Ma dernière acquisition en date est un couple de DVD que j’ai trouvé à un prix dérisoire sur Amazon.fr. En dépit de ces éléments pourtant a priori attirants, j’ai un peu hésité avant de les acheter : le coffret ne contient ni pilote ni intégrale. Pour autant que je sache, les épisodes n’ont même pas de nom. Pour moi qui me fais une règle de ne jamais acheter le coffret de la 3e saison avant d’avoir acheté la 2e, c’était un peu perturbant, je suis psychorigide comme ça.
Mais il fallait bien faire une exception pour Life with Elizabeth, puisque cette série ne semble avoir aucun guide d’épisodes complet. Difficile donc de savoir si les 16 épisodes, répartis en deux DVD, sur lesquels j’ai fait main basse à peu de frais, se suivent, ou même appartiennent à la même saison. C’est assez criant quand on se promène dans le guide d’épisodes d’IMDb, par exemple.
Je viens donc d’acheter un DVD pour une série qui n’a, en pratique, pas de pilote. En tous cas, pas qui nous soit parvenu.
En fait, vous imaginez bien que c’est ce dernier argument a été le déclencheur de mon achat. Une série sans pilote, pensez.
Lancée en 1953, Life with Elizabeth était, selon Betty White, tournée en direct. Sauf qu’à l’époque, le « sitcom » n’existait pas encore avec ses codes techniques ou sa structure narrative actuels ; certes I Love Lucy était à l’antenne depuis 2 ans, mais ça n’était apparemment pas devenu le modèle de toutes les comédies. Sans être un sitcom à proprement parler, Life with Elizabeth est pourtant bel et bien une comédie de 20mn, mais elle est filmée avec une seule caméra, dans un théâtre, et en direct donc.
Comme le fait remarquer White pendant le monologue de son épisode de Saturday Night Live : « à l’époque, on ne voulait pas le faire en direct ; on ne savait simplement pas comment enregistrer les choses ».
L’idée d’enregistrer les épisodes devant un public venu dans un théâtre et non un studio de télévision a quelque chose de délicieusement désuet, non ? C’est samedi soir, on est dans les années 50, et à New York, on s’habille pour aller dans un théâtre assister à l’enregistrement d’un épisode de Life with Elizabeth… Vous pouvez essayer de vous imaginer ce que c’était, ou bien écouter Betty White en parler pour essayer de vous remettre dans le contexte.
Mais revenons à l’épisode lui-même. C’est certainement la structure de l’épisode qui est la plus fascinante.
Au lieu d’être formé d’une seule histoire, éventuellement décomposée en trois axes, ce qui est sensiblement la norme aujourd’hui, l’épisode est divisé en trois « incidents » totalement indépendants. Chacun est introduit et conclu par un narrateur qui est présent devant la caméra ou en voix-off, et qui force Elizabeth, le personnage de Betty White, à briser le quatrième mur à plusieurs reprises. On est loin de la formule qui deviendra celle des sitcoms, qui prétendent justement ignorer le public pourtant présent lors de l’enregistrement ; cela ne manque pas d’ironie.
C’était une époque d’expérimentations, quoi. Dit-elle avec une pointe d’admiration nostalgique dans la voix.
Dans cette comédie dont le thème est assez classique pour l’époque, puisqu’Elizabeth est une épouse qui tient plutôt de la femme-enfant : elle est gaffeuse, elle aime les plaisanteries… mais elle aime aussi son gentil mari, on note cependant qu’en dépit d’histoires simplistes et de gags parfois un peu caricaturaux (parfois seulement), le jeu des deux acteurs, Betty White et Del Moore, est d’une étonnante sobriété, bien loin des frasques de Lucille Ball et Desi Arnaz qui sont pourtant leurs contemporains.
Il y a quelque chose de très spontané dans les échanges de ce couple ; le comique des échanges s’en trouve renforcé par l’impression qu’on ne cherche pas à nous abrutir, même si on nous amuse avec un scénario moyennement original. D’ailleurs on en oublie rapidement les rires du public car Life with Elizabeth a toute la retenue requise pour une bonne comédie en single camera. Et en parlant de retenue, aucun gag n’est appuyé, ce qui est en partie dû à la quasi-absence de musique (celle-ci n’étant fournie que par une harpiste, pas vraiment de la musique de comédie grosses tatannes, donc).
Il s’avère que devant ce premier épisode, que je ne peux décemment pas qualifier de pilote, j’ai ri à plusieurs reprises, certains passages étant tout bonnement intemporels dans leur façon de présenter les personnages et leur rapport de force. Mais aussi, tout simplement parce qu’il y a de vrais bons gags.
Le fait que cette série ait presque 60 ans n’est qu’un détail, à la limite, tant elle fonctionne bien encore aujourd’hui. Vous savez quoi ? Une fois de temps en temps, je vais m’en regarder un ptit, tiens.
Et voilà. Je pensais acquérir un morceau d’histoire télévisuelle, un classique, un DVD à bas prix pour mes archives… et je me retrouve avec une série sympa. Comme quoi.