille. Hélas pour Gabriel Mann, il n’a pas la bouche pulpeuse de Madeleine Stowe, et il n’est nommé nulle part cette année.
Mention également honorable à la petite Emily Alyn Lind qui incarne une jeune Amanda très réussie et pour qui on signerait volontiers pour un épisode entier à ses côtés, si seulement les lois sur le travail des enfants le permettaient.
Et puis, il y a les mentions déplorables pour contrebalancer ce tableau d’honneur. Et il faut bien avouer que le cast de Revenge regorge de personnages qui n’ont pas hérité des meilleurs acteurs, à moins que ce ne soient l’inverse. Ca n’aide pas à se débarrasser du désagréable goût de trop peu de la série, et amplifie au contraire l’effet soap au rabais (ajoutez à cela les décors bling bling ; les effets spéciaux, heureusement progressivement abandonnés, pas très fins ; et l’abondance de soirées de l’ambassadeur, et vous touchez le jackpot). Ashley Madekwe, Josh Bowman et Nick Wechsler comptent parmi les très, très mauvais élèves de la classe. Certes leur rôle est ingrat, m’enfin faut ptet pas tout mettre sur le dos des scénarios, hein.
Alors du coup, à l’arrivée comme au départ, Revenge n’est pas une grande série. Il n’y a pas eu de véritable effort pour dépasser les apparences convenues, faciles, et un peu cheap, de son pilote. Elle se prend sans doute un peu trop au sérieux pour y parvenir, aussi. J’avais l’impression de pouvoir suivre le cheminement de pensée des scénaristes, et de ne pas avoir l’impression qu’ils s’éclataient. Pourtant, y a-t-il plus jouissif qu’une série sur la vengeance ? Plus libérateur ? Plus décomplexé ?
Revenge a une énorme marge de progression si elle veut entrer dans le panthéon des séries qui méritent vraiment leur succès. Il y a pire dans la vie que de devoir le vérifier en regardant la deuxième saison de Revenge, mais je ne pense pas le faire sur des semaines et des semaines, j’aurais vraiment l’impression de polluer mon emploi du temps téléphagique avec une série peu signifiante. On se donne donc rendez-vous l’été prochain pour le retour de la vengeance.
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