Les anniversaires sont toujours plus symboliques qu’autre chose. Je le sais, vous le savez, tout le monde le sait, et pourtant, les dates ont toujours une grande importance à mes yeux. L’anniversaire de ci, l’anniversaire de ça. Et évidemment le mien.
Tout ne change pas du jour au lendemain parce que j’ai eu 30 ans. Mais après avoir tant attendu cet anniversaire si symbolique, que je n’ai pas toujours pensé atteindre, il était évident que j’y accorderais une attention soutenue.
Alors voilà, j’ai 30 ans depuis un mois, et qu’est-ce qui a changé ? Eh bien, rien, en vérité. Et tout.
Difficile de dire où est l’oeuf et où est la poule dans ces changements, puisque cela fait 6 mois que je m’efforce de faire le plus grand ménage de ma vie. Dégager mes parents ? La décision la plus difficile à mettre en oeuvre et pourtant, la meilleure que j’aie jamais prise. Un grand changement en tous cas. L’ai-je fait parce qu’il était temps, parce qu’enfin j’en avais la possibilité matérielle, ou parce que je savais que j’allais avoir 30 ans et que je voulais aborder mes 30 ans avec l’impression d’avoir mis les choses à plat ? C’est plus compliqué à déterminer. Sans doute un peu de tout ça.
Ce qui est certain c’est que ces 30 ans tenaient une immense place dans mon imaginaire. C’était l’objet de beaucoup de fantasmes, qui eux-mêmes ont énormément changé en 15 ans.
A l’époque où ça a commencé, je pensais que je voulais une famille, un gentil mari, c’était très important qu’il soit gentil voire même exagérément conciliant, une grande maison, 5 enfants (oui, 5), des chiens dans le jardin, un boulot d’enseignante ; que j’aurais tout ça à 30 ans. C’était l’époque où je n’avais pas encore fait la différence entre ce que je voulais pour le présent et ce que je voulais pour le futur. J’avais même commencé à écrire du point de vue de ces enfants ce que ce serait de vivre cette vie où papa est gentil, où la maison vibre de l’énergie d’enfants qui grandissent sainement et où tout va bien ; c’était bien un signe. Ce n’est pas avant quelques années que j’ai réalisé que je ne voulais pas avoir ces enfants, mais que je voulais être ces enfants. Et qu’aucun gentil mari ne remplacerait jamais le fait que je n’ai pas eu un gentil papa. Même si j’avais 5 enfants, je serais alors la maman, et je ne profiterais pas de la même façon de ce bonheur idéalisé. Avoir une jolie enfance parfaite, ce serait toujours pour les autres. On ne revient pas là-dessus.
Quand j’ai voulu mourir, il semblait clair que je n’atteindrais jamais cet âge canonique, que cette période incroyablement faste ne serait jamais pour moi. Et puis j’ai survécu à la tentative de suicide, sans savoir qu’il viendrait plus difficile encore, et lentement je me suis remise en branle, sans vraiment avoir l’objectif d’atteindre 30 ans mais déjà en essayant d’arriver à 20.
Une fois que je suis passée par ces deux stades (comprendre qu’avoir 30 ans ne me donnerait jamais l’enfance idéale que je n’avais pas eue, et passer à deux doigts de mourir), le rêve de mes 30 ans est devenu plus flou. Il n’y aurait pas d’enfants, parce qu’en réalité j’ai réalisé avec quelques années supplémentaires que je ne voulais pas en avoir, il n’y aurait probablement pas de gentil mari parce que le mariage m’attirait de moins en moins, et quant à la maison, eh bien, à Paris, c’est rare, les maisons, et j’étais depuis tombée amoureuse de Paris. Qu’y aurait-il à la place ? C’était compliqué à déterminer.
Mais ce qui était sûr, c’est que ce serait une époque faste. De luxe.
Le luxe de ne plus s’inquiéter.
30 ans ou le rêve de la stabilité. La décennie précédente aurait été celle des transitions, des privations, des efforts, des douleurs. Je ne sais pas au juste quand je l’ai décidé mais 30 ans, ce devait être le point d’arrêt de tout ça. Il faudrait avoir un travail, un logement, ne plus avoir faim, ne plus avoir peur, ne plus avoir mal. Quand je suis passée par cette période atroce où je ne mangeais plus, pendant le chômage, je voyais le temps passer et la situation ne pas beaucoup s’améliorer, un CDD par ci, une période de disette par là, et je me disais qu’il faudrait que ce soit réglé pour mes 30 ans. Les heures de thérapie pour se sortir les souvenirs insupportables de la tête, les mettre sur la table et les écraser d’un coup de maillet, ça aussi, je crois que j’avais décidé que ce serait fini à 30 ans. Pas de façon claire, nette et consciente, mais c’était là, quelque part : les errances se finiraient à 30 ans.
Ce devait forcément être dans un coin de ma tête toute l’année dernière, quand j’ai procédé à tant de changements. Il y avait des facteurs extérieurs mais pas seulement. J’avais décidé que je serais prête pour mes 30 ans.
Alors oui j’ai 30 ans et plein de choses ont changé. Elles n’ont pas changé d’un coup de baguette magique le jour de mes 30 ans, mais elles ont changé en prévision de ce jour et c’est un peu la même chose.
Pour la première fois de ma vie, j’ai passé Noël et le réveillon de la nouvelle année seule, et c’était voulu, et ça m’a fait le plus grand bien. Pour la première fois de ma vie, mes résolutions (si on peut les appeler ainsi) n’étaient pas des prières du genre « allez, cette année il faut que ça cesse », c’étaient des défis créatifs.
Comme anticipé, parce qu’il y a une part évidente de wishful thinking, mes 30 ans sont le début de quelque chose.
J’ai toujours pensé que ce serait la meilleure décennie de ma vie, même quand je n’étais pas sûre de la forme qu’elle prendrait. Je crois avoir plutôt bien préparé le terrain pour modeler cette décennie au mieux. Il y a du boulot encore avant que je n’aie la vie rêvée ; je me suis trompée, sans doute, sur ça : la transition est permanente, elle ne s’arrête pas avec les 30 ans. Mais j’ai toute une décennie pour m’y mettre et j’ai réussi à faire en sorte de n’être liée par rien ni personne qui m’en empêche. Et au moins, contrairement aux précédente, cette transition-là n’est pas subie ; j’en suis maîtresse.
Pour une fan de symboles comme moi, difficile de ne pas remarquer que le mois de février a été difficile, pourtant, et que cela prouve que je ne suis pas à l’abri des coups durs, même arrivée à ces fameux 30 ans. Le rappel tombait mal, d’une certaine façon : la lune de miel avec ma nouvelle décennie a ainsi tourné court. Mais en même temps, c’était le bon moment pour se rappeler qu’il n’y a rien de magique à atteindre 30 ans.
Mais peut-être qu’avoir 30 ans, avec ce que cela suppose à la fois d’expérience, d’assurance et surtout de foi à présent, m’a permis de mieux le gérer, de ne pas sombrer dans l’impression que tout allait mal et que la situation était insurmontable. Et puis maintenant, j’ai un travail, et ça aide beaucoup à ne plus avoir l’impression d’avoir la tête plongée dans une cuve de pétrole, aussi : la fonction publique ne m’offre sans doute pas grand’chose intellectuellement, mais j’ai l’assurance de revenir le mois prochain et c’est ce qui me sauve.
Après tout, c’est ce que j’attendais pour cette décennie, la stabilité ; pas parce que je voulais qu’il ne m’arrive plus rien et que ma vie reste la même à jamais, mais parce que je voulais une protection contre les changements les plus difficiles et/ou imprévisibles, et une garantie pour pouvoir me lancer dans des projets positifis. C’est pour ça, je crois, que j’associais aussi une certaine forme de routine à cette décennie : à l’intérieur de la routine, on est plus libre que quand il faut se soucier de toutes les contingences du lendemain. J’avais la vue si courte quand j’avais faim ; je réapprends à regarder à moyen terme, et peut-être que, bientôt, je réapprendrai à penser sur le long terme comme il faut ; je commence déjà pour certaines choses.
Je pense aussi à toutes les choses qui n’ont pas changé pour mes 30 ans, qui n’étaient pas prêtes.
Je l’ai senti quand j’ai compris la façon dont se déroulerait la célébration elle-même : il me manque du monde. J’ai des gens bien dans ma vie, mais j’en ai trop peu. J’ai l’impression d’avoir finalement assez peu de choix quand il s’agit de pratiquer telle activité ou telle autre. Peut-être que j’ai trop cloisonné pendant la décennie précédente ; à l’époque ça semblait important. Aujourd’hui, si je ne veux pas changer la proporition de temps que je passe seule et la proportion de temps que je passe avec de la compagnie, je crois que je voudrais pouvoir faire appel à des personnes différentes quand j’ai un projet ou une envie. Probablement que ça les soulagerait un peu aussi, je ne leur ai pas demandé mais je le soupçonne. Après avoir passé la décennie précédente à faire régulièrement du nettoyage dans mes amis pour ne pas garder ceux qui n’étaient pas capables de tenir le coup en cas de coup dur, privilégiant la qualité par rapport à la quantité, je devrais peut-être changer mes critères ; il n’y en aura plus vraiment, des gros coups durs pendant lesquels on demandera aux amis de se comporter en amis solidaires. J’en ai eu, des comme ça, j’en ai un qui a tenu 12 années de ma vie, et lui et moi savons combien ces années n’ont pas été faciles, mais les critères d’hier n’ont plus de raison d’être. Je ne compte plus sur mes amis comme avant, et je n’ai plus de raison d’avoir besoin de leur soutien comme certains me l’ont apporté à des moments critiques. Il serait logique que je sois moins sélective dans leur capacité à rester dans mon entourage même quand les choses vont mal, non ?
C’est compliqué parce que le pli est non seulement pris de longue date, mais en plus je n’ai pas envie de gens qui me traineront dans des activités qui ne m’attirent pas. Je ne veux pas tout changer, je veux juste changer ce qui ne me semble pas me correspondre assez. Il ne s’agit pas de devenir une autre, il s’agit de devenir plus « moi » ; aussi je ne veux pas soudainement me mettre à avoir plein d’amis qui vont absolument vouloir faire la fête, je veux plus d’amis qui aient les mêmes envies que moi, au moins de temps en temps (quand les actuels veulent faire la fête, ils savent que ce n’est pas à moi qu’il faut faire appel, après tout, et tout va très bien ainsi). C’est le gros défi de cette nouvelle décennie, celui dont je n’ai pas encore bien pu déchiffrer le mode d’emploi : m’entourer plus, mais pas m’entourer moins bien ou de personnes qui vont chercher à me faire faire des choses qui ne me plaisent pas. J’ai bien l’intention de continuer de refuser les invitations de certaines personnes à écumer les bars, par exemple. Je n’ai rien contre ce mode de vie, simplement il ne me plait pas et je n’ai pas envie de me forcer. C’est bien, déjà, d’avoir su le déterminer : je ne l’ai pas toujours su, et j’ai souvent, quand j’étais plus jeune, été celle qui suit et fait des trucs qui ne l’amusent pas parce que ça semblait être obligé ; depuis je sais que ce n’est pas la seule alternative contre la solitude. L’énigme sur ce que je veux et ce que je ne veux pas faire, ce qui me divertit et ce qui ne m’amuse pas voire même au contraire me lasse en moins de 5mn, est résolue de longue date, c’est déjà ça de pris.
Mais comment le concilier avec une plus grande quantité de personnes dans ma vie, ça reste un peu l’énigme de l’oracle sudérien.
Et puis à un moment, il faudra que je me repose la question de la vie amoureuse. J’ai beau être célibataire et généralement contente de l’être, il faudra bien, en même temps que je regarde sur le long terme, se demander comment je veux vivre la décennie d’après. Célibataire à 30 ans c’est fun, c’est la liberté, une liberté que je ne goûte vraiment que maintenant en plus. Mais célibataire à 40 ans… je ne sais pas encore.
J’ai réussi à vieillir jusqu’à atteindre 30 ans mais le processus ne va pas s’arrêter et il faut bien que je prépare la décennie d’après aussi. Et elle, je ne l’ai quasiment pas envisagée tant il a semblé incertain de parvenir à ces fameux 30 ans. Alors, cette décennie future, comment je veux la passer : seule ? Et sinon, quel genre de couple ? Et quelles promesses d’avenir faire à quelqu’un quand on n’a pas envie de se marier ni d’avoir des enfants ? Pour l’instant le célibat est confortable parce qu’il m’évite d’avoir à passer par certaines choses que je ne veux pas faire (les coups d’un soir, notamment, qui sont un truc qui vraiment ne m’attirent pas et qui semble être de nos jours le passage obligé pour rencontrer des mecs, c’est insupportable d’inintérêt, donc je zappe, mais à un moment faudra bien se poser les bonnes questions). Comment on rencontre quelqu’un quand on a 30 ans, qu’on veut une relation stable, ni trop envahissante, ni trop superficielle, mais qu’on ne veut pas une vie de famille « normale » ? C’est toute la question.
Actuellement le célibat est une solution simple à un problème complexe, et il va bien falloir que je me repenche sur la problématique à un moment.
Quand je n’avais pas encore 30 ans, j’avais espéré que beaucoup de choses ne poseraient plus question. Aujourd’hui, j’ai plein de réponses. C’est toujours bon à prendre. Mais il y a encore des questions sans réponse. Une part de moi est déçue, une autre est convaincue que l’impression de « work in progress » n’est pas une si mauvaise chose une fois que les difficultés les plus pragmatiques ont trouvé une résolution.
J’ai au moins le luxe de ne plus avoir à m’inquiéter, sur le long terme, de ce qu’il va advenir de moi. Mission accomplie, finalement, donc : j’ai les 30 ans que je voulais, en quelque sorte.
Je me disais bien qu’il manquait un episode pour le series finale
Je te souhaite une « belle » vie !!!
Bye …
pfiou…
Eh bé, un moment que je voulais lire ton pavé, (bon okay t’en écris souvent mais celui-là m’a vraiment attiré et suis trop flemmarde pour les longs textes) et y répondre.
En même temps, suis assez fatiguée donc je ne répondrais pas vraiment à tout mais crois-moi, je me suis totalement reconnu là-dedans. POUR TOUT. Ah oué, bon sauf l’âge, je viens d’avoir 32 piges donc oui à part ça, on est pareil. Sauf la tentative de suicide; quoique j’ai eu envie de mourir à maintes reprises, mais trop lâche/peureuse pour passer à l’acte.
Je ne suis pas encore maîtresse de moi-même par contre, juste tout juste indépendante, j’ai commencé bien tard à bouger mes fesses pour faire mon bonheur, et je ne pense pas y arriver totalement un jour, même simplement être un peu contente de ma vie, m’enfin on verra.
C’est dingue comme j’ai l’impression que tu parles de moi! Flippant même!
Il était vraiment temps qu’on se « meet » enfin!
Bah, gyoza bar un jour avec Jo toutes les 3!
Bonjour
Mon marathon Teruki me semble incomplet car il manque une info importante: un visage et un nom (je ne crois pas que tu sois Boomer).J’ai donc chausse mes guêtres d’Hercule Poirot et me suis lance le défi de découvrir ton identité en une heure montre en main.
J’espère que tu ne verras pas dans cette démarche une quelconque obsession malsaine mais
plutôt un « test de résistance » de ton firewall d’anonymat et si j’ai vu juste je te livrerais la faille et comment verrouiller ton identité a 100%.
Voila,si tu es intéressée par le résultat de mon « enquête » dis le moi et je dirais ton nom
Bye …
bon anniversaire!