« The riskier the road, the greater the profit ». Ce n’est pas moi qui le dis mais la sagesse populaire ferengi, qui ne me sort jamais totalement de l’esprit lorsque je fais mes emplettes en matière de séries. Et en l’occurrence, ça s’est toujours avéré vrai : prendre des risques, en téléphagie, est en général la meilleure façon de faire de formidables découvertes.
C’est ainsi que je n’ai pas vraiment hésité à m’acheter l’intégrale de The Clinic sans en avoir jamais vu une seule image. Plusieurs saisons d’un coup, ça pourrait faire réfléchir, mais vous allez le voir, le rendez-vous avec la série avait été trop souvent manqué pour que je laisse échapper cette opportunité.
Là, je viens de regarder le pilote et je confirme : le risque valait le coup.
Née à l’automne 2003 (cette date aura de l’importance ultérieurement, notez-la bien), The Clinic est une série dramatique et médicale irlandaise qui a duré sept saisons sur rté. En toute sincérité, la première fois que j’ai découvert son existence, j’étais en train de lutter pour trouver des séries irlandaises sur la toile, et je ne l’avais pas du tout dans ma ligne de mire, dont la cible était plutôt Raw. Comme souvent, j’ai relevé son nom et son matricule, puis suis revenue à l’objet de ma quête ; de ce côté-là j’avoue faire chou blanc depuis de nombreux mois maintenant, et les DVD de Raw sont devenus introuvables y compris via la boutique de la chaîne publique irlandaise. Bon.
Quelques mois plus tard, j’étais dans une période de fichage sur SeriesLive j’imagine, et je tombe sur le nom de cette série dans mes listings, notamment de par sa plutôt bonne réputation dans son pays natal. Comme souvent dans ces cas-là, je me suis mise en quête d’un pilote, sauf que ça a mis du temps à se réaliser, et quand ça s’est fait, j’étais passée à autre chose et j’ai décidé de le regarder « plus tard ». Plus tard, chez moi, ça peut être dans une heure ou au prochain semestre, soyons clairs. Bon.
Plusieurs semaines passent et, alors que j’étais devant Threesome, je suis tombée sous le charme d’Amy Huberman (mais sincèrement, comment ne pas ?). Et là paf, ça me revient : elle était au générique de The Clinic ! Je ressort donc mes archives et extirpe le pilote de The Clinic de sa torpeur… avant de découvrir qu’il était corrompu et qu’en fait ce fichu fichier n’a jamais été lisible. Bon.
C’est donc vers la fin de l’année 2011 que finalement, je me suis prise par la main et que j’ai été voir où les choses se situaient côté DVD. Tout a un prix psychologique, n’est-ce pas ? Et vous connaissez l’attachement que j’ai pour les pilotes. Alors, si le prix n’est pas déraisonnable, pourquoi ne pas tenter de faire l’acquisition de la première saison d’une série qu’on ne parvient pas à découvrir autrement, hein ? J’ai joué avec l’idée pendant quelques temps, surveillant plusieurs sites dont celui de rté.
Puis est venu Noël. Et à ma grande surprise, les saisons 1 et 2 de The Clinic, si elles apparaissaient dans certains catalogues en ligne, restaient assez chères… en comparaison avec l’intégrale, mise en promotion par rté pour les fêtes de fin d’année. Alors j’ai dit banco. Si acheter 7 saisons d’une série coûte moins cher que d’en acheter uniquement 1 saison, pourquoi se priver ? Combien de fois dans ma vie je vais avoir une opportunité pareille ? Bon alors avec mes histoires de carte bancaire, ça a pris plus de temps que je ne le pensais, j’ai bien cru que rté allait remonter le prix de ses coffrets… mais non. Donc nous y voilà, j’ai chez moi l’intégrale de The Clinic depuis la semaine dernière.
Du point de vue pitch, parce qu’on est quand même aussi un peu là pour ça, The Clinic n’est pas vraiment révolutionnaire. La série se déroule dans une petite clinique privée de Dublin, dirigée par les docteurs Ed et Cathy Costello, un couple marié qui vit dans la demeure qui abrite également la clinique. La Clarence Street Clinic a été cédée au couple par un ancien médecin, le Dr Fleming, aujourd’hui décédé ; la veuve du Dr Fleming vit d’ailleurs toujours dans un petit appartement à l’entresol de la clinique. Outre ces habitations, la clinique abrite également le cabinet de gynécologie d’Ed Costello, la consultation de médecine générale de Cathy Costello, mais également le cabinet du thérapeute Patrick Murray, celui de Susie Cassidy l’homéopathe, celui de la kiné Keelin Geraghty, plus la réception qui concernent deux postes à plein temps (la froide Fiona, qui fait partie des murs, et Áine, qu’il faut prononcer Onia, sur le point de partir en congés maternité), ainsi que le bureau du comptable Brendan Davenport et celui de l’infirmier Alex Walsh. Ouf ! Non attendez, à cela encore faut-il ajouter une femme de ménage et normalement, si je n’ai oublié personne, on a là un aperçu assez complet du personnel de la clinique.
Mais contrairement aux apparences, la Clarence Street Clinic n’est pas un lieu haut de gamme et spacieux ; c’est au contraire un pavillon assez grand s’il n’était qu’une habitation, mais qui, dans sa configuration professionnelle, n’est pas vraiment adapté à autant d’allées et venues. Tout le monde semble entassé en permanence sur plusieurs niveaux et dans des conditions pas franchement high tech ; il n’y a par exemple qu’une salle de chirurgie pour tout ce petit monde. Qui plus est, l’affaire n’est en réalité pas vraiment rentable, et la série s’ouvre alors que les comptes sont vraiment au plus juste.
C’est la raison pour laquelle Cathy Costello, qui est visiblement plus investie dans la gestion de la clinique que son mari, tient à faire entrer un nouveau spécialiste dans la clinique, un chirurgien plastique britannique, Dan Woodhouse, dont les honoraires devraient renflouer les caisses. Elle a également recruté sa lointaine cousine Daisy pour effectuer le remplacement d’Áine à la réception. Inutile de dire que ce n’est pas aujourd’hui que l’escalier exigu de la clinique va désemplir.
De toute évidence, ce sont ici les docteurs Costello qui sont les personnages centraux du pilote de The Clinic, et notamment Ed Costello qui est respecté et aimé de tous ; d’ailleurs, c’est ici son anniversaire. Mais l’épisode fonctionne réellement sur le principe de la chorale et il est tout-à-fait possible que la suite de la série s’écarte de lui à l’occasion pour prendre un autre focus, ponctuellement ou durablement ; en l’état actuel des choses ça n’est pas du tout impossible.
En tous cas très vite tout ce petit monde, dans cette ruche un peu datée qu’est la clinique, devient très sympathique.
Dés le pilote j’avoue avoir un faible pour Ed Costello. Il n’est pas seulement roux et irlandais, n’allez pas croire que ce soit simplement ça (mais c’est sûr que ça ne gâche rien), il est aussi un personnage facile à prendre en affection. Dans cet épisode inaugural, il va notamment avoir deux patients : l’un qui est un jeune accro aux médicaments qui a cambriolé la clinique, et qu’il va tenter de persuader d’entrer en cure de désintoxication, et l’autre est un couple venu le consulter en raison d’un problème d’infertilité. Dans cette seconde affaire, il sera mis face à un dilemme qu’il va gérer sans en faire des tonnes, mais avec sérieux et dévouement.
Au privé, c’est aussi un homme qui semble toujours d’humeur égale, qui a facilement un mot gentil pour ses employés, et qui est plutôt facile à vivre, surtout en comparaison avec son épouse Cathy qui est un tout petit peu plus coincée que lui (mais on l’a vu, c’est aussi parce qu’elle a pris en charge un nombre non négligeable de missions administratives).
Au bout du compte, Ed Costello n’est pas seulement un chouette gars : c’est aussi le genre de médecin dont vous apprécieriez la discrétion, la patience et l’attention aiguë pour le versant humain de sa profession. Et la rousseur. Non ? Que moi ? Pas grave.
L’introduction des autres personnages se fait de façon variable : longue pour certains, brève voire même déjà ancrée dans des intrigues pour d’autres. C’est ainsi le cas de Susie, dont nous faisons la connaissance alors qu’elle vient de passer la nuit avec un inconnu, un britannique qui vient d’arriver en ville… Les fidèles de Grey’s Anatomy auront par la suite l’occasion de vite connecter les points entre eux et comprendre quelle intrigue attend notre homéopathe, cependant l’épisode a l’intelligence d’en jouer au lieu de jouer l’effet de surprise ridicule : Susie ne croisera pas le nouveau chirurgien esthétique de tout l’épisode, chacun menant sa petite vie sans se douter de rien, et surtout pas qu’ils vont bientôt travailler côte à côte ; il est cependant bon de noter que The Clinic est née avant Grey’s Anatomy, et que cette ressemblance n’est en rien un emprunt à la fameuse série médicale américaine. Mais force est de constater que le fonctionnement de The Clinic rappellera aussi un peu, de façon éloignée, celui de Private Practice. Sans en avoir l’arrière-goût soapesque ni l’ambition de faire du grand spectacle (les intrigues médicales de la Clarence Street Clinic n’ont rien d’aussi exaltant, à première vue, que celles de l’imposant Seattle Grace, par exemple), The Clinic a donc tout ce qu’il faut pour plaire à un public qui apprécierait ces séries mais serait à la recherche d’un ton bien personnel et non d’un ersatz.
Pourtant, très vite The Clinic parvient à trouver une identité propre, entre autres grâce à une intrigue très intéressante. On l’a dit, Ed Costello est apprécié par toute l’équipe de la clinique… et c’est bien ça le problème. Car la réceptionniste Fiona a développé à son encontre une obsession assez malsaine. Elle s’est mise dans la tête qu’elle vivait une liaison avec son patron…
Le pilote sera ainsi l’occasion pour elle de s’entretenir longuement avec le thérapeute de la clinique, auquel elle a été recommandée, et d’assister à un entretien où elle semble se confier sur sa relation avec Ed, le rapport de celui-ci avec son épouse dont à l’entendre il serait sur le point de divorcer, mais aussi de sa solitude. Le portrait est finalement assez terrifiant tant il est en décalage avec ce que l’on peut voir de sa place au sein du cabinet. Bien-sûr, avoir une psychopathe au cabinet est une intrigue qu’on voit aussi bien dans un thriller que dans un soap, mais son traitement est tel que pour le moment, on le prend avec sérieux, voire même avec un petit frisson dans le dos…
L’un des autres points forts des bases que pose The Clinic, c’est aussi ce personnage de vieille dame légèrement encombrante, la veuve Fleming, dont il est entendu qu’elle est là pour rester, même si c’est en dépit du bon sens, au nom du bon vieux temps et du respect dû à feu le docteur Fleming. Ses relations avec les deux docteurs Costello ne sont clairement pas les mêmes ; Ed partage avec elle une certaine tendresse, quand Cathy semble réaliser à quel point elle prend de la place (et fait occasionnellement des boulettes), devenant presque une charge pour le personnel de la clinique. Si cet aspect est développé, cela peut donner une intrigue sur la vieillesse, mais aussi une relation très touchante sur le long terme, et je confesse que c’est l’un des axes qui, derrière ses ressorts parfois tragi-comiques (sans jamais virer au bouffonesque, car l’humour occasionnel de la série reste subtil), peut ouvrir des perspectives vraiment efficaces d’un point de vue dramatique.
Plus généralement, ce premier épisode pose les bases d’un lieu confiné et foisonnant de personnalités variées, avec un don véritable pour les scènes de groupe qui respirent l’énergie et la sincérité. Le poste d’accueil de la Clarence Street Clinic s’impose d’ailleurs vite comme un point névralgique de la série, où se croisent à la fois les praticiens et les patients, dans une sorte de chaos banalisé dont seule Daisy, nouvelle arrivée, semble saisir le ballet frénétique.
Cependant, deux choses sont à noter. D’abord, que le coffret DVD n’est franchement pas sexy. Pour tout vous dire, les DVD sont disposés dans une sorte de livre constitué de pochettes en cartons reliées sur lesquelles les profils des différents personnages de la série sont affichés ; le package est minimaliste, donc, pour ne pas dire un peu cheap. Mais d’un autre côté, impossible pour les CD de se balader dans la boîte comme ça m’est parfois arrivé, et aucun risque de péter le plastique ! (oui j’ai décidé de voir le verre à moitié plein)
Qui plus est, la série ne dispose d’absolument aucun sous-titre, pas même anglais ; il faut se dire que ça aide à se forger une oreille pour les accents ? Ah, et pas de bonus non plus, mais personnellement je les regarde rarement. Après tout j’ai envie de dire qu’il y a une question de rapport qualité-prix, mais je vous laisse seuls juges, comme d’habitude, je ne fais que vous apporter les éléments.
J’espère en tous cas avoir pu vous faire partager un peu de ma découverte. Si certains parmi vous sont intéressés, j’ai, hm, conservé le premier épisode, et je peux donc, hm, entre autres, vous proposer le générique. Entre autres. Si vous me suivez…
En tous cas je me dis que j’ai fait une plutôt bonne affaire, et à raison d’un épisode par-ci par-là (The Clinic en compte 66 au total), ça peut faire une fin de journée plutôt agréable, dans un univers à la fois confortable de par son pitch assez classique, et son univers un peu plus intimiste que beaucoup de séries médicales américaines que j’ai pu voir à ce jour. Expérience concluante. La sagesse ferengi l’emportera décidément toujours.
Zut, va falloir que je trouve un moment pour cette série.
Merci pour la découverte !
L’absence de sous-titres anglais sur les dvds me chagrine un peu, mais à ce prix-là, raaa !
Father Ted
« en train de lutter pour trouver des séries irlandaises sur la toile »
Woaw, faut vraiment être ouverte d’esprit et aventureuse pour dépenser une telle énergie à obtenir ce qui ne nous tombe pas tout cuit dans le bec grace aux diffuseurs officiels.
Moi je matais la sitcom « Father Ted » lors de mon séjour à Dublin. Je sais pas si tu connais. C’est du comique de situation caricatural sur les rapports entre des bigottes irlandaises et des curés barrés (y’a même un curé ivrogne qui fait n’importe quoi!)
C’est plutôt marrant, dans le genre « Faulty Towers ».
Sinon, en parlant de clinic, je te conseille « The Kingdom » (Riget en VO) du fameux Lars Von Trier. Une série courte en 4 longs épisodes. Attention c’est pas Dr House, c’est plutôt genre Twin Peaks (mais pas aussi bien fait), c’est bizarre, surnaturel, dérangeant, satanique, sulfureux.
Ouhlà, Father Ted, très très mauvais souvenir ! XD
Par contre, Riget est danois, non ? J’avoue que n’aimant pas trop Lars Vont Trier, et ayant les étranges souvenirs de Kingdom Hospital (qui a été inspirée mais dont j’ai entendu dire qu’elle était quand même inférieure, et de beaucoup, à l’original), je n’ai jamais osé me lancer.
Mon but justement est, depuis quelques temps, de chercher par moi-même de quoi aller plus loin que ce que les distributeurs officiels procurent, en tous cas sous nos latitudes. En lisant ce blog comme tu as l’air de le faire, tu t’apercevras que j’ai effectué quelques recherches par-ci par-là. Du temps où je bossais chez SeriesLive, j’ai même écrit deux-trois articles sur la télévision mondiale (http://ladytelephagy.canalblog.com/albums/curiositylive/) en plus des news. Toutes les suggestions sont bonnes à prendre, mais en prenant les chemins de traverse tu auras plus de chances de me séduire…
Cette série a l’air assez sympathique, je serai curieuse de la découvrir (ma seule expérience avec les séries irlandaises étant Father Ted dont j’ai trouvé l’humour lourd) ! Je veux bien le générique et autre pour me faire une idée !
Ah bon, bein c’est deux coups dans l’eau alors… Je n’ai fait qu’effleurer la surface de ton blog aussi je ne pouvais prédire tes goûts. En tout cas, tu es plus calée que moi sur la TV, alors je risque pas de t’apprendre un truc que tu sais pas déjà.
Qu’est-ce qui t’a pas plût dans Father Ted?
Y’avait une seconde saison de prévu pour The Kingdom, qui ne s’est pas faite. C’est peut-être celle-là, que quelqu’un d’autre aura faite, dont tu te souviens… Je sais pas je connaissais pas.
Et ma réflexion n’avait rien d’ironique, c’était pour faire le lien avec le débat sur Newsring. C’était sincère.