Italian for « peace »

29 avril 2012 à 20:27

Tout a commencé le mois dernier. Pour ma défense, j’étais malade. Et en plein multi-marathon. Et par-dessus le marché en pleine crise d’autobiographiphagie.

Mais l’histoire ne commence pas là, en réalité ; elle commence voilà presque quatre ans. J’étais alors devant mon écran, à regarder l’un des premiers épisodes de la deuxième saison d’une série que j’adorais. Et je ne saurais pas dire à quel moment précis, mais soudain, j’ai fait ce truc que je fais quand j’ai repéré un truc : je cligne de l’oeil. Un seul oeil. Le gauche. Comme ça le droit continue d’observer même pendant que j’enregistre ce qui vient de se passer. Je sais pas pourquoi je fais ça, une sorte de tic si l’on veut, mais quand je le fais c’est que quelque chose vient de m’interpeler. Et je me rapelle avec une précision cinglante d’avoir soudain penser : « j’ai vu un truc, là ».
Ce truc, c’était un détail dans le jeu de Lee Pace. C’était un épisode de Pushing Daisies parmi tant d’autres, j’avais déjà vu Lee Pace avant dans cette série, évidemment, et, d’ailleurs, j’avais déjà vu Wonderfalls auparavant, et pourtant cette fois-là, j’ai vu quelque chose qui m’a fait cligner d’un oeil. Le signe qui ne trompe pas. Ce jour d’automne 2008, je n’ai aucune idée de pourquoi, cet acteur-là m’a donc interpelée. Je n’aurais pas su dire ce qui avait attiré mon attention mais j’ai voulu fouiller. Et c’est comme ça que je me suis mise à cagouler plusieurs de ses films, dont Soldier’s Girl, The Fall et Miss Pettygrew Lives for a Day. Ca ne s’est pas regardé en un jour (Dieu sait que mon rapport avec les longs métrages a longtemps été compliqué), mais quand j’ai vu ces trois films (et quelques autres dont notamment The Good Shepherd et Infamous), j’ai compris que j’avais trouvé un acteur qui arrivait à incarner tout ce que j’aime chez les acteurs. Et jusque là je n’aimais pas grand’chose chez les acteurs (ou alors pour de mauvaises raisons).

Dans un premier temps, j’ai pensé que je venais de comprendre quelque chose sur le métier d’acteur qui jusque là m’avait totalement échappé, vu que je considérais les acteurs comme des outils (au mieux), des choses interchangeables dont j’avais besoin qu’on me fournisse la preuve de l’individualité. J’ai essayé de me faire également une intégrale des films d’autres acteurs qui me semblaient pouvoir être intéressants, ça n’a jamais vraiment pris. C’était cependant une tentative intéressante en cela que pour la première fois, je regardais ce que faisaient les acteurs au lieu de considérer que tout le mérite revient toujours, exclusivement, au scénario. Mais rien à faire.
C’était vraiment seulement lui. Et c’était d’autant plus intrigant que ça n’avait rien à voir avec les piètres raisons pour apprécier un acteur que nous connaissons tous, étant donné qu’il n’est pas mon genre, physiquement parlant (trop jeune, trop maigre, trop… too much). Alors pourquoi ? Si ce n’était pas le plaisir des yeux qui entrait en jeu, quoi ?

Il s’est passé des semaines pendant lesquelles j’ai lu, lu et lu, comme je fais toujours quand quelque chose pique ma curiosité : des interviews, des articles, n’importe quoi, en essayant de comprendre pourquoi je le trouvais si bon alors que je ne m’étais jamais fait cette réflexion pour nul autre acteur avant lui. Sans compter qu’il n’est pas le MEILLEUR, objectivement parlant. Evidemment il m’a clouée sur mon fauteuil avec Soldier’s Girl et The Fall mais, soyons honnêtes, il y a d’autres très bonnes performances de par le monde, au ciné comme à la télévision, qui ne me font pas vibrer l’ombre de la paupière gauche. Alors quoi ?
J’ai trouvé ma réponse dans un article, non pas écrit sur lui, mais par lui, sur l’une des pièces dans lesquelles il a joué. Je crois que ce jour-là, j’ai lu cet article et simplement admis que, ok, Lee Pace, c’est juste l’acteur qu’il me faut. Il a des défauts et des faiblesses (et il en a corrigé, pourtant !), mais il parvient à parler mon genre de langage, à exprimer ce que j’ai besoin de voir exprimer. Et si je devais écrire quelque chose, nul doute qu’il serait le plus à même de l’exprimer. On dirait qu’il parle mon langage, en somme.

Les mois et années passent, et désormais c’est un fait : Lee Pace, c’est mon acteur. Le seul au monde dont j’ai envie de voir les prestations, les comparer, les décortiquer. Bonnes ou mauvaises, elles sont toujours à part. A force de lire et regarder des interviews et making of, d’éplucher les articles, ou de chasser la moindre sortie, il est certain que cela entraine un cercle vertueux qui fait que j’ai l’impression de connaitre son jeu mieux encore, les tics, les habitudes, les progrès, les préférences peut-être même. Même si je suis de plus en plus consciente que je n’aurai pas fait le tour de son travail tant que je ne l’aurai pas vu sur scène, j’ai l’impression de commencer à connaitre sa façon de concevoir son boulot. Et pour moi c’est une donnée à la fois nouvelle et inestimable.

C’est que, j’ai aussi ce goût pour les autobiographies. C’est cylique (et ça varie avec mes finances), mais j’aime énormément lire les autobiographies d’acteurs et comédiens. Surtout pas les biographies : je trouve le procédé trop proche de la fiction ; un biographe transfère forcément un peu, surtout les biographes qui ne rencontrent pas leur « victime » ou leur « cible » et qui commencent à fantasmer un peu et proposent au final un travail de révisionnisme sans grand intérêt. Certes, les autobiographies ont leur part de fiction personnelle, le moment où on se glorifie un peu ou, plus simplement, on se met en scène. Quand on veut éviter un sujet ou l’aborder sous un angle excessivement humoristique, par exemple. Mais cela fait partie du jeu et, au final, les choses qui ne sont pas dites, ou dites sous couvert de l’humour, sont aussi parlantes que celles qui sont explicitées.

Les autobiographies sont une façon comme une autre de rentrer dans la tête des gens, moi qui aime par-dessus tout cette forme de tourisme psychologique qui consiste à marcher dans les chaussures de quelqu’un sur une certaine distance, puis réintégrer les miennes et sentir que les limites de mon univers ont été repoussées, même de quelques milimètres. N’est-ce pas ce vers quoi la plupart de mes centres d’interêt me poussent, dans le fond ?

Aussi n’était-il pas étonnant que, à un moment où je n’étais pas en état d’être raisonnable, le mois dernier, je me retrouve à allier ma passion pour les autobiographies et mon intérêt pour Lee Pace.

D’abord, ma motivation première était de comprendre ce qui pouvait bien se passer dans sa tête pour jouer telle chose de telle façon. On a tous des théories plus ou moins associées à de la psychologie de comptoir sur la raison qui pousse un acteur à choisir certains rôles, ou à les interpréter d’une certaine façon. C’était mon moteur à ce moment-là : qu’est-ce qui expliquait l’existence de Lee Pace en tant qu’acteur ? En toute logique, la même raison qui expliquait son existence tout court. C’est là que j’ai dérapé.
Quand j’ai commencé, sans même m’en rendre compte, à mémoriser les prenoms des parents, de la soeur, du frère. J’étais pas du tout dans mon assiette et je n’ai pas eu le réflexe à un seul moment de me dire que ça devenait étrangement malsain d’être capable de retracer l’arbre généalogique des Pace sur quatre générations. Mais on en était là, en à peine deux heures sur Google.
La troisième m’a conduite à me demander si tout ce beau monde était sur des réseaux sociaux. Je confirme, ils le sont.

La fièvre, les crampes et même le nez bouché ont depuis disparu, j’ai refermé tous les onglets que pendant quelques jours j’avais intégralement épluchés, et même rafraichis régulièrement, mais force est de constater que la famille Pace m’a suivie ailleurs.
A présent je ne les consulte qu’une à deux fois par semaine, maximum, vite fait, en cinq secondes, pour « prendre des nouvelles ».

Comme dit précédement, ce qui m’intrigue, c’est Lee Pace l’acteur, je ne fantasme pas sur Lee Pace, l’échalas aux sourcils broussailleux.
Mais depuis un mois environ, je fantasme à mort sur sa famille. Comment son père au nom de grand méchant de Dallas, qui en plus travaillait dans le pétrole, est aujourd’hui un petit pépère qui a l’air bon vivant. Comment sa soeur a une grande famille (plus grande encore depuis cette semaine), et comment son frère est un authentique redneck. En une heure sur les réseaux sociaux le mois dernier, j’étais même capable de retracer l’arbre généalogique du mari de la frangine, pour tout vous dire, alors vous pensez. Le plus agaçant étant probablement l’extrême invisibilité de sa mère, mentionnée souvent, mais présente nulle part.
Et c’est là que j’ai compris que depuis un mois, ça n’a plus rien à avoir avec Lee Pace.

Vous savez ce que j’ai fait à plusieurs reprises, le soir, avant de dormir ? J’ai essayé de me représenter les réveillons de Thanksgiving ou Noël de la famille Pace. Avec, vous pouvez me croire, un luxe de détails, et pas forcément tous forcément brillants (ces gens-là ont forcément des défauts, juste aucun qui soit insurmontable), l’imagination aidant, et dans ce domaine la mienne est galopante. Eh oui.
NOM D’UN CHIEN JE L’AI REFAIT !
J’ai passé les dernières années de mon adolescence à rêver à des familles denses, complexes, chaleureuses. Je les regardais à la télévision. J’imaginais ce que serait la mienne plus tard (c’était avant de réaliser que si je devais avoir plus tard une famille idéale, je n’en serais jamais la fille mais forcément la mère, et cette épiphanie a tourné court quand j’ai compris que je n’avais aucune envie d’être mère). J’ai passé des heures et des heures à rêver à tout ça. Tout n’y était pas parfait, mais en comparaison avec ce que je commençais à comprendre de ma famille, c’était forcément épatant.

Mais depuis, je pensais en être guérie. Je pensais avoir fait du chemin. Je pensais qu’en coupant les ponts définitivement avec mes parents en octobre dernier, j’avais laissé toutes ces histoires de famille de rêve derrière moi ; toutes les histoire de famille, tout court.
Et non, pas du tout.
La vérité, c’est qu’à cause d’un acteur qui sait m’inspirer comme personne d’autre au monde, j’ai eu l’opportunité de transférer tous mes fantasmes de famille sur la sienne.

Et la sordide vérité dans tout ça, c’est que même si les parents que j’ai eus ne me font plus souffrir, que je ne pense presque plus à eux (ou alors comme sous le choc : « tiens, qu’est-ce que cette pensée vient faire là, ça fait des siècles que je n’ai pas pensé à eux »), même si je raconte aujourd’hui mes souvenirs de guerre à mes amis sans plus ressentir le moindre pincement au coeur (et qu’ils me disent « ça se voit que tu vas mieux depuis qu’ils ne sont plus dans ta vie »)…
…Eh bien, ne pas avoir eu une « vraie » famille, ça me manque toujours.

Ma fringale pour les autobiographies ne s’est pas apaisée depuis. J’aime toujours autant mes guides du routard intérieurs, qui me permettent d’avoir l’illusion de me balader dans la tête de quelqu’un, puis d’avoir l’impression que mon regard sur cette personne va se modifier la prochaine fois que je le verrai à l’écran. Je n’y recherche pas nécessairement ce que j’avais tant aimé trouver chez la famille Pace, et mon intérêt pour les autobiographies ne se cantonne pas, loin de là, à l’enfance ou l’entourage familial. Mais quand même.
Il n’empêche, depuis un mois, je suis un peu fâchée avec moi-même de ne pas réussir à m’en foutre complètement, de ces histoires de famille, et de ressurgir, encore et encore, les mêmes problématiques sous des angles différents.

Quel que soit le progrès accompli, il manquera toujours quelque chose, pas vrai ? Il faut croire qu’il n’y a simplement pas de paix possible.

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1 commentaire

  1. Cédric dit :

    Tu as une personnalité fascinante ! ( Fascinant de te voir essayer de répondre aux questions que Lee Pace t’a fait te poser. Moi ce que j’essaie de comprendre c’est ce que tu as mis dans tes mots pour qu’ils m’accrochent à ce point-là ! Je crois que ce qui me plait avant tout dans ton écriture, c’est ta sincérité et puis la profondeur avec laquelle tu analyses les choses. )

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