L’un de mes pilotes favoris à la rentrée était Suburgatory. Sans mentir, j’ai dû le voir une bonne douzaine de fois depuis sa diffusion initiale. C’était en partie parce qu’étant donné les circonstances (j’étais en plein déménagement), je n’avais pas autant de choix qu’à l’ordinaire, et en grande partie, parce que ce pilote était vraiment bon. Hilarant. Formidable. Limite irréprochable.
Avec ses couleurs pétillantes, son excellent sens du rythme, ses personnages barrés, le pilote de Suburgatory semblait tout droit issu d’un manuel répertoriant les impératifs d’une comédie en single camera qui tenterait de me plaire. Alors la série s’est, forcément, rapidement arrogée le statut de « nouvelle comédie préférée de la rentrée » dans mon planning. Comment faire autrement ? Tout y était génial.
Un avis qui n’avait, cependant, pas semblé être unanime. Suburgatory manquait de mordant pour beaucoup ; apparemment, quand on parle de banlieues pavillonnaires américaines, il faut systématiquement les passer au vitriol. Personnellement je trouvais beaucoup plus attirant ce parti pris de choisir l’absurde plutôt que la satire ; l’approche me semblait moins aggressive et bien plus porteuse de rire.
Aussi, après le pilote, mon coup de coeur ne s’était-il pas laissé perturber par les critiques. Pourtant les critiques ont commencé à changer de bord. Je commençais à lire des choses négatives même parmi ceux qui avaient aimé la série à son apparition.
Des choses que, par un procédé que je ne m’explique pas vraiment, j’ai décidé d’ignorer. Mais vraiment. Pas juste en me disant que je n’allais pas les prendre au sérieux, ou ne plus lire ces reviews ou tweets, mais en décrétant inconsciemment de ne même pas essayer de me rappeler que les critiques existaient, ou avaient existé… ou avaient une raison d’exister. J’ai poursuivi la saison en riant en moins mais en refusant obstinément de l’admettre. C’était juste un moins bon épisode que la dernière fois.
Chaque semaine.
Il aura fallu attendre l’arrivée du personnage d’Eden pour que je regarde les choses en face, et me fasse un aveu : je ne prenais plus vraiment de plaisir à regarder Suburgatory. Ce n’est pas que j’ai commencé à me dire à ce moment-là que la qualité de la série baissait ; c’est que je n’ai bien voulu penser à voix haute qu’à ce moment-là : « eh bah, c’est vraiment devenu fade ».
Qu’était-il arrivé à Suburgatory ? Difficile à dire. Quelque part pendant la saison (peut-être alors que sa commande initiale touchait à sa fin, peut-être juste après ?), la série a cessé de parler de la banlieue, de ses étranges travers, de ses coutumes absurdes, de ses habitants aux lubies démesurées, pour ne finalement que virer au soap vaguement vaguement comique. Par on ne sait quel miracle, la série qui avait vu le jour essentiellement parce qu’elle prenait le contrepied de ce qu’était devenu Desperate Housewives était devenu une copie en 20mn de cette série. Le contexte adolescent en plus.
Les pistes qui me plaisaient le plus avaient progressivement été mises de côté, et abandonnées.
George et Dallas se tournaient bêtement autour quand ils avaient été proches si vite dans le pilote ; il a fallu inventer des petites amies à George, un divorce à Dallas, et même une dispute, pour éviter que les choses n’avancent entre eux. Les personnages les plus excentriques ont soit mis de l’eau dans leur vin (Noah, par exemple, noyé dans ses problèmes de couple, mais aussi Mr Wolfe et même Dallas elle-même), soit carrément disparu (à l’instar de la serveuse Jocelyn, que je n’appréciais pas mais qui participait énormément à la loufoquerie de la série). Ceux qui sont restés fidèles à eux-mêmes ont été sous-employés, à l’instar de Sheila Shay. Pire encore, finalement, le tandem Lisa/Tessa n’a jamais fonctionné, et n’a d’ailleurs pas été entretenu, les contacts entre les deux adolescentes étant cantonnés au strict minimum humoristique.
Mais la plus haute des trahisons venait du regard sur la banlieue cossue de Chatswin. L’endroit n’était plus absurde. Il était devenu le milieu naturel de la série.
Il y avait encore quelques morceaux sympathiques (ceux auxquels je me suis raccrochée pour nier l’évidence), souvent situés dans les cold open des épisodes, mais la magie était partie. J’avais ri aux éclats devant le pilote (et à vrai dire, j’ai revu ce dernier peu après le season finale, et ses effets sont toujours là), mais progressivement la série avait cessé même de me faire sourire. C’était léger, inconséquent, sympathique… mais plus drôle.
Quand j’ai accepté le fait que cela faisait plusieurs épisodes que Suburgatory ne me ravissait plus, et même, ne me plaisait plus, alors quelque chose s’est un peu cassé, je l’admets.
Je ne sais pas trop pourquoi j’ai tant tenu à rester fidèle à Suburgatory toutes ces semaines, mais j’ai l’impression que j’ai passé la saison à refuser de lâcher prise. Et là, je crois que… ça y est… je peux desserrer les doigts.
Adieu Chatswin.
Et le pire, c’est qu’elle va me manquer, cette série.
J’ai abandonné avant toi (tant pis pour Alicia Silverstone que je n’aurai même pas vu), et comme toi je suis déçu. C’est devenu moins drôle, et moins une critique décalée des suburbs. Le virage s’est fait plus tôt, pour devenir un soap en oubliant le charme de certains personnages (et une héroïne qui devient tête à claques).
C’est d’autant plus dommage, que parmi toutes les sitcoms plaisantes du début de saison, je n’ai fini que 2 broke girls, et le moins qu’on puisse dire c’est que ça vole pas haut non plus (j’ignore si je reprendrais à la rentrée).
Pour avoir fait un petit bilan des upfronts (je sais, avec le peu d’infos et de trailers, c’est mal, mais ça fait partie du jeu), les sitcoms de l’année prochaine n’ont pas non plus l’air révolutionnaires… C’est ma tragédie personnelle : chaque saison je me dis que l’âge d’or des sitcoms est derrière moi, et que jamais plus je ne rirai autant…