T’ar ta gueule à la récré

15 juillet 2011 à 2:16

Ca faisait longtemps que je n’avais pas vu quelque chose d’autant original, impertinent et futé que The Yard, la série canadienne qui a démarré il y a peu sur le réseau de HBO Canada.

Rares sont les séries à parler des pré-ados avec intelligence, de nos jours, sans leur infliger de se plonger dans un bain de couleurs flashys ou les gaver de rêves de gloire à la chaîne. The Yard est l’exception qui confirme la règle, pour la bonne raison qu’elle ne leur est pas adressée. Mais rien ne les empêche de se ruer dessus, naturellement.

Le pilote de The Yard se présente comme une série sur les gangs, à la notable différence que son contexte n’a rien à voir avec Emerald City, mais plutôt avec la cour de récré que nous avons tous plus ou moins connue. Les personnages s’y comportent à la fois comme des racailles et comme des enfants, mais sans jamais tomber dans la caricature ni de l’un ni de l’autre. Je vous rassure, on n’a pas ici de gamin qui vendent de la coke et se comportent comme les terreurs qu’on nous dépeint occasionnellement quand on veut qu’on ait peur de la nouvelle génération de gosses, mais des gosses qui, à leur niveau, tentent de garder le contrôle de leur univers à leur façon.

Ainsi, dans ce mockumentary (qui, pour une fois, ne m’a pas semblé indigeste), le héros est Nick, une jeune garçon qui gère la cour de recré comme un chef avisé, avec sa petite bande constituée de son meilleur ami Johnny, convaincu d’être magicien, ses frères JJ l’intello et Adam le gamin, et enfin Suzi, une fille qui estime qu’il n’existe aucun problème qu’on ne puisse résoudre par la violence. Il use de son influence pour veiller à ce que tout se passe bien, sachant que les besoins fondamentaux des élèves pendant la récré sont de pouvoir jouer et manger leur goûter.
Il y a bien-sûr une bande rivale, celle de Frankie et ses balourds de frères Porkchop et Micky. Par un accord plus ou moins tacite, Frankie et les siens dirigent la cafétaria, à l’intérieur de laquelle ils peuvent faire la loi ; mais la cour de recré appartient à Nick et sa bande. Sauf que bien-sûr, cela ne va pas sans quelques luttes de territoire et d’influence.

De prime abord, The Yard dresse donc des portraits attachants de gamins qui sont à la croisée de deux mondes, quand on n’a pas encore une vision totalement réaliste des choses mais qu’on n’est quand même pas tombé de la dernière plue. Quand les choses en apparence si anodines pour les adultes commencent à prendre de l’importance. Les dialogues sont à l’avenant : ils sont truffés de grossièretés mais en même temps témoignent d’un regard encore très enfantin sur les choses qui constituent l’univers des personnages.

Mais surtout, The Yard fonctionne comme une impeccable caricature du monde adulte (au corps défendant de ses héros). Ce premier épisode nous familiarise avec l’économie de la cour de recré, basée exclusivement sur l’échange de cartes à jouer. Mais cela prend des proportions épiques lorsque les explications de Nick et sa bande sur le fonctionnement de ce système commencent étrangement à rappeler le fonctionnement du capitalisme à part entière. Tout y est : comment le système s’est installé dans la cour de recré, comment il régule la micro-société (la fille populaire sort avec l’ex-nerd devenu richissime), et on a même droit à une savoureuse liste de tarifs pour divers objets de première nécessité. Mieux encore, nos protagonistes vont, sans le comprendre ni le nommer, recréer des effets de spéculation sur le marché de la carte à jouer, qui vont prendre un tour tragi-comique avant la fin de l’épisode, taclant au passage Hannah Montana.

C’est pas que je cherche absolument à vous vendre cette série. Mais je me sens obligée d’ajouter que la B.O. est impeccablement calibrée pour apporter un peu des deux univers (enfantin et adulte) à l’ambiance de la série, et visuellement, on est dans le même genre d’équilibre.
Mais surtout, le cast est très bon. La comédie, c’est vraiment un genre difficile pour des enfants qui ont soit du mal à conserver leur sérieux (d’un autre côté, même les adultes de That 70s Show n’y sont pas souvent parvenus…), et la dramédie plus encore. Mais ici, les acteurs sont hilarants sans rien en laisser paraitre, ce qui est parfait ; même les rôles les plus secondaires deviennent un régal dans les mains de ces petits bonhommes, comme celui d’Ashok.

Qui plus est, là où le mockumentary pourrait être lourd, il donne un éclairage équilibré et hilarant sur l’intrigue. Bien-sûr, il faudra voir comment ça fonctionnera avec le temps, car c’est forcément plus appréciable dans un épisode d’exposition, mais pour le moment le résultat est sans reproche.

Alors, bon. Je ne voudrais pas insister, je m’en voudrais de me montrer trop pressante. Mais c’est excellent. Vraiment, vraiment brillant. Et je dis pas ça souvent. Bon d’accord, je l’ai dit récemment pour Roseanne mais dans un tout autre registre. Non, attendez, je ne l’ai même pas dit comme ça pour Roseanne. Donc je persiste : The Yard est absolument brillant. Si vous voulez vous targuer d’être un peu téléphagiquement cultivé, il faut au moins avoir vu le pilote.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

15 commentaires

  1. whisperintherain dit :

    J’achète !

    Voilà, tu peux encore être fière de toi… il t’aura suffi de quelques lignes pour me convaincre de découvrir cette série qui semble poser un regard à la fois tendre et réaliste sur les enfants d’aujourd’hui, à mille lieues des gamines écolières le jour et rock star la nuit. Je n’en avais pas entendu parler, aussi je te remercie et c’est promis, je fonce chez mon crémier dès que je rentre chez moi dimanche.

  2. Kusa dit :

    Ah mais non!! Je suis en vacances et on me propose de retourner dans la cour de récré!! Et en piquant mon intérêt en plus… tu m’as eu avec l’échange de cartes à jouer (je vais p’têt ap^prendre à gérer ce problème là… oui, quand on est instit, on est bizarrement l’office de régulation du marché… mais un peu comme si le FMI et l’OMC était sollicité sans avec le code en main XD)

    Je vais beaucoup t’en vouloir, je le sens dans mon emploi du temps chargé… ^^

  3. ladyteruki dit :

    Oh, Kusa, je t’assure que ce n’est pas The Yard qui va empiéter sur ton emploi du temps : il n’y a que 8 épisodes de commandés. Ça ira donc (hélas) vite !

  4. LL dit :

    Le pilot puis le second épisode, sinon c’est pas normal (et sauf le 3 pas encore sorti alors ?).

    C’était génial, j’étais partie pour me faire les 8 d’un coup ! The Wire en plus drôle, Prison Break en plus touchant ou alors Casimir en plus adulte, va savoir.

    En tout cas, j’ai bien rigolé (ah la scène ou on leur demande si ils savent comment on fait les bébés et Cory qui répond que sa maman a fait pipi sur un bâton qui a changé de couleur et hop, un bébé !). Les petits acteurs sont tous touchants et très drôles et même si les situations ou l’essence même des personnages sont un peu grossis, ça fait vrai parce que ça reflète des choses que l’on connait.

    Le décalage enfant/adulte est à mourir de rire, la Bo est d’enfer et les voir si sérieux, moi ça me fait fondre (dédicace à Adam et Cory). Une vraie crise de rire aussi pour la description de Susi et pourquoi elle se pense intouchable…

    Excellent concept qui ne se casse pas la gueule, maitrisé du début à la fin et drôlement bien réalisé… Merci pour la découverte Madame

  5. ladyteruki dit :

    Mais de rien, tout le plaisir est pour moi. ^_^ C’est vrai que Cory est craquant avec ses grands yeux bleus et ses histoires de déjeuner à la con XD
    Je crois que le plus appréciable, c’est les métaphores du monde adulte, et tu vas voir, le 3e épisode est génial pour ça !

  6. LL dit :

    Raaah je confirme il était bon aussi (il me fait rire aussi le JJ)! Quel match de foot xD Et au final, quelle fin, pleine de morale^^ No need to play dirty !

    Ce que j’aime beaucoup surtout, c’est l’absence d’adulte, à part la VO du réalisateur. Quand NIck lui pose la questiond e savoir si il comprend les filles, même lui au final, ne sait pas quoi répondre ! Bon ben vivement le 4 !

  7. ladyteruki dit :

    J’ai eu l’impression que pour « expliquer » l’absence d’adultes, la série utilisation les divers plans sur les caméras qui filment la cour. Genre « ils ne sont pas livrés à eux-mêmes, mais cet univers n’est que le leur », tu vois ce que je veux dire ?

  8. LL dit :

    Tootafé et je partage l’avis. Reste que ça m’a fait bizarre (dans l’épisode 3) de voir une « grande » arbitrer le match xD

  9. whisperintherain dit :

    Merci lady !

    Chose promise, chose due. J’ai filé tout droit à la crèmerie en rentrant de week-end hier soir pour faire une descente au rayon The Yard. Résultat : je viens tout juste de terminer le troisième épisode et j’en redemande ! C’est drôle, touchant et rythmé, ça ne nous présente pas les enfants comme des demeurés et ça montre bien qu’il n’y a pas d’âge pour se poser des questions sans réponse (mon pauvre Nick, j’ai trois fois ton âge, j’ai toujours pas compris les filles XD ).

    Tous les acteurs sont adorables, Quintin Colantoni – qui ressemble comme deux gouttes d’eau à son papa – le premier.

    Encore une fois merci lady de t’être décarcassée telle le marchand d’épices moustachu d’une célèbre publicité pour nous faire découvrir les saveurs insoupçonnées de ce délice téléphagique qui se mange sans faim.

  10. amy dit :

    Oh Lady merci pour cette découverte!! j’ai vu les 3épisodes hier soir mon dieu que c’est drôle, touchant, réaliste, intelligent, pas moralisateur ça me rappelle un peu « la cour de récré » yep j’ai des références de ouf ^^ sinon je suis sous le charme ils sont forts ces canadiens!! Je veux l’épisode 4 i need my Adam fix

  11. ladyteruki dit :

    Quelle belle unanimité ! Je suis ravie que la série vous plaise ^_^ Quand on peut aider à faire connaître une bonne série, ça fait toujours plaisir que les gens attrapent la perche.

    Je rejoins whisperintherain : le petit Colantoni, c’est son père, avec des cheveux. Le même. Et ce, même dans le jeu, les expressions, le phrasé, tout. C’est fou.

    Ça donnerait presque des regrets de ne pas faire de review épisode par épisode, dites donc. On se donne RDV ici après le 4e épisode ?

  12. LL dit :

    Deal !! J’ai pas les dates de diffusion mais j’essaierai de les retrouver !

  13. ladyteruki dit :

    C’est le vendredi soir. C’est quand même assez rare qu’une série démarre un jour et change de case après, ça relève plus de l’exception que d’autre chose.

    DONC : rendez-vous le weekend prochain !

  14. Watcher dit :

    Ca y est, vu les deux premiers épisodes. J’ai bien aimé globalement, pour les mêmes raisons, même si d’un autre côté, je trouve que l’écriture est presque trop sensible (dans l’épisode 1, par exemple, le parallèle avec le capitalisme…), c’est difficile à expliquer comme impression donc je sais pas si je me fais comprendre ^^ (peut-être qu’une écriture trop sensible donne l’impression de vouloir dire quelque chose et rend l’histoire moins vraie, voilà).
    Je continue et je suis bien contente de cette découverte en tout cas !

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