C’est forcément un peu sectaire, mais quand je lance une série clairement adressée à la tranche ado et/ou préado, je ne me dis pas que je vais regarder de la grande télévision. Si, la fois où, nostalgique, j’ai regardé le pilote de L’Odyssée imaginaire, ce genre de choses, et encore. Mais que ça vienne de Disney, teen nick, The CW ou ABC Family, mes attentes sont immédiatement revues à la baisse. C’est une question de survie.
Quand a commencé le pilote de Jane by Design, je n’avais donc pas en tête l’idée que je pouvais être bluffée.
Et ça ne s’est pas produit.
Mais je me rends compte que je suis bien cruelle. Jane by Design n’est pas une mauvaise série ; je la donnerais plus volontiers à regarder à un téléphage en herbe que la plupart des calamités Disney que j’ai pu tester.
Bien que l’héroïne soit irritante (pas par nature mais essentiellement à cause de son interprète, assez insupportable), on rentre facilement dans cette histoire de double vie mignonnette. Les personnages secondaires sont un peu caricaturaux, mais ils ont encore quelques chances d’être exploités de façon sympathique, à défaut d’être originale. On ne verse ni excessivement dans le pathos, ni dans la comédie grosses tatannes ; globalement, en-dehors du halo lumineux autour des acteurs (plus insolent dans certaines scènes que d’autres il est vrai), la série n’abime pas la rétine ; on y trouve évidemment des fringues en pagaille, mais c’est fait avec une certaine candeur (à l’instar de la scène où Jane essaye la garde-robe de sa patronne en découvrant le dressing hypra-fourni de celle-ci) et pas avec l’impression qu’on peut avoir dans d’autres séries qu’il s’agit de vendre une ligne de vêtements ou de lancer une mode (d’ailleurs une des robes d’India de Beaufort est déjà apparue dans une autre série, je me rappelle m’être fait la même remarque : c’est moche mais nécessaire quand on n’a pas de hanches ; si vous avez meilleure mémoire que moi, éduquez-moi, je parle de la grise à la fin).
Et puis surtout, derrière cette série, il y a une idée qui me plaît bien et que j’ai déjà évoquée : l’entrée dans le monde du travail. Et sous un angle positif.
Adieu les ados ou universitaires qui souffrent au fast food le plus proche, ici on a une jeune personne qui, certes, a également des raisons financières de se lancer dans ce métier, mais qui avant tout est fascinée par un univers professionnel, et qui l’aborde avec positivitude, même si évidemment il y aura des déconvenues (dés le pilote, à vrai dire), des imprévus et des moments pas marrants. On passe réellement par le genre de stades que je voudrais voir plus souvent dans des séries, c’est-à-dire une façon plus nuancée de montrer le travail quand on débarque : un endroit où on peut à la fois trouver des gens très sympas (l’assistante qui reçoit Jane et le gay-de-service sont sympatoches comme tout), et des supérieurs hiérarchiques plus ou moins sympathiques (la patronne de Jane, le design, etc…).
Evidemment que penser que le patron est systématiquement un con et/ou un emmerdeur a des vertus pour se vider la tête, mais ça n’a pas besoin d’être systématique comme ça l’est devenu dés qu’une série parle de boulot. Jane by Design est l’une des rares séries récentes à s’approprier le monde du travail sans a priori négatif ; c’est regrettable que ce soit une série adolescente qui le fasse, ça donne l’impression d’une démarche quasi-pédagogique, mais pour une fois que le travail n’est pas désigné comme le 10e cercle de l’Enfer, je vais quand même pas me plaindre.
Jane by Design n’est pas la révélation de l’année. Mais ça me semble infiniment plus regardable qu’une énième fiction où l’héroïne veut devenir chanteuse. Evidemment on parle toujours d’un univers relativement glamour, on n’en est pas encore au point où une héroïne de teen show voudra être infirmière ou championne de lutte, mais je trouve qu’il y a quelque chose d’à la fois honnête et rêveur dans son propos, au sens où les robes et les bijoux, les intrigues amoureuses et les identités secrètes, ne virent pas au miroir aux alouettes. Une part de rêve à paillettes, mais aussi une part de réalisme terre-à-terre, confèrent à la série une véritable sympathie. Même si on ne s’en souviendra probablement pas sitôt qu’elle sera annulée car elle se montre assez anecdotique dans ses intrigues pour le moment.
D’ailleurs pour toutes ces raisons, j’ai envie de dire à ceux qui n’ont pas détesté Jane by Design qu’ils sont prêts pour apprécier un dorama nippon sans prétention du style de Real Clothes, pour rester dans la même thématique. L’appel est lancé.
Et pour ceux qui manquent cruellement de culture : la fiche Jane by Design de SeriesLive.