Ce blog a été le témoin de nombreuses évolutions téléphagiques pour moi : la façon dont je me suis mise à suivre plus méthodiquement les séries de rentrée ; la façon dont je me suis autorisée, l’expression n’est pas exagérée, à ne pas me cantoner aux séries américaines ; les défis que je me suis lancés plus ou moins officiellement, enfin, comme regarder plus d’intégrales, me priver volontairement de cagoulage ou m’essayer aux longs-métrages.
Il en est peut-être un, moins conscient, qui n’a pas encore été vraiment mentionné, mais dont vous pouvez trouver la trace facilement en remontant les archives de ladytelephagy : ma tentative de m’ouvrir à la comédie.
Ce n’était pas du tout acquis. Pendant très longtemps je n’ai juré que par les séries dramatiques, et les comédies qui me plaisaient en plus étaient en général douées pour jouer sur les tons (Rude Awakening en est un bon exemple). Les comédies en single camera m’ont toujours plu un tantinet plus que les sitcoms traditionnels, bien que je ne les boude pas (ma fidélité envers Fran Drescher est à ce titre parlante). Mais c’était toujours avec l’idée sous-jacente qu’une comédie était un passe-temps, un divertissement au sens péjoratif du terme, quelque chose qui, enfin, soyons sérieux, n’est pas une fin téléphagique en soi. C’était un peu contradictoire en un sens avec le fait que parmi mes séries préférées, quand je suis vraiment contrainte à n’en choisir qu’une trentaine pour faire une sélection, je mentionne presque systématiquement Une Nounou d’Enfer ; mais c’était avec, toujours, la sensation pas forcément explicitée de faire un distingo entre une série qui compte pour des raisons affectives, et une série qui compte, tout court.
En cela je crois que j’ai bien progressé ces dernières années. Parmi les intégrales que je me suis envoyées, il y avait énormément de comédies, en général datées d’il y a quelques années ou quelques décennies. Derrière la joie de m’esclaffer devant des plaisanteries plus ou moins fines, il y avait aussi ce sentiment de découverte, l’envie de décortiquer un genre qui, même à fortes doses, m’est toujours un peu étranger.
Du coup, je me suis posé, aussi, énormément de questions sur l’humour, ses ressorts, ses mécanismes, ses rouages ; parmi ces questions : l’humour est-il intemporel ? Peut-on encore rire lorsqu’on nous a trop répété qu’une série est drôle ? Peut-on rire de quelque chose qu’on ne trouvait pas drôle avant ? Peut-on rire de ce qu’on ne trouve plus drôle ? La triste réalité gâche-t-elle le plaisir de rire ? Doit-on toujours rire devant une série comique ?
Sur ce blog, il est probable, en tous cas c’est ce qu’il me semble à vue de nez, que je me sois posée plus de questions sur le genre de la comédie que sur celui du drame. Le drame me semble évident. Le drame est naturel. Le drame se conçoit facilement. La comédie est pleine d’interrogations pour moi, c’est un territoire qui, même au bout de plusieurs centaines d’épisodes, m’est toujours inconnu. Je sais rire mais je ne comprends pas d’où cela vient. Douter, me poser des questions ou pleurer ne fait pas autant débat ; il semble qu’il soit plus facile pour toutes les facettes du drame de remonter à la source. Comme beaucoup de choses en téléphagie, plus que nous ne voulons l’admettre, ce que nous aimons et ce que nous regardons prend racine dans notre histoire personnelle. Et ma fascination grandissante pour les comédies est le reflet de cela, de l’évolution personnelle que j’ai connu pendant ces quelques années et de la façon dont ça s’est traduit dans mes expériences télévisuelles.
Aujourd’hui se rejoignent deux de mes évolutions, les séries « étrangères » et la comédie, alors que je suis tombée sur un remake allemand d’une comédie britannique (on aura l’occasion d’en reparler). Mon allemand n’étant pas si rouillé que je le pensais, en tous cas pas à l’oral (saloperies de déclinaisons), j’ai retrouvé peu ou prou tout ce qui rendait le pilote d’origine drôle, ou à peu près.
Et alors qu’on passe notre temps, notamment dans le cas des séries asiatiques, à souligner combien certaines choses ne passent pas bien d’un pays à l’autre, je suis frappée de voir que la version allemande (si l’on met de côté le fait que les rires sont enregistrés et les acteurs un peu flasques) est aussi drôle que la version originale.
Comment se fait-il que l’humour parvienne à passer d’un pays à l’autre, souvent d’un continent à l’autre, aussi, sans problème ?
Pourquoi la plupart des séries américaines adaptées à l’étranger sont-elles des comédies ?
Certes il y a aussi la question du budget. Ce n’est pas une donnée innocente, naturellement. Le savoir-faire est moins aléatoire, aussi, sans doute : réaliser une série qui copie Oz, The Practice ou Pushing Daisies n’est pas à la portée du premier venu, quand un sitcom, avec ses règles techniques claires et son contexte théatral, est un objectif plus facile à atteindre.
Mais concernant les scénarios eux-mêmes ? Comment se fait-il que pas une ligne ne soit changée, parfois ?
On est d’accord que le succès de ces remakes, et on en parlait à propos de Las Chicas de Oro, est aléatoire : parfois ça cartonne, parfois pas du tout (ces dernières années, c’est plutôt pas du tout d’après ce que je vois ; l’échec du Cheers espagnol en est le dernier exemple en date). Mais les producteurs locaux ont en tous cas dû penser à un moment que tout ça se traduirait facilement dans le pays d’arrivée, qu’il n’était pas nécessaire d’apporter des retouches.
On dit qu’on peut rire de tout, mais pas avec tout le monde. Il semblerait quand même un peu que si, car vu le nombre de comédies américaines qui sont adaptées un peu partout, alors que les dramas sont quand même repris avec plus de méfiance (ou alors avec des transformations, comme Grey’s Anatomy qui est devenue la telenovela colombienne A Corazón Abierto), les séries américaines font rire toute la planète ou quasiment.
Finalement, si l’action de rire est universelle, peut-être que son déclencheur l’est tout autant ?