La nouvelle de ce weekend, en Australie, est un projet de remake. Ça n’a l’air de rien, là, comme ça, parce qu’il s’agit d’un remake pour une série australienne que personne ici ne connaît, et pourtant, c’est d’un véritable morceau d’histoire télévisuelle dont je m’apprête à vous parler, ce qui ne gâche rien de ce nouveau post Love Actuality qui, outre vous parler d’actu, va également se montrer éducatif. ‘Fin j’espère.
Cette série d’origine, c’est Prisoner, diffusée à partir de 1979 par Ten.
Alors, bon, non. Pas The Prisoner (plus connu chez nous sous le titre Le Prisonnier), série britannique internationalement reconnue, évidemment, ni sa version AMC de 2009, sans quoi ce serait trop facile, et pas non plus Prisoner, le dorama nippon de WOWOW, ce qui commence à faire beaucoup de séries de par le monde portant un nom insupportablement similaire.
Bien avant Bad Girls ou Capadocia, la série australienne Prisoner se déroulait dans une prison pour femmes. Le concept n’était pourtant pas nouveau déjà à l’époque : c’était déjà l’adaptation d’une série britannique nommée Within These Walls ; laquelle avait connu un succès modéré sur les ondes australiennes au moment de sa diffusion. Mais apparemment, ça suffisait à inspirer une version australienne. Inspirer seulement, car le modèle de Prisoner allait finir par être bien différent de celui de Within These Walls.
Prisoner commence comme une série hebdomadaire pourtant, comme Within These Walls, et à l’origine, le network Ten en commande 16 épisodes d’une heure. Ces épisodes sont des stand-alones, mais ça n’arrête pas le public, qui est très vite au rendez-vous : apparemment, le spectateur australien est extatique à l’idée de voir une prisonnière se pendre dans sa cellule ou de découvrir comment une autre a sauvagement poignardé son mari dans la douche (façon Psychose). Et je vous passe l’incontournable intrigue lesbienne. Prisoner est extrêmement violente et graphique, c’est clair, mais ça marche.
Le succès de la série est tel que cette commande initiale est rapidement portée à 20 épisodes, diffusés à raison de 2 par semaine. Et là forcément ça pose problème en matière de production, car aucune production australienne ne peut soutenir un tel effort.
On est à la fin des années 70 et, à ce moment-là, la télévision australienne est alors encore pas mal étouffée par l’importation de fictions britanniques et américaines. Même si dans les années 60, les autorités ont instauré des quotas de fiction nationale, cela ne change rien au fait qu’il est moins cher d’acheter les droits de diffusion d’une série étrangère que d’en produire localement. Alors, même s’il existe des séries au format hebdomadaire plus classique depuis un bout de temps, ces fictions ne sont pas la norme : le soap est en plein boom dans ces années-là, tout simplement parce que c’est moins cher à produire pour atteindre les quotas de production locale, il n’y a pas à chercher très loin.
A partir des années 70, la plupart des séries importantes et innovantes de la télévision australienne se calqueront donc sur le modèle de production et de diffusion des soaps, qu’il s’agisse de séries osées comme Number 96 et The Box (respectivement 1972 et 1974), de séries médicales comme The Young Doctors (1976), ou de soaps plus classiques mais définitivement marquants, comme le sera quelques années plus tard Neighbours (1985), qui est d’ailleurs encore à l’antenne aujourd’hui.
Alors, aussi étonnant que ça puisse paraître vu son sujet, Prisoner va devenir une série carcérale quotidienne. Et devinez qui a créé Prisoner ? La même personne qui a créé The Young Doctors et qui créera Neighbours : Reg Watson. La réponse était donc dans l’énoncé.
A l’issue de sa première saison, en 1980, Prisoner commence donc à passer au format soap, et survit incroyablement bien au changement de format ainsi qu’à l’hémoragie d’actrices qui en résulte. Il faut dire que plusieurs des personnages avaient commencé à quitter la série lorsque la commande avait été prolongée, à commencer par Franky Doyle (qui est restée l’une des figures les plus mémorables de la série), mais à partir de la saison 2, cela devient patent. Du coup toute une nouvelle génération d’héroïnes va arriver au coeur des intrigues, certaines ayant été jusque là des personnages secondaires. Parmi elles, Bea Smith allait devenir l’une des figures fortes de la série.
Je vous passe tous les détails de son évolution, mais en tous cas, Prisoner va s’achever finalement au bout de 8 saisons et pas moins de 692 épisodes ; et avec une vraie fin, en plus, la production ayant été avertie à l’avance.
L’histoire pourrait s’arrêter là mais Prisoner était devenu un véritable objet de culte.
Déjà, la série s’était très bien exportée, même si, en raison de son titre, elle sera rebaptisée Prisoner: Cell Block H pour les USA et la Grande Bretagne, Caged Women au Canada, et Kvinnofängelset en Suède (où apparemment une convention sur la série est encore organisée chaque année). Il y a eu un téléfilm faisant office de spin-off sur l’un de ses personnages les plus emblématiques (Franky Doyle, souvenez-vous), bon, classique, ainsi qu’un remake américain qui, hélas, n’aura duré qu’une saison en syndication, et intitulé Dangerous Women…
Mais, plus original, Prisoner a aussi été adaptée en pièce de théâtre et en comédie musicale ! Et je ne vous parle pas des bouquins, du 45 tours avec le générique de la série (devenu 1e des charts), et plus tard, des DVD.
Alors du coup, comment vous dire ? L’an dernier, quand le network Ten a lancé un projet intitulé Inside Out, supposé se passer intégralement dans une prison pour femmes, et qu’en parallèle, quand le groupe Foxtel a commencé à massivement rediffuser Prisoner (dont elle avait acquis les droits de diffusion)… les gens ont un peu fait la relation. Il allait clairement se passer quelque chose, sur un network ou sur le câble, mais quelque chose. Depuis le temps qu’on attendait un revival, un remake, un spin-off, un sequel ou quelque chose, ça devait arriver !
Pourtant, Ten a très vite mis son projet Inside Out entre parenthèses ; il devait être diffusé en 2011, et finalement on n’en a jamais vu la couleur. Les désaccords avec l’équipe créative étaient apparemments trop forts, car avec une commande de 6 épisodes, la production envisageait de faire une série bien à part, quand Ten voulait absolument en faire un dérivé de Prisoner. Du coup, Inside Out a fini au placard l’été dernier.
Par contre, hier, et ça c’est donc la grande nouvelle, Foxtel a annoncé avoir mis en chantier Wentworth (l’ironie de l’appellation de cette série n’aura pas échappé aux fans de séries carcérales), produite par la même société de production que Prisoner (aujourd’hui rachetée par Fremantle), et supposée être une version révisée et moderne de Prisoner. On devrait y assister à l’arrivée de Bea Smith en prison, et assister à sa montée au pouvoir au cein du fameux bloc H.
Le cast devrait être annoncé avant la fin du mois et le tournage, à Melbourne, commencer sans trop de délais, afin d’être diffusé sur W (la chaîne qui proposait déjà Spirited) avant la fin de l’année. Et sur le câble/satellite s’il vous plait, donc avec une certaine liberté.
Il faut cependant noter que, si les rediffusions de Prisoner, 30 ans après, continuent de faire des audiences très décentes, le public est forcément un peu réticent à l’idée d’avoir droit à un remake. La série marche donc sur la corde raide et est attendue au tournant.
Mais à l’heure où notre Ozmarathon est en pause (conséquence indirecte du Black March), je vous avoue que la perspective d’une nouvelle série carcérale me réjouit. Hélas, la conséquence directe du Black March, c’est que je n’ai jamais cagoulé d’épisode de Prisoner et que maintenant ça va devoir attendre le mois d’avril…