Etrange obsession

29 août 2011 à 23:45

« Ah, ça recommence. Elle va nous parler de son obsession du moment. Encore. »
Comment, moi ? Essayer de vous convaincre de la délicatesse de Shinya Shokudou ? Oh non c’est mal me connaître alors.

L’obsession dont j’avais envie de parler ce soir, c’est plutôt celle des Américains pour les projets. C’est vraiment un truc que je retrouve dans très peu d’autres pays.

Pilot season. C’est là que tout commence. Des dizaines, des centaines de pilotes, même, sont proposés aux chaînes (et ce sont les seules fois où j’aimerais vraiment travailler pour une chaîne américaine, parce qu’un pilote, c’est quand même mon exercice de style préféré et que je pense presque sincèrement que je suis née pour regarder des pilotes toute ma vie, juste pour le plaisir d’avoir une chance d’avoir le coup de foudre pour une série sur la base de son seul pilote) qui là-dedans font le tri, et, c’est là que ça devient cruel, mettent définitivement au rebut tout ce qui ne les a pas intéressées. Et dés pilot season, quand les commandes de pilotes commencent à pleuvoir, on a de la news qui tombe sur les projets de séries, à base de concentré de pilote parce que pour l’instant il n’existe pas grand’chose d’autre.
Et plus les années passent, plus j’ai l’impression que les sites d’information sur les séries se captivent pour ça, aux USA et donc, par ricochet, en France. Chaque pitch est analysé, décortiqué, mesuré : ça me rappelle ça, oh j’aime bien le créateur de cette série (même si à ce stade ce n’est pas encore une série), et c’est super que tel acteur soit attaché au projet. Et ça continue pour ainsi dire toute l’année, avant qu’on en arrive au moment où, pour faire relâche, les chaînes nous disent quels pilotes auront la chance de devenir des séries. Et on est repartis pour un tour.

Je vais parler des pays que je connais plutôt bien.
Au Canada, ça se fait un peu. On ne répètera jamais assez combien le mimétisme de l’industrie télévisuelle canadienne est à la fois sa plus grande force et sa plus grande faiblesse pour exister.
En Australie… pas vraiment. La plupart des projets dont on entend parler sont en fait des séries déjà commandées. Parfois elles sont abandonnées, mais en général, elles vont jusqu’au bout même si ça doit se faire avec une commande d’épisodes vraiment minimale.
Même chose en Espagne où pour le moment je n’ai pas eu vent de projets, les annonces se font en général au moment où le tournage commence, et on connait bien souvent le nombre d’épisodes.
En Corée et au Japon, ça n’arrive quasiment pas.

Pourquoi ? Parce qu’il faut le reconnaître, le système du in-house est encore très présent. Quand c’est la chaîne qui commande, fait écrire, réalise et produit la série, c’est qu’elle est sûre de son projet. On n’en serait pas à annoncer une série si on éprouvait le moindre doute sur sa faisabilité, et d’ailleurs au moment de l’annonce, on sait de quoi parlera la série, qui va y participer (au moins un acteur ou un scénariste), et même la case de diffusion prévue. On ne communiquerait pas à moins.
Quitte à s’en mordre les doigts plus tard quand les audiences sont piteuses (ah le getsuku, cet été, c’est quelque chose…), mais au moins, une fois qu’on commence un truc, on va jusqu’au bout (ce que rappelle d’ailleurs un peu la politique du « zéro annulation »), donner c’est donner, reprendre c’est voler.

Car quelque part, au-delà des raisons liées au fonctionnement de l’industrie, où les productions en externe sont généralement rares, je crois que cette façon de procéder doit aussi à une sorte de respect des spectateurs, qui est sensible à divers degrés de l’industrie de l’entertainment.
Une chaîne asiatique ne va pas commencer à balancer des idées et se rétracter et dire que finalement le projet n’aboutira pas. Elle pourrait, finalement, se dire : tiens, quand on en est à lancer des idées, je vais lancer deux ou trois pitches aux spécialistes de l’information sur le divertissement, ça fera parler et ptet même qu’on testera un peu ce qui s’en dit. Mais elle ne le fait pas parce que, j’ai l’impression que proposer un pitch qui fait envie, et ensuite venir dire aux spectateurs, comme pour les narguer, qu’on fait machine arrière et qu’on a choisi un autre projet, ça ne s’imagine pas vraiment. Comme si une telle démarche sous-entendait de priver les spectateurs.

Alors forcément, les annonces de projet, au Japon, en fait, ça n’existe pas. Il faudrait dire « annonce vraiment très anticipée d’une série qui va, c’est sûr, se retrouver là l’an prochain, mais sur laquelle pour le moment on n’a que le pitch, ptet un acteur ou le scénariste, et la case de diffusion ». Par opposition à la série déjà bien avancée pour laquelle on peut organiser une conférence de presse, comme c’est quasi-systématiquement le cas à quelques semaines/jours de la diffusion du pilote.

Ils sont comme ça, les Asiatiques. Ils ne se permettraient pas de nous faire saliver pour rien.
Et parfois, quand je vois les pitches super qui n’aboutiront jamais, et les pitches pourris que les chaînes américaines vont quand même mettre en développement avant d’hésiter à les commander, je me dis que ça nous épargnerait quand même pas mal si les chaînes et les sociétés de production américaines communiquaient un peu moins sur les projets tant qu’on n’a pas dépassé le stade du pilote. Post-upfronts, je comprends. Avant, ça relève parfois du sadisme. Il suffit de voir les déboires de séries comme Poseidon pour en prendre la mesure.

Tiens, pour la peine, une photo du tournage de la nouvelle version de Poseidon (on y reviendra). Parce qu’après avoir failli être annulés et avoir changé de diffuseur trois fois, on a bien le droit de déconner un peu, nan mais.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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