Little tricks

10 juillet 2012 à 23:35

En matière de séries procédurales, on a fait à peu près le tour de toutes les spécificités et de tous les symptômes qui pourraient donner du cachet à un personnage, du trait de caractère extrême aux TOCs, en passant par les traumatismes passés, une addiction ou un handicap physique. L’idée motrice est toujours la même : montrer que ce qui fait le défaut d’une personne dans sa vie sociale et/ou affective constitue également sa plus grande qualité en milieu professionnel.
Et comme les séries, notamment américaines, ont tendance à aimer nous montrer des workaholics, tout cela compose bien évidemment la formule idéale à l’heure où la série d’enquêtes tient encore le haut du pavé. Il faut se dire que ce n’est plus qu’une question de temps maintenant que la franchise des Experts a pris un premier coup, mais en attendant, ça reste la norme. Voire la solution de facilité, selon votre point de vue sur ces séries.

Alors du coup, quand TNT, qui n’est pas vraiment connue pour son sens de l’innovation en matière de fictions, nous annonce une nouvelle série avec une mec qui est schizophrène ET professeur en neurosciences, et qui aide l’une de ses anciennes élèves, aujourd’hui agent du FBI, à résoudre des enquêtes, le plus survolté des téléphages esquisse tout juste un bâillement blasé et retourne à quelque chose de plus captivant, comme par exemple compter les masques à l’effigie de présidents des États-Unis dans des séries de HBO.

Et pourtant je suis bien obligée de reconnaître que le pilote de Perception, je ne l’ai pas laissé dormir sur mon disque dur bien longtemps. Autant je peux parfois laisser reposer un épisode pendant plusieurs semaines, lorsqu’il s’agit d’une série policière, histoire d’attendre le bon moment pour me lancer et éviter toute sensation de rejet violent, autant, Eric McCormack, c’est un véritable laissez-passer pour atterrir en haut de ma liste de priorités. A ce stade, j’en suis même au point où, ayant le choix entre finir cette fichue seconde saison de Game of Thrones (je vous ai raconté combien c’était laborieux, de visionner Game of Thrones, cette saison ? Faites-moi penser à y revenir) et entamer le pilote de Perception, tenez-vous bien, JE CHOISIS PERCEPTION. Et pendant une micro-seconde j’ai même envisagé de me remater un ou deux épisodes de Trust Me, incorrigible que je suis. On peut pas lutter contre le pouvoir d’Eric McCormack.

De toute évidence j’avais donc un biais positif envers Perception, bien que totalement déraisonné. Heureusement que je regarde tous les pilotes de la création qui me passent à portée de main, sinon on croirait que je me suis mise sur la série pour de mauvaises raisons. Mais euh, bon, on va dire que c’est l’été, je viens de commencer un boulot ultra-crevant, alors j’ai le droit, hein.

Est-ce ce biais qui a joué en faveur du pilote de Perception ? Sans doute un peu.
Mais j’avoue avoir été surprise par la façon de traiter la maladie du personnage principal. C’était touchant et intéressant.
Bien-sûr on n’échappe pas à quelques clichés, notamment dans la façon de mettre en scène la façon dont Daniel Pierce réfléchit, qu’il s’agisse d’anagrames ou simplement de la façon de voir des apparitions qui le renseignent sur des éléments de son subconscient. Le « twist » de fin d’épisode était à ce titre prévisible très tôt dans l’épisode, mais c’est sans gravité parce que ce qui charme, outre l’incroyable regard de McCormack, c’est que ces petits revirements ne constituent pas de véritables retournements de situation voués à nous impressionner et nous surprendre absolument, mais simplement à peindre un portrait plus large du personnage central ; la façon qu’a Daniel de réagir à la toute fin d’épisode, totalement dénuée de surprise ou même de tristesse, est à ce titre éloquente, et fait partie des multiples éléments qui me donnent une grande confiance dans la série pour ne pas me mener en bateau mais simplement m’offrir un personnage intéressant à suivre.
Ce qui serait intéressant également serait de creuser cette histoire de perception, et d’insister sur le point de vue parfois décalé du professeur Pierce. Le passage pendant lequel son ancienne élève, et désormais collègue, saute du deuxième étage d’un immeuble pour appréhender un suspect en fuite, aurait été un très bon exemple de tout ça, pour montrer que parfois, les manifestations de la maladie de Pierce sont un peu plus subtiles qu’une apparition à part entière.

Le plus décevant dans ce pilote relève probablement du traitement des autres personnages, justement, dont la fliquette Kate. C’est bien simple, ils sont tous totalement secondaires, et Kate, avec son visage d’adolescente, ses bonnes manières constantes, et son petit ton de première de la classe, est transparente au plus haut point, face à un homme qui représente tout ce que le cerveau peut être de brouillon, complexe et perturbé. Le contraste pourrait fonctionner mais au lieu de ça, il met en lumière l’absence totale d’aspérité du personnages, tout juste relevé par quelques anecdotes (genre justement quand elle saute du deuxième étage) qui sont supposées nous montrer qu’elle a peut-être plus d’un tour dans sa manche. Rien à faire, elle parait désespérément fade quand même. Et que faut-il dire de l’assistant de Pierce, qui n’a rien du tout d’une Sharon Fleming alors qu’il vit pourtant avec Pierce, et se trouve donc dans la position idéale pour avoir des interactions avec son mentor ! C’est vraiment désespérant, et il faut absolument que ces personnages (ainsi que le recteur de l’université, interprété par Geordi La Forge…) soient développés, sans quoi le déséquilibre pourra vite sembler gonflant (c’est d’ailleurs un problème récurrent dans pas mal de séries procédurales reposant sur cette formule).
En revanche, j’ai été intriguée par le personnage, rencontré très fugacement, de l’aphasique Jimmy, que j’ai trouvé intéressant pour la façon dont, une fois de plus, sa condition lui sert d’atout, et même touchant le temps de sa brève apparition ; il permet en plus aux scénaristes des petits tacles politiques sans lourdeur mais amusants.

D’ailleurs, le premier épisode de Perception est aussi, l’air de rien, l’occasion d’entendre plusieurs personnages évoquer des théories « conspirationnistes ». Sans ni les discréditer totalement, ni vraiment leur accorder trop d’importance, la série donne ainsi la parole à une frange de la population américaine qui réagit, peut-être à l’excès, à l’intervention du gouvernement dans leurs affaires (entre autres).
Sans aller jusqu’à soupçonner l’existence de grands complots extra-terrestres (un sens qu’on attribue souvent au terme de conspiration dans les séries, héritage de quelques visionnages de X-Files en trop), il s’agit d’un état d’esprit qui n’a pas souvent droit de citer dans une fiction, et qui n’est pas pris au ridicule ici, pas totalement : il est clair que, si le personnage de Pierce adhère à ces théories, c’est en partie parce que sa schizophrénie favorise ce comportement, mais il partage ces convictions avec d’autres personnes tout-à-fait « normales ». On peut donc s’attendre à l’avenir que ses vues sur le gouvernement ou les grandes corporations interviennent régulièrement dans sa façon de considérer les enquêtes, ce qui est certainement le point de vue le plus original pour une série d’enquêtes procédurale depuis un bon bout de temps, plus encore que la schizophrénie elle-même.

Pour ce qui est de l’enquête elle-même, justement, de par le fouillis qui règne dans la cervelle de notre professeur, elle est assez chaotiquement menée, ce qui permet, à défaut d’être réellement impressionné par la tournure des choses, de ne pas avoir l’impression de connaitre tout par coeur, ou au moins, pas dés les premières minutes de l’affaire. On a tant vu de procedurals que chaque minute de sursis avant que ne vienne l’impression d’avoir déjà tout vu cent fois est bonne à prendre. Il ne s’agit pas, là non plus, de hurler au génie et de trouver que Perception révolutionne la face de la télévision, mais ça reste très honnête. Ce n’est évidemment pas le plus captivant dans cet épisode, mais il faut faire avec, et on a vu pire, largement pire.

Alors dans le fond, Perception n’est pas la série qui va vous river à votre écran semaine après semaine, mais elle ne s’en tire pas si mal étant donné les circonstances.
Avec quelques petits trucs bien vus, à défaut d’être ambitieux, elle parvient à vous jouer suffisamment de tours pour que votre cerveau n’ait pas totalement l’impression d’assister encore et toujours à la même série policière, et c’est finalement tout ce qu’on lui demande après plus d’une décennie d’invasion de séries d’enquêtes. Et quand en plus, c’est McCormack le prestidigitateur, eh bien…

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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