Ipanemoney

9 mai 2012 à 22:13

Quand on aborde le pilote d’une fiction issue d’une filiale non-américaine de HBO, la tentation est grande de se demander si la série répond aux standards de la chaîne étasunienne. C’est humain : HBO s’est fait un nom grâce à l’exigence d’un grand nombre de ses drames, réputés internationalement, et il n’est que juste retour des choses que les chaînes de la famille HBO, que ce soit en Amérique du Sud ou en Europe centrale, rendent justice à cette réputation.
Preamar n’a pas vraiment le feeling d’une série HBO, si une telle chose existe. En fait pendant tout le pilote, je n’ai cessé de penser plutôt à Magic City, notamment de par l’omniprésence du littoral.
Faut admettre qu’il y a pire lien de parenté quand même.

La vraie différence dans l’identité de ces deux pilotes, c’est évidemment l’époque : Preamar se déroule dans le présent, aucun doute possible à ce sujet vu que le pitch repose sur, devinez quoi, la crise. C’est contractuel dans toutes les séries de la planète, maintenant…
João, le héros de la série, était un homme d’affaire à qui tout réussissait, qui brassait des millions et qui du jour au lendemain se fait mettre à la porte comme un malpropre après avoir fait perdre beaucoup d’argent à sa société. Après avoir été le golden boy de la boîte, il devient donc un paria à qui il ne reste plus que son superbe appartement avec vue sur la côte d’Ipanema. Comme bien des personnages de fiction avant lui, il décide de ne pas parler de cette petite déconvenue professionnelle à sa famille, et tente de se sortir de là tout seul.

Il faut dire que sa famille n’est pas vraiment du genre à se prendre la tête sur ce genre de détails. D’une part, son épouse Maria Izabel, est une femme dans la quarantaine très belle, mais pas franchement préoccupée par les affaires de son mari. Sans être une trophy wife superficielle, elle ne s’est en tous cas jamais beaucoup intéressée au monde du travail, préférant être ce que l’on nommera pudiquement une femme de loisir : le moment le plus stressant de sa journée est au petit déjeuner, quand elle doit décider quelles vitamines prendre… Le reste de sa journée est consacré à des cours de peinture et tout un tas d’activités du même acabit qu’on imagine éminemment stressantes.
Le couple a deux enfants qu’assez naturellement on n’a pas trop envie d’accabler de tracas financiers : Manu, une adolescente sage mais qui a toujours eu l’existence facile, et Fred, un jouisseur qui n’a pas l’air de se préoccuper de grand’chose dans la vie, dont je ne suis même pas sûre qu’il ait une occupation autre qu’aller fumer des pêtards sur la plage à longueur de journée (et dont le lit à la maison est perpétuellement vide). On passera d’ailleurs plus de temps avec eux que je ne l’aurais imaginé ; ce qui asseoit leur présence non pas comme des prétextes (comme c’était le cas par exemple pour les enfants du héros dans Lights Out) mais bien comme des éléments de l’histoire qui n’ont aucune idée de ce qui se passe, et vivent dans l’insouciance.
En tous cas, pas étonnant que João fasse le choix de n’encombrer aucun membre de sa famille avec ses problèmes. Et comme il n’a pas d’amis, il est effectivement seul face à ses déboires.

Le pilote de Preamar, en dépit de cette histoire assez ordinaire, parvient pourtant à fournir un très bon épisode d’exposition, notamment en faisant le choix d’une narration non pas chronologique, et donc linéaire, des évènements, mais au contraire en mettant régulièrement en contraste le quotidien de João et sa famille au présent, par rapport à ce que leur vie était avant cette déchéance. Une mise en parallèle entre les deux situations qui est soulignée par l’apparence de João : avant, il portait un beau costume probablement très cher, il était rasé de près et avait l’oeil vif. Maintenant il a les yeux cernés, traine sa misère dans des Tshirts sans forme et porte une barbe négligée.
C’est grâce à ces rappels réguliers du « bon temps » d’avant que le pilote parvient à instaurer son ambiance et son propos avec finesse, d’autant que ce premier épisode est bien décidé à approfondir le sentiment de désespoir de son héros, plutôt que de passer dessus au bout de 10 minutes comme si on en avait fait le tour. On entre vraiment bien dans la tête de ce mec qui est au bout du bout, et qui ne sait pas comment en sortir. C’est nécessaire, car s’il avait trouvé une solution rapidement, on n’aurait pas pu mesurer l’ampleur de son découragement. Il fallait que ça fonctionne dramatiquement pour qu’on s’intéresse vraiment à la façon dont João allait tenter de redresser la barre, et le travail est très bien accompli ici.

Ce qui est intéressant dans l’esthétique de Preamar, c’est d’une part, les intérieurs, sombres mais très classe, où le noir et le bois forment l’essentiel des décors, et d’autre part l’omniprésence des Dois Irmãos, les deux pics à l’ouest de la plage, qui figurent en arrière-plan quasiment chaque fois qu’on est à l’extérieur ou près d’une fenêtre, et qui du coup impliquent énormément de couleurs bleutées. Ca n’a l’air de rien comme ça, mais ces éléments forment un contraste qui pourtant rappelle très pertinemment où l’on se trouve : sur une plage magnifique, mais huppée.
On peut aussi le voir comme une métaphore des deux pôles dans la vie du héros : le luxe à préserver, et le moyen pour le faire.

Et justement, la solution trouvée par João à la fin du pilote ne manque pas de charme, ni d’intérêt. Le principe n’est pas de taper dans quelque chose de démesuré, comme le trafic de drogue, mettons ; la solution prend parfaitement en compte la faune qui peuple la plage d’Ipanema. C’est d’ailleurs de façon assez gracieuse que lui viendra progressivement l’idée, et j’ai apprécié d’assister au cheminement de pensée de João dans les séquences où il a promené son regard sur la plage en recouvrant finalement le sourire.

L’aventure Preamar est donc celle d’une série qui ne fait pas mine de ne pas savoir qu’une foule de séries s’est déjà aventurée dans une histoire similaire : tirant des enseignements des fictions partant déjà du même pitch, la série de HBO Brasil fait son possible pour donner vraiment de la profondeur à son travail, et pour nous surprendre quand il le faut. C’est vraiment agréable de voir qu’on peut faire une série avec une genèse un peu bateau, et réussir tout de même à accomplir un travail qui n’ait rien de la ressucée.
Le seul véritable défaut de ce pilote est dû à la VOSTM : certains passages étant plutôt placés sous le signe des explications un peu techniques, notamment quand João se fait virer, forcément quand on ne parle pas portugais, ça fait un peu longuet. Mais sur le reste, le pilote est irréprochable.

Qu’on se le dise, avec Preamar, la légende HBO continue…

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1 commentaire

  1. Shoone dit :

    4 épisodes plus tard, je suis toujours plus conquis. Il fallait que je le dise.

    C’est surtout l’ambiance, le cadre qui m’ont accroché au début… mais là je dois dire qu’en plus, l’intrigue (bon sans casser la baraque non plus, il y a plus révolutionnaire) tient très bien la route! ça avance vraiment plus vite que ce je pouvais imaginer (surtout sur la fin du 1.04), les personnages – pas que Joao – se font plus attachants et j’ai même l’occasion d’être pris par surprise par quelques twists.

    Entre les épisodes, l’attente se fait donc à chaque fois plus dure… d’autant que ma conso série est réduite comme jamais en ce moment Reste qu’en cette période de révisions, la série est devenue un vrai rayon de soleil dans la semaine.

    Quelle joie de savoir qu’il y en encore pour une dizaine d’épisodes! Serait-ce déjà trop d’en demander une saison de plus? Je ne suis pas trop au courant des traditions d’annulations/renouvellements des séries brésiliennes, mais j’espère vraiment que pour Preamar l’aventure se poursuivra pour encore un moment.

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