On pourrait penser qu’après 4 saisons, notre Ozmarathon se serait engagé dans une certaine routine, capable de nous plaire (ô combien) mais plus de nous surprendre. C’est bien mal connaître la série, et cet épisode, en adoptant exceptionnellement une forme différente, va nous le prouver.
Des cameras de télévision se sont introduites dans les univers de plusieurs séries par le passé, permettant une certaine mise en abime. L’un des exemples qui à mon sens aura été le plus marquant dans cette catégorie est celui de l’épisode en live d’Urgences, qui présente les caractéristiques de ce type d’initiatives. Il s’agit avant tout de rafraîchir notre regard.
On a intégré depuis longtemps que, bien qu’elle se veuille réaliste, Oz est une série de fiction, sans nul doute possible. La gestion des différentes intrigues (par exemple la façon dont la saison 4 a procédé à une réorientation, mais aussi un resserrement sur un nombre plus restreint d’axes) en est la preuve. Paradoxalement, les journalistes qui débarquent à Oswald dans cet épisode réussissent à rendre la série plus réelle, pourtant. Les interviews avec les personnages centraux, les séquences camera au poing, font partie de la grammaire de ce type d’épisodes, et permettent de créer une impression de réalisme de façon artificielle. Les interviews, comme toujours dans ces cas-là (on le voit bien dans les mockumentaries), sous prétexte d’essayer d’extirper la vérité aux personnages, souligne au contraire leurs hypocrisies, alors qu’on a l’habitude de trouver ces mêmes personnages plutôt francs et clairs d’ordinaire. En définitive, on bascule totalement nos points de repères, ce qui est incroyablement vivifiant quand la routine s’installe avec une série.
C’est aussi là une opportunité incroyable de (re)découvrir l’univers carcéral avec un regard neuf. Dans le champs de la camera, soudain on réalise à quel point les personnages sont vulgaires, violents, dénués de scrupules. On a passé tant de temps à en rire, en pleurer et en frissonner qu’on oublie à quel point les protagonistes sont en réalité des humains effrayants. Bien que la journaliste présente dans la majeure partie de l’épisode prenne le parti d’en rire ou d’ignorer la plupart de ces comportements, on les voit soudainement avec les yeux des futurs spectateurs (imaginaires, donc) du documentaire.
Peu d’intrigues vont être abordées ici, pourtant. Moins encore que dans la première partie de la saison.
Ainsi, l’équipe de télévision s’intéresse en priorité à Beecher et Keller, la journaliste chargée de faire passer les interview préliminaires s’évertuant à essayer de tirer de leur histoire quelque chose de savoureux. Elle ne trouvera rien mais nous rappelle que la ballade de Beecher et Schillinger n’est pas finie, qu’elle ne trouvera probablement jamais de conclusion, et que la série ne veut surtout pas laisser mourir cet angle qui a apporté tant de confrontations incroyable. En résumant les plus importants évènements de cette histoire, l’épisode n’apporte pas grand’chose mais nous replonge, via des dialogues avec chacun des trois protagonistes de cette tragédie en constant développement, qu’on a affaire à des personnages denses, complexes, et qu’aucun n’est plus ni moins sympathique que les autres au bout du compte. L’angle sera pourtant abandonné, probablement parce qu’on est dans une phase creuse de cette triple confrontation, une phase de guerre froide. Ca ne durera pas mais les cameras seront loin d’ici là.
Le plus surprenant au début de l’épisode est probablement de voir le peu de répercussions de la mort d’Adebisi. C’est une affaire entendue : cette seconde partie de la saison 4 débute plusieurs mois après les évènements qui ont provoqué la déchéance d’Adebisi et de Querns, mais que Saïd soit déjà parvenu à la conclusion de son procès est un peu surprenant tout de même et on a clairement manqué ici une étape qui était décisive.
Là encore, l’équipe tentera de creuser l’histoire avant de la lâcher par excès de scrupules… je sais, ça surprend.
Pendant que l’émission se cherche laborieusement un angle sensationnel à adopter, l’intrigue O’Riley, qui était en apparence mineure, monte en puissance. L’épisode est parsemé de petites séquences dans lesquelles Ryan échaffaude lentement mais sûrement un plan de vengeance à l’adresse du journaliste principal et présentateur. Fidèle à lui-même, il va aller saluer sa proie et manipuler un pauvre hère, profitant qu’il n’y a plus de shérif en ville depuis la disparition d’Adebisi. C’en est presque trop facile… sauf que malgré ses efforts, au dernier moment, tout foire. Et c’est Cyril qui en fait les frais, dans une scène qui, pour la première fois depuis le début de l’épisode, remue les tripes. Ryan est enfermé, incapable d’empêcher son frère de faire une connerie, et quand la connerie se produit, il ne peut se porter à son secours. Il avait pourtant essayé de le tenir éloigné de tout ça à chaque étape, et tout a foiré. Les hurlements, la confusion, tout nous rappelle le désespoir et l’impuissance, ce qu’Oz sait si bien, ponctuellement, retranscrire.
Du fait de la narration un peu bousculée et de cette équipe qui vient fouiller Oswald plus profondément que pendant un shakedown, ce lancement de demi-saison nous offre une opportunité unique de nous replonger dans les éléments caractéristique de la série, tout en nous incitant à prendre du recul. Tout ça avec un coryphée plus efficace que jamais, capable de parler de medias sans incriminer la série ou le système télévisuel dans son ensemble, un écueil que peu de séries parviennent à éviter. L’épisode est donc réussi aussi bien de par le fond que la forme, et ce sera un plaisir d’aller au bout de cette 4e saison si elle tient toujours pareille forme.