Piège en haute mer

30 juillet 2011 à 23:02


Imaginez un bateau en pleine mer, des caméras partout, et des inconnus qui se réveillent pour apprendre que leur vie est en jeu tant qu’ils n’auront pas reconnu le crime dont un narrateur invisible les accuse d’être coupables. Non, ce n’est pas la saison 2 de Persons Unknown, mais le pitch de Piece Vote, une petite série que NTV nous a sortie d’un chapeau en cette saison pour l’instant plutôt décevante. Les amis, les choses commencent doucement à s’arranger. Un peu.

Pour être tout-à-fait sincère, je ne serais pas surprise d’apprendre qu’on trouve à la réalisation de Piece Vote les coupables de Clone Baby. Coupables est un peu dur, car comme vous le savez, Clone Baby n’était pas si mauvaise du point de vue de la réalisation, c’était même son seul point fort ; quoique… disons qu’il y avait des idées, pas forcément le budget pour les faire aboutir. Mais en tous cas le principe était de ne pas se reposer sur ses lauriers, d’essayer de chambouler un peu les habitudes de la plupart des dorama, et au final, Clone Baby y avait à peu près réussi du point de vue de la réalisation (…hélas, seulement de celui-là). Ici on retrouve un certain nombre de points de détail qui prouvent qu’on veut dépasser les codes (souvent plan-plan) du dorama classique, et essayer d’innover ne serait-ce que par petites touches. La séquence de fin, qui montre les réactions des internautes, est à ce titre démonstrative et fait son petit effet, notamment de par le choix subtil mais qui pourtant change tout du chuchotement. Dans une moindre mesure, l’étrange scène de club du début, que ne renierait probablement pas Lynch, montre à la fois qu’il n’y a pas de budget, mais aussi et surtout qu’on a envie de se donner du mal avec ce qu’on a. Et d’ailleurs avec son format d’une demi-heure, son envie de raconter quelque chose de profondément différent, et ses dialogues alambiqués, Piece Vote a plus d’un lien avec Clone Baby. Vraiment, faudra que je creuse cette parenté.

Le gros inconvénient de Clone Baby résidait dans son écriture. Dans le pilote de Piece Vote, on échappe à peu près à ça, et c’est une bonne nouvelle. Comme on est en plein dans l’épisode d’exposition, tout est très décomposé, très lent, du genre compréhensible par un enfant de trois ans, ce qui n’est pas vraiment un tort pour un pilote à condition que ça ne se prolonge pas. Sur un épisode d’une demi-heure, quand la capture du « héros » prend la moitié de l’épisode, on est en droit de se demander ce qu’il se passe. Ok, ok, épisode d’exposition, admettons, mais attention quand même.

Mais on n’est pas totalement pris pour des imbéciles et ça fait plaisir.
Par exemple, le personnage mystérieux qui va de toute évidence capturer le héros n’est pas si mystérieux que ça, par exemple, et ça n’aide pas que l’acteur soit über-connu pour sa looooongue liste d’apparitions à la télévision. Du coup, on le repère assez rapidement quand il se déguise grossièrement plus tard dans l’épisode, et si les personnages semblent totalement abrutis (ils ont l’excuse d’avoir été drogués avant d’arriver, mais quand même), on ne part pas du principe que le spectateur l’est aussi, et le traitement du personnage étrange, s’il n’est guère approfondi, est au moins logique. C’est à ce genre de détails qu’on voit que Piece Vote se donne du mal pour essayer de ménager la chèvre et le chou, tentant de compenser ses faiblesses sans les camoufler vu qu’elle n’en a pas les moyens. Reste à savoir si sur le long terme ça fonctionnera parce que ça reste un travail d’équilibriste un peu risqué.


En tous cas le concept est bon. Et ça compte quand même beaucoup. Et ce qui compte encore plus c’est que le scénariste a l’air d’avoir une idée assez claire de ce qu’il veut en faire, ce qui est toujours plus facile dans un dorama à durée limitée, je vous l’accorde, mais des fois on sait jamais. On a déjà vu des dorama maltraiter leur concept de départ même en ayant le temps d’en faire quelque chose de bien, hein.
Donc à la base, l’idée est donc de faire en sorte que les inconnus « criminels » se retrouvent tous dans un jeu malsain, et le jeu malsain commence en fait plus rapidement que je ne l’aurais imaginé, avec un twist délectable : le contenu de la fameuse « boîte de Pandore » qu’ils doivent ouvrir dans le pilote. Là comme ça j’ai l’air de parler par énigmes mais j’ai pas trop envie de vous spoiler, sachez simplement que c’est une idée très sympa qui apporte du piquant à l’idée de départ et laisse augurer du meilleur pour nos « prisonniers ». La façon de bien traiter le concept est aussi de ne pas juste dire « ok, il va falloir deviner quel est le crime » mais de nous donner une sorte de clé pour ça, le fameux numéro, et j’avoue que ça pique encore plus ma curiosité.

Le pilote est loin d’être parfait, pourtant. Outre l’extrême indigence du budget, on a un VRAI problème de casting. Des acteurs mauvais yen a partout, mais malgré toute l’affection que je porte aux séries nippones, les mauvais acteurs asiatiques, ce sont les pires. Alors avec un bon pitch, c’est encore plus douloureux d’assister au gâchis. Je veux dire, bon, qu’on ne soit pas sorti de Julliard, admettons, tout le monde n’est pas armé pour l’excellence ; et pour prendre un exemple qu’on a déjà évoqué, Yukie Nakama ou Aya Ueto ne sont peut-être pas des pointures, mais entre de bonnes mains, elles ont leurs moments, on peut pousser un peu le moteur et voir qu’il y a un petit quelque chose sous le capot. Eh bien là, vous voyez, ces acteurs-là, même pas ils méritent la prime à la casse, et Jinnai Takanori a beau se démener comme un diable, c’est quand même pas génial, tout ça. Gros, gros défaut de la série, à plus forte raison parce que quand on organise un huis clos comme celui-là, et qu’en plus on n’a pas de pognon, il faut un cast en béton armé pour compenser, et là, force est de constater qu’on ne l’a pas. Du tout. Mais alors… du tout. Et ça c’est quand même un putain de problème.

Dernier bémol mais alors c’est très mineur, pour lequel je remets ma casquette (évidemment violette) de rédactrice sur Jmusic : qui est le demeuré qui a embauché Kumi Kouda pour le générique de fin ? Et sur cette chanson précisément, en plus ? Parce qu’elle en a faites quelques unes par le passé qui auraient pu concorder, mais celle-là, pas du tout. Alors je sais, la Kuu, c’est un gros coup pour NTV qui n’en espérait sûrement pas tant pour une petite série méconnue en nocturne, mais bon, c’est pas DU TOUT la bonne ambiance, cette chanson.

Mais bon, globalement, en faisant abstraction de ci et de ça, le budget, le cast pas finaud (le second ayant de fortes chances d’être la conséquence du premier, à la décharge de la prod), les dialogues pas fulgurants… on a quand même une très bonne idée qui semble partie pour être très bien exploitée du point de vue de la progression de l’histoire et de la narration. Donc je dis oui. Si vous êtes du genre patients, c’est plus que jouables. Et comme je me goinfre méchamment de Friday Night Lights en parallèle, j’ai ce qu’il faut du côté de l’excellence, je peux tout-à-fait m’octroyer une demi-heure plus vacillante par semaine au nom d’un bon concept. Complètement jouable.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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