Tous les téléphages ont expérimenté une forme ou une autre de nostalgie.
Parfois, cela prend la forme d’une série devenue, au gré des années puis des décennies, fondatrice de tout le rapport que le spectateur a aux fictions télé dans leur ensemble. Ou bien, moins glorieux, parfois cette nostalgie se transforme en une forme de passéisme qui incite à dire, souvent à tort, que les séries, c’était mieux avant. Parfois c’est tout simplement se souvenir du détergent au citron quand votre mère passait la serpillère le dimanche soir, et que vous leviez les pieds d’un air absorbé, tout en regardant le Disney Channel. Parfois c’est le souvenir encore vif d’un épisode qui vous a ému sincèrement, et vous pouvez presque décrire la densité de l’air autour de vous au moment précis où vous l’avez regardé. Parfois c’est un souvenir doux, d’autres fois plus amer.
La nostalgie, quel que soit le degré de facilité avec lequel nous lui cédons, est une part de notre parcours à tous.
Je regardais un calendrier cet après-midi, et j’ai ressenti une bouffée soudaine, presque violente, étouffante, de nostalgie. J’ai regardé ce calendrier et réalisé que le mois de novembre s’était échappé si vite, et que j’avais essentiellement passé ce mois de novembre à avoir le coeur qui bat pour une série britannique, Threesome, à laquelle il faut une solide dose de volonté pour échapper si on lit ce blog de façon régulière. Une autre a d’ailleurs pris la relève, The Café, qui vraisemblablement sera mon coup de coeur du mois de décembre, sauf surprise (et après tout, il y a TOUJOURS des surprises dans mon quotidien téléphagique). C’est alors que j’ai eu un petit pincement au coeur à l’idée que, l’an dernier, mon mois de novembre avait également été très britannique.
Novembre 2010. Le mois où j’ai découvert, puis dévoré, puis délaissé, les 5 « premières » saisons de Doctor Who.
C’était il y a à peine un an.
Et cela fait une éternité.
Depuis que j’ai découvert la série, mon Docteur est parti, un autre a pris sa relève avant de disparaitre à son tour et céder la place à un nouveau. J’ai regardé, depuis, la 6e saison au même rythme que le reste des Whovians, avec ses deux parties, et ses épisodes parfois éprouvants en termes d’action surboostée ou d’émotions décuplées.
Et pourtant, tout-à-l’heure, devant mon calendrier, en repensant au mois de novembre 2010 et à ce mois de découverte, avec ce que cela inclut de hauts et de bas, de bons souvenirs et d’autres moins bons, bref, de sentiments mêlés comme on n’en vit qu’avec des intégrales auxquelles on se lie, devant mon calendrier, cet après-midi, je me suis surprise à murmurer…
« Ah, tiens, mais au fait, qu’est-ce qu’elle devient cette série ? »
Comme si ce n’était pas elle que j’avais suivie au printemps et à l’automne. Comme si j’attendais son retour depuis près d’un an. Comme si soudain je réalisais que je l’ai délaissée et que les épisodes sont sans doute quelque part, n’attendant qu’un clic de ma part pour corriger cet égarement.
Soudain tous les souvenirs remontent. Fichue nostalgie.
Le Docteur danse, le Docteur faire une promesse qui se perd dans le crépitement d’un feu de cheminée, le Docteur enregistre un message fragmentaire, le Docteur s’extasie devant la fin du monde, le Docteur court dans la bibliothèque silencieuse, le Docteur hurle de rage envers les Daleks, le Docteur s’illumine à l’idée que tout le monde a survécu, le Docteur va applaudir Shakespeare, le Docteur dit adieu sur une plage… Les grands moments, les petits moments, les petites joies, les grandes peines, tout me revient, comme appartenant à une autre époque, une autre ère, et le Docteur me manque, sous presque toutes ses formes, il me manque terriblement, et je ne sais plus vraiment ce qu’il est advenu de sa série.
J’ai une envie terrible d’aller revoir ces épisodes, ou mieux encore, d’en découvrir de nouveaux…
…Avant de me raviser et réaliser que je les ai vus, les nouveaux épisodes. Je les ai vus. Et ce n’est plus vraiment la même chose. Je n’ai pas de nostalgie. Je n’ai pas de lien affectif. C’est une série que je regarde mais c’en est une autre. Il y a des bons moments, évidemment, quelques uns. Mais ce n’est pas la même série, non, on parle d’une autre, moi je parle de Doctor Who vous comprenez ?
J’ai senti mes doigts se crisper sur le calendrier, et mon coeur se serrer brièvement comme quand j’apprends l’annulation d’une série qui me plaisait bien et avec laquelle je pensais vivre encore quelques aventures.
« Ah, tiens, mais au fait, qu’est-ce qu’elle devient cette série ? »
Quelle misère.
Mince, j’aurais presque pu écrire le même article.
J’ai découvert Doctor Who à la même époque, j’ai dévoré les quatre premières saisons en très peu de temps, et puis j’ai lancé la 5e, eleven est arrivé, Moffat a pris la place de RT Davis et la série qui m’a fait vibrer a disparu sans disparaître.
Tu dis trop bien ce que je ressens vis à vis de la série pour que j’essaie de le formuler à ma façon.
Très bon billet.