Ah, Pushing Daisies…! Les couleurs ! Les musiques ! Les décors ! Les costumes ! Les chansons ! Les tartes ! Les animaux ! Les loufoqueries ! La romance ! …La mort !
Et cet épisode va revenir aux fondamentaux. Au drame. Au déchirement. A tout ce qui fait que, au bout du compte, Pushing Daisies a ce charme incroyable sur moi : la balance entre les jolies choses, et les autres.
Ned a donc déballé son sac à Chuck, qui l’a planté là sur le champs, décampant dans la nuit noire et enneigée, disparaissant aussi vite qu’elle était réapparue dans sa vie. Et le Piemaker est désespéré. Il est redevenu le Piemaker tout triste du début.
Vous vous souvenez ? Quand j’ai regardé le pilote et que j’ai dit que je me rappelais que Lee Pace minaudait plus que ça ? C’est exactement ça : le Ned de Lee Pace minaude plus en présence de Chuck, lorsqu’elle illumine la vie du pâtissier. Là on le retrouve avec cette grande ombre de sérieux et de douleur sourde, le visage glacé dans son atroce solitude. Pauvre « petite » chose qui ne peut rien à ce qui lui arrive sinon traîner sa misère de scène en scène en espérant que ça passe, ici chez les tantes de Charlotte, là en frappant chez Olive sa voisine…
Chuck de son côté n’est pas dans un état plus brillant. La pétillante (à un degré tel qu’elle en devient parfois, admettons-le, irritante) Anna Friel, elle aussi, est descendue d’un ton. On ne connaissait pas la Chuck d’Anna Friel sans Ned ; eh bien elle n’est pas très joyeuse, le regard dans le vague, perdue dans la contemplation de la ville depuis la fenêtre de l’appartement d’Olive ou le toit du Piehole. Sa voix a perdu toute étincelle, elle n’a plus un seul battement de cil, elle est… morte de douleur ?
Fort heureusement, on peut toujours compter sur les mystères saugrenus de la série pour nous apporter notre dose de fantaisie, pas vrai ? Ouais, vite, ouvrons notre cadeau de Noël et découvrons ce qu’Emerson nous a dégoté pour cette fois ! Alors, dans quel univers incroyable allons-nous entrer ?
…Celui des assurances. Mouais, pour l’amusement on repassera : des agents en assurance qu’on retrouve congelés et planqués dans des bonshommes de neige, une enquête qui s’oriente vers un jeune adolescent malade à qui on refuse un coeur, une dame qui veut exaucer le dernier souhait de celui-ci…
Peut-on déprimer juste encore un peu plus ? Du noir, de la neige, de la glace, de la mort, encore, toujours, partout. Alors l’ambiance de l’épisode est pour le moins morne, ce n’est rien de le dire.
Et inutile de compter sur les gouttes magiques que Chuck distillait dans les tartes de ses tantes, parce que c’est tante Lily qui a tout pris. Avec un résultat qui va bouleverser la donne : droguée jusqu’au dernier degré, elle va, à son tour, faire une révélation de folie… mais on aura tout le temps de se préoccuper de ça en saison 2 (et avec quel brio), ne laissons pas cette nouvelle nous écarter de ce qui compte vraiment dans l’épisode.
De sa première à sa dernière scène, presque sans discontinuer, cet épisode final de la première saison aura été bien cafardeux. Je trouve ça osé. Et je trouve toujours ça aussi touchant. Ah punaise, j’ai du mal à trouver mes mots. C’est un épisode qui m’émeut toujours autant si ce n’est plus qu’avant.
Ce plan des Darling Mermaid Darlings fermant la porte du manoir Charles avec les deux enfants dans les bras, par exemple… Si les souvenirs de l’enfance de Ned, égrenés au cours de la saison comme ouverture d’épisode, n’ont jamais été très joyeux, celui-ci les bat tous, apportant la vraie scène d’émotion qui suit l’histoire que nous connaissons tous, qui nous a si souvent été rappelée, quand Ned et Chuck perdent leur parent le même soir : dans le pilote, c’était l’occasion de leur premier baiser, et en dépit de la séparation qu’ils avaient ensuite endurée, il y avait quelque chose de beau dans la façon que ces deux-là avaient de s’aimer ensuite à distance, chacun coiffé de son espoir. Mais pas cette fois. Cette fois, on prend vraiment la mesure du traumatisme, de la fracture entre Ned et Chuck. Elle ne se résoudra pas si facilement, et j’avoue que ça me plaît. Bien plus que les tracas autour des cup-pies, ce sont les problèmes que je veux voir le couple affronter, quelque part. Je suis sadique comme ça avec les personnages que j’aime, je suppose.
Et puis c’est également un très, très bon épisode pour Emerson, il faut le dire. Quand il laisse tomber les réponses cinglantes et cyniques, quand il cesse d’invectiver Ned, quand il arrête de vanner Chuck ou Olive, qu’il se lâche et qu’il laisse tomber une goutte, juste une goutte d’honnêteté, à peine une demi-larme et encore, eh bien je le trouve encore plus touchant. Il a toujours été là, à endurer les joutes verbales entre le Piemaker et la fille appelée Chuck, leurs regards enamourés ou leurs petits dilemmes parfois un peu ridicules, en roulant des yeux et en usant de sarcasme, et pour une fois il se livre juste un peu. Mais juste assez pour être tellement sympathique d’un coup…
C’est sans doute pour ça que c’est l’un de mes épisodes préférés de la série. Parce que derrière le papier-peint halluciné, les tenues vertes ou oranges, et les morts qu’on ressuscite, il y a toute cette souffrance qui ne se maquille pas. Mais qui se sublime. Pushing Daisies est une dramédie brillante parce que ses couleurs, ses jeux de mots, ses personnages excentriques sont la définition-même du divertissement, mais que leurs douleurs sont palpables, et n’ont rien, elles, de cosmétiques.
Que voulez-vous ? Rien ne me plait tant que rire et pleurer en même temps.
Allez, on passe à la saison 2.