Le refuge

24 novembre 2011 à 13:44

Qu’on ouvre un journal, qu’on passe une semaine au boulot, ou simplement qu’on se retrouve en butte à l’un des mille problèmes bénins mais cumulatifs du quotidien, on a souvent l’impression que le monde nous éprouve sans cesse par une insupportable complexité. Les nouvelles sont mauvaises, les débats sont incendiaires, les préoccupations du quotidien vont gorger les rangs des multiples problèmes de société qui semblent s’entasser à l’infini. Le monde est tellement complexe. Il n’est ni noir ni blanc, mais il comporte tant et tant de niveaux de gris. Il s’y passe des choses douloureuses, ou incompréhensibles, ou simplement insolubles. Les gens s’opposent. Les valeurs sont inconciliables. Les idées s’ignorent mutuellement. Le monde est fichtrement gris et terne et désagréable.

Je ne connais pas de meilleur remède à ce genre de vague à l’âme qu’un bon épisode. Et aujourd’hui, je ne connais pas de meilleur remède que le pilote de The Café, qui a débuté hier à la télévision britannique. Ou quand un coup de coeur anglais remplace l’autre.

The Café est tout ce qu’on peut espérer de paisible, de serein, et de doux. Et de bleu.


Son personnage central, Sarah, passe le plus clair de l’épisode assise dans le café auquel le titre de la série fait bien évidemment référence, plus absorbée dans la contemplation de la jetée que dans ses écrits – mais c’est comme ça que ça marche. C’est là qu’elle regarde le temps et les gens passer. C’est là qu’elle échange quelques mots avec sa mère, qui tient l’endroit, et sa grand-mère, dont la fonction principale est de s’assurer que le fauteuil près de la baie vitrée ne parte pas avec la prochaine marée tout en tricotant Dieu sait quoi. C’est là qu’elle salue ses proches, les visages familiers de cette petite ville où elle est venue se ressourcer, dans une forme de complicité affectueuse mais simple qui la lie aux amis d’enfance, aux amis des parents, aux visages venus cent fois se faire fourguer un muffin un peu sec au fil des années.

The Café est le monde du connu. L’inconnu est loin ; les douleurs et les tristesses ont été refoulées hors du champs de vision ; les questions et les problèmes ont été boutés par-delà le point d’horizon. Le temps s’égrenne simplement, dans une sorte de naïveté méditative. On ne fait pas semblant de ne pas avoir de problème en jouant les insouciants ; on les a simplement éliminés du quotidien, du moins en grande partie parce que les affaires du café ne vont pas fort. Mais rien ne semble grave. Rien ne semble terrible. Rien ne semble réellement important si ce n’est ajouter filer des muffins un peu secs et regarder le vent fouetter la jetée en attendant que passe un visage connu, un visage aimé, souvent les deux.

Les trois protagonistes s’échangent quelques petites piques sans méchanceté, se taquinent, se questionnent, dans la rondeur de leur café en forme de bulle, seul sur la jetée, sans vraiment se soucier de rien.
Il n’y a pas plus zen que le pilote de The Café, avec ses personnages absorbés dans leur quotidien d’une perfection en apparence assez quelconque. On croirait presque que tout est simple, devant le pilote de The Café, que le bonheur est à un muffin un peu sec de là où nous nous trouvons. Que suivre des yeux le trajet du petit train touristique de la côte suffit à oublier tout ce qui pourrait nous rendre la vie un peu compliquée. Que le ressac va emmener avec lui toutes les petites mesquineries et les disputes. Qu’au prochain véhicule qui se stationnera de l’autre côté des baies vitrées, apparaitra forcément un visage avenant et bien intentionné.
The Café, avec ses scènes douces, tendres, légèrement amères ou drôles par moments, mais toujours caressantes, se pose comme un véritable refuge télévisuel pour tous ceux qui veulent échapper aux nuances de gris du monde. J’y ai déjà réservé une table.

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