Depuis un bout de temps maintenant, je vous parle de plusieurs pays scandinaves. Reviennent en général la Suède, le Danemark et la Norvège ; en revanche, la Finlande et l’Islande sont un peu les grands oubliés. Il faut dire qu’en-dehors de la série finlandaise Alamaailma Trilogia, découverte à l’occasion de Scénaristes en Séries (qui hélas ne possède pas de sous-titres anglais dans sa version DVD, et qui n’a pas semblé impressionner arte pourtant en pleine fringale scandinave, ce qui fait que je vais devoir me contenter du souvenir du pilote), il y a assez peu de séries qui me passionnent dans ces deux pays.
A côté de ça, j’avoue avoir encore du mal à trouver mes marques pour trouver des infos de façon aussi abondante que dans le triangle Suède/Danemark/Norvège, ce qui n’aide pas. Mais c’est aussi une question d’intérêt personnel, je ne vais pas vous mentir.
En Islande, en particulier, la trilogie dramédique Næturvaktin–Dagvaktin–Fangavaktin a fait plus que ne pas m’attirer : c’est un vrai souvenir traumatique. Le pilote de Næturvaktin était très pénible, j’ai carrément laissé tombé la trilogie après ça. Pourquoi se forcer après tout ? Ensuite, le récent Heimsendir, sur lequel j’ai un oeil depuis que j’en ai parlé sur SeriesLive, respire tellement l’hystérie que franchement, j’ai préféré purement et simplement passer mon tour. On comprendra que c’était toujours un peu la faute des mêmes, vu que la même équipe créative a commis les 4 séries ; mais comme ce sont les séries islandaises les plus « connues », forcément, ça l’aide pas.
A cause de quelques petites expériences malheureuses comme celles-là, je n’avais pas, comme ça pu être le cas pour Livia (avec Pressa, puis plus récemment Tími Nornarinnar) ressenti une forte attraction envers ce petit pays, en dépit des choses qui peuvent titiller ma curiosité chez la fiction islandaise… Du coup c’était une histoire qui était vouée à trouver une issue favorable un jour ou l’autre, ma curiosité n’attendant qu’une occasion de se déclarer, à la faveur d’une série qui attirerait réellement mon attention.
C’est grâce au site Shopicelandic que les choses se sont finalement décantées. La plupart des DVD de séries vendus par le site sont en effet disponibles avec des sous-titres anglais, et je n’ai plus eu qu’à faire mon marché. La bande-annonce de Réttur m’a convaincue il y a plusieurs mois de cela, j’ai passé commande dés que ma banque m’a enfin fait parvenir ma toute première carte bancaire fin avril, et hop, l’aventure islandaise pouvait enfin commencer aujourd’hui !
Lancée en janvier 2009, Réttur, écrit par Sigurjón Kjartansson (Livia vous a déjà parlé d’une autre de ses séries, Pressa), a la particularité d’être le tout premier legal drama d’Islande, avec la promesse d’un univers sombre qui ne pouvait que me régaler. Et c’est donc au terme de bien des tourments que je vais vous parler de la première saison de Réttur, qui est aussi la toute première série islandaise à m’avoir convaincue.
Eh bah voilà, à force de patience, on a fini par s’entendre, chère Islande !
Il est évident d’entrée de jeu que le héros de Réttur, c’est Logi Traustason (mais entre nous on pourrait aussi bien l’appeler Gregory House ou Tom Jackman, parce que c’est un peu la même famille de psychopathes, tout ça). Le pilote commence d’ailleurs sur les chapeaux de roue, nous le présentant immédiatement comme une personnalité centrale de la série ; cela s’atténuera ensuite pour éviter de virer au one man show. Il faut dire que la tentation est forte, tant le personnage de Logi est riche, et vous allez le voir, je ne taris pas d’éloges à son propos.
Homme à l’intelligence aiguisée, il n’a aucun problème avec la perspective de se mettre à dos tout le monde et n’importe qui, en vérité le plus fou, c’est qu’il donne l’impression d’être parfaitement ravi d’être considéré comme le Diable en personne. Cela lui donne l’opportunité de pouvoir fermer le clapet de quiconque lui barre ne serait-ce qu’un peu le passage, sans ressentir la moindre culpabilité, et il en joue, l’animal.
Il faut dire que Logi se traine une réputation sordide : condamné pour meurtre il y a 25 années, il a purgé sa peine avant de devenir… avocat. Dans le genre, pour donner mauvaise réputation à une profession qui n’avait pas besoin de ça, on a rarement vu pire. Avec une verve cinglante que n’aurait pas renié le héros Dr House, Logi s’impose donc, où qu’il aille, puisque de toute façon on n’aurait pas manqué de lui adresser des regards en biais voire même des attaques à peine voilées. Il a décidé de tirer partie de sa morbide notoriété, et n’est pas ébranlé, d’ailleurs, quand elle se retourne contre lui. C’est assez finement joué, cette façon que la série a d’établir à la fois de façon progressive (le noeud du problème, à savoir la condamnation pour meurtre, n’est pas évoqué avant un bon tiers du pilote) tout en rendant évidente l’arrogance sans méchanceté de son héros. C’est simplement un ambitieux, en fait… mais les ambitieux avec une mauvaise réputation ne sont jamais vraiment aimés. Ajoutez à cela que notre ami est un alcoolique repenti mais pas trop, et vous obtenez là un personnage divin. Ou diabolique, c’est selon.
Notre homme a en plus la particularité d’être bon dans ce qu’il fait, et c’est donc encore plus dérangeant. Il gagne tous ses procès, les accusés se l’arrachent (il est tout-à-fait conscient que les coupables ont tendance à le croire de leur côté), et en deux ans, il s’est taillé la part du lion dans l’univers de la Justice. Sauf que… il n’est pas partenaire dans son cabinet actuel. Et ça, ça l’emmerde puissamment, le Logi, surtout que quand il le fait remarquer à sa hiérarchie, on l’envoie bouler au prétexte que lorsqu’il était à son compte il y a encore deux ans de ça, Logi a mis son propre cabinet en banqueroute (ah oui, ya ça aussi). Mais pas gêné pour deux sous, notre avocat terrible décide d’aller frapper chez la concurrence pour proposer ses services (surtout qu’il est convaincu d’être sur le point de décrocher la plus grosse affaire de meurtre du moment), et sans même attendre la réponse, prend ses quartiers dans les bureaux. Il est comme ça, Logi. Et donc il est forcément épatant.
Et c’est comme ça qu’on se retrouve dans le cabinet Lög & Réttur (« loi et droit »), qui comporte deux partenaires : Brynhildur, une avocate à l’apparence froide, et Hörður (là j’avoue avoir été bien contente du copier/coller), un petit bonhomme pas forcément très confiant. Vous vous doutez bien que Logi s’imagine n’en faire qu’une bouchée, lui si assuré, et d’ailleurs il passe très vite avec eux un savoureux contrat qui ne manque pas d’exsuder l’arrogance qui est si caractéristique de notre héros.
A partir de cette succulente installation, inutile de préciser qu’à ce stade vous êtes prêts à suivre les aventures du cabinet jusqu’au bout de l’Enfer (après tout c’est probablement l’adresse de Logi).
Juste après Allan Kriegman de The War Next Door, voilà un personnage dont on se ferait volontiers tatouer le nom à même la peau. Pardon d’insister, mais de toute façon, avec pareilles caractéristiques, Logi Traustason ne pouvait qu’attirer les femmes… et mes amis, je ne suis qu’une faible femme.
Ou bien qu’une faible téléphage, car les richesses de ce personnage sont tout simplement inépuisables, et quand je vois un épisode aborder le problème de la relation de Logi à la famille de l’homme qui l’a tué, je ne peux qu’applaudir la façon dont le drame est si bien réintroduit dans un personnage qu’on aurait failli, dans un moment d’égarement, prendre pour un inconséquent.
Alors forcément, comparativement au génie du personnage central, il faut assurer en face avec les autres personnages. Fort heureusement, l’équilibre très vite trouvé du côté de Brynhildur, qui s’avère rapidement être un personnage capable aussi bien de soutenir les coups d’éclat de Logi, que de lui lâcher la bride quand c’est pas la peine de nous le brusquer. Du côté de ce pauvre Hörður (prononcer « heurdur »), c’est plus aléatoire, le personnage ayant quelques bons moments, mais le character development restant désespérément plat.
Et puis surtout, à côté de ça, forcément les intrigues paraissent moins complexes. Mais elles sont simples, pas simplistes, et ça fait toute la différence.
Dans Réttur, l’essentiel n’est pas tant de trouver des enquêtes très difficiles à résoudre, que de suivre lentement le procédé qui permet de mettre en évidence toutes les parties en présence dans le cas rencontré, puis de comprendre comment chaque protagoniste fonctionne. L’intrigue principale du pilote, en particulier, est vite résolue par le spectateur (voire un peu trop), probablement parce que l’exposition prend déjà pas mal de temps dans l’épisode. Ca s’intensifie dans les épisodes suivants, mais sans jamais verser dans une vision policière des procès en cours ; lesquels, d’ailleurs, n’occupent en définitive qu’une petite partie de l’épisode, sur la fin. En fait, les séquences de conciliation tiennent exactement la même place dans les épisodes que les procès eux-mêmes, ce qui est assez parlant.
On n’est donc pas du tout dans la même vision que des séries américaines équivalentes, même si la structure est tout de même assez proche, et le spectateur est plutôt supposé venir trouver du drama que du legal à proprement parler.
Réttur a aussi la particularité d’introduire dés le pilote une intrigue criminelle en fil rouge dont on ne suspecte pas tout de suite l’importance. C’est d’ailleurs très puissant ce qui se passe de ce côté-là, car d’affaire lointaine, et médiatique, on va progressivement basculer dans quelque chose de beaucoup plus sombre.
La récurrence, d’ailleurs, des médias, est traitée avec beaucoup d’intelligence. Ce n’est pas un thème majeur de la série mais il souligne quand il le faut les intrigues, en mettant les avocats et/ou la partie civile face aux cameras, en utilisant des couvertures de magazines, en relatant un fait divers à la façon d’un reportage, ou en filmant une interview. Du coup, de temps à autres, c’est l’opinion publique qui est ramenée implicitement dans les débats, d’une part pour nous rappeler que la vision que le citoyen lambda a de l’affaire est limitée, mais aussi pour nous impliquer, puisque tous les procès auxquels nous assistons sont tranchés par des juges et non des jurés.
Cela permet, l’espace d’un instant, de changer l’angle sous lequel nous considérons les affaires ainsi exposées, et c’est finement joué.
Cela ne veut pas dire que Réttur est une série totalement sombre, dramatique ou déprimante. Certains épisodes sont plus légers et permettent d’aérer cette saison, ce qui est franchement bienvenu, sans pour autant que la série s’offre des épisodes humoristiques (même si un procureur rencontré par Brynhildur au cours d’une affaire est franchement barré, mais bien, quoi, limite du niveau d’un personnage de Kelley !). Mais en tous cas, des pauses sont ménagées dans certains épisodes afin de nous laisser souffler avec des choses moins étouffantes. Il faut dire aussi que l’ambiance du cabinet L&R évolue en cours de saison, et les échanges entre les différents avocats trahissent aussi une évolution plus subtile, qui se traduit par des discussions plus enlevées.
Je soupçonne même que cela fasse partie de la stratégie de la série que de nous faire croire que l’ambiance s’éclaircit à un moment donné, pour mieux nous impacter à certains moments ; c’est notamment le cas avec les évolutions de ce satané Logi qui semble parfois se ramollir, et qui en fait n’a pas du tout surmonté ses démons, mais a simplement décidé de pactiser avec eux pour ne pas les laisser le déstabiliser. C’est d’ailleurs fascinant de voir un tel personnage être à la fois aussi terrifiant, et être en même temps sincèrement sympathique, non parce qu’on le prend en pitié ou qu’il a des failles qui le rendent attendrissant, mais parce qu’il n’est pas foncièrement mauvais, juste monstrueux. Ca n’a pas l’air clair dit comme ça, mais ça a du sens devant Réttur, promis. Et je me rends bien compte que je parle beaucoup de Logi, mais c’est vraiment un personnage saisissant…
Côté musical c’est un peu la même chose. Le « thème » de la série, très simple, se révèle vite très prenant. En quelques notes, il installe très bien l’ambiance froide, un peu étouffante, nécessaire, et sa récurrence au cours des épisodes, pour ponctuer une scène ou simplement servir de marqueur pour attirer notre attention sur le fait que la procédure suit son cours, se fait en douceur, sans virer à l’obsession. Mais c’est pour ainsi dire le seul moment où on remarque seulement qu’il y avait de la musique dans l’épisode, tant le reste est transparent.
Ce cocktail confère à Réttur une atmosphère feutrée, sobre, mais qui au besoin peut faire son petit effet, sans jamais paraitre pingre. C’est, il faut le dire, très réussi. Comme quoi, le mieux est vraiment l’ennemi du bien…
Alors voilà le deal : Shopicelandic, je suis plutôt satisfaite. Certes, l’emballage est un peu minimaliste comparé aux cartons épais d’Amazon (ici, une simple enveloppe à petites bulles), mais il n’y a aucune raison de se plaindre. Commandé le 11 mai dernier, mon colis a pris l’avion en prioritaire le lendemain, pour arriver en ce début de semaine (j’ai pas ouvert ma boîte, c’était peut-être hier, peu importe) sans une égratignure. Tout ça pour la modique somme de 33,34€ (le DVD en coûtait 27,73). D’après mes standards, voilà qui reste raisonnable, même si je reconnais qu’en terme de quantité d’épisodes/prix, ça reste un peu juste, puisque rappelez-vous, chaque saison comporte 6 épisodes. Après c’est vous qui voyez, évidemment… Moi, comme d’habitude, je vous contente de vous expliquer ce qui est possible ou pas.
J’ai peine à croire que tout ce que je vous raconte ici se déroule en seulement 6 épisodes ! Et pourtant, c’est bien vrai : tout ça, et bien plus encore, est à découvrir dans Réttur.
En tous cas de mon côté, c’est dit : le temps de laisser cicatriser mon compte bancaire, et je m’attaque à la seconde saison. Surtout après un cliffhanger comme celui-là…