Alors, bon. Autant écrire sur l’épisode précédent était une balade dans un parc, autant l’épisode musical d’Oz, c’est une autre paire de manches. Mais ça faisait de nombreuses années que je voulais le voir, cet épisode (je l’avais systématiquement raté jusque là), alors entendu, défi relevé ; je vais faire mon possible pour lui trouver une review adaptée.
Que le spectacle commence !
Mais d’abord, je dois commencer par vous confesser que je m’attendais à un épisode bien différent. Je pensais que les numéros musicaux, sans forcément revêtir une autre forme (même si assister à un grand numéro de claquettes collectif dans la cour centrale d’EmCity aurait eu son charme !), allaient être plus nombreux. Au lieu de ça, l’épisode est relativement classique dans sa construction comme sa mise en scène, si l’on excepte quelques parenthèses narratives musicales.
Les protagonistes de l’épisode passent en effet, un à un, dans la cellule jusque là dévolue aux monologues d’Augustus Hill. Là, de la même façon qu’il pouvait errer philosophiquement ou politiquement, nos nouveaux narrateurs trouvent un espace clos, protégé, sans public, personnalisé, où ils peuvent exprimer leurs sentiments en musique, comme dans des apartés qui n’appartiendraient qu’à eux et nous.
Alors du coup, vous l’aurez peut-être deviné, mais Augustus Hill est justement absent de cet épisode. Suite à ses ennuis de santé, il a donc été envoyé à l’hôpital, et en son absence, non seulement la place de coryphée est occupée, mais au sein même de la prison, la question se pose de savoir comment il a réussi à prendre de la drogue et à se saborder physiquement, alors que pendant si longtemps, il avait été l’homme le plus rigoureux de tout Emerald City.
Non seulement McManus est sur le coup, mais Burr est également sur le coup.
Il y a plein de choses qu’on peut reprocher à Burr, mais certainement pas son attachement indéfectible à Augustus, dont on jurerait qu’il s’est convaincu être le père. Il s’est donc mis en tête de mener sa propre investigation dans la prison afin de savoir qui a vendu de la drogue à Hill, et dépêche Poet sur la question, sans savoir que ce dernier n’est pas clean (à bien des égards). Lancé sur la piste du responsable, Burr semble aveuglé par la vengeance, ce qui d’ailleurs inquiète McManus qui l’a autorisé à chercher le coupable (pratique de déléguer ce genre de tâche ingrate, McManus !) mais qui tient à régler les choses dans les règles, c’est-à-dire dans son bureau. Connaissant Burr, je ne suis pas certaine que ce soit une chose possible. La rage de Burr est visible, et, s’il finit par comprendre à qui on doit l’absence d’Augustus, ça pourrait bien tourner au carnage.
One way or another I’m gonna find ya
I’m gonna getcha getcha getcha getcha
One way or another I’m gonna win ya
I’m gonna getcha getcha getcha getcha
One way or another I’m gonna see ya
I’m gonna meetcha meetcha meetcha meetcha
One day, maybe next week
I’m gonna meetcha, I’m gonna meetcha, I’ll meetcha
Libéré de ses doutes (et de l’isolement), Saïd a retrouvé le chemin de la raison. Il est même plus clairvoyant qu’il ne l’a jamais été.
Le voilà qui retourne à EmCity avec la ferme intention de se montrer plus ouvert, plus tolérant, et d’offrir à Omar une aide véritable et profonde, et pas de le traiter comme un homme qui lui doit tout pour se reconstruire. En rendant à Omar sa dignité et son indépendance, il permet ainsi à son protégé de trouver en lui-même la force insoupçonnée de refuser la drogue et de prendre du plaisir à être lui-même, au mieux de ses capacités.
En parallèle de la révélation qu’Omar a trouvé la clé de la geôle où la drogue l’enfermait, Kareem offrira (et c’est vraiment le terme tant la démarche déborde de générosité) à ses disciples un monologue ahurissant, comptant certainement parmi les plus puissantes réflexions sociales de la série, sur la servilité et la liberté. C’est le genre de raison pour laquelle Oz reste l’une des plus grandes séries de l’histoire de la télévision : le propos est intelligent, articulé, et parle de la communauté des afro-américains musulmans au sens bien plus large que la population de la prison. On touche au sublime. Désormais, on le voit aussi à travers cette envolée, Saïd est réellement un esprit libre, il a réellement brisé les chaînes idéologiques dont il n’avait cessé vouloir se délester depuis son arrivée ; et j’ai apprécié que pour une fois, les autres Musulmans accueillent son discours sans scepticisme, bien qu’étant, et ça se comprend, un peu pris de court.
A présent on peut réellement dire que Saïd est prêt à se dépasser lui-même, à transcender sa soif de pouvoir ou de supériorité morale, pour acquérir une véritable liberté intérieure, un parcours au long duquel nous l’avons laborieusement accompagné pendant des années…
All we have to do now
Is take these lies and make them true somehow
All we have to see
Is that I don’t belong to you
And you don’t belong to me
Freedom
You’ve gotta give for what you take
Freedom
You’ve gotta give for what you take
Ce qui couvait depuis plusieurs épisodes se produit enfin : la raison pour laquelle Alvarez s’était engagé auprès des chiens d’aveugle. Il veut en effet dresser Julie puis l’offrir à Rivera, afin d’essayer de se racheter, au moins un peu, du tort causé. On n’est à vrai dire pas surpris de cette démarche : les spectateurs ont pris l’habitude depuis longtemps maintenant de considérer Alvarez comme l’être le plus inoffensif de toute la série.
D’ailleurs, lorsque l’idée est soumise à Rivera et son épouse, leurs doutes nous paraissent presque déplacés : comment, Alvarez aurait d’autres intentions peu claires ? Il serait prêt à dresser le chien pour finir le travail commencé ? On peut évidemment comprendre que le traumatisme soit encore très présent, mais on a envie de leur dire qu’il n’y a pas plus doux qu’Alvarez ! La personne à qui ce prisonnier a causé le plus de tort, c’est quand même essentiellement lui-même, osons-le dire (sans vouloir minimiser le crevage d’yeux de Rivera, évidemment), donc ça reste assez obscur pour le spectateur. A plus forte raison parce que l’épisode n’ira pas tellement plus loin sur cette intrigue, préférant continuer à regarder Alvarez se donner à 200% pour dresser sa chienne et la protéger. D’ailleurs ça ne peut pas bien finir, on en est tous conscients.
Who let the dogs out (woof, woof, woof, woof)
Who let the dogs out (woof, woof, woof, woof)
Who let the dogs out (woof, woof, woof, woof)
Who let the dogs out (woof, woof, woof, woof)
Quand Beecher subit une fois de plus l’aggressivité du jeune étudiant qu’il avait pris sous son aile au nom d’une amitié passée avec sa famille, notre survivant de l’impossible décide que cette fois, trop c’est trop. La moralité c’est une chose, la fierté en est une autre. Il décide donc d’en finir avec les humiliations de celui qui devrait le remercier pour avoir (littéralement) sauvé ses miches.
Le pacte proposé par Schillinger dans l’épisode précédent ? Beecher va, de façon peut-être un peu précipitée par l’énervement, finalement l’accepter : il préfère effectivement avoir une chance d’approcher Keller que de continuer à protéger un petit con qui l’insulte et l’attaque (et en public, par-dessus le marché). L’énergie déployée par Beecher est terrifiante à observer. Il passe de scène en scène avec rapidité, s’assurant que tout va bien marcher. Tout ne peut que marcher. Il a accepté de faire confiance à Schillinger, accepté de lui livrer en pâture une victime qui va vivre le même Enfer que lui, accepté de s’asseoir sur ses principes, accepté l’inacceptable, pour pouvoir retrouver Keller, alors ça ne doit pas foirer. Le marché avec Schillinger est, avant d’être un accord passé avec son pire ennemi ou un pacte avec le Diable, un compromis vis-à-vis de sa propre moralité, et il en est sans doute un peu conscient : il fait les choses rapidement pour ne pas avoir le temps de changer d’avis, aussi.
Et pourtant, le plan ne va tout de même pas conduire au résultat prévu : Schillinger va bien avoir ce qu’il veut, mais pas Beecher. Et une fois n’est pas coutume, il ne s’agit pas d’une entourloupe mais d’un bête hasard.
La scène finale de l’épisode dans laquelle, retrouvant son ancien protégé qui vient de subir les pires outrages, Beecher est pris de pitié et s’approche de lui pour lui venir en aide, nous montre un Beecher qui a accepté la compromission. Qui ne ressent pas, ou pas pour le moment, de remords, et qui a sans doute accepté tout cela comme étant le compromis que chacun doit faire : troquer un peu de son idéal afin de grapiller quelques miettes de bonheur. Et à chacun de faire son expérience à Oswald pour apprendre sa leçon.
So meet me in the middle
Well come on let’s make up a dance
And we’ll agree to call it the compromise
It’s no sense in complaining
If it doesn’t change our minds
Well take me by the hand let’s compromise
Mais dans cet épisode totalement improbable et bigarré, les plus tristes secrets sont ceux que l’on murmure en plein jour, au beau milieu d’une salle d’audience, au creux de l’oreille d’une chaussette.
It’s oh so quiet
It’a oh so still
You’re all alone
And so peaceful until…