Parfois, les arguments qu’on m’oppose contre les dorama nippons, c’est l’excentricité de leur pitch : le fils du roi des démons qui débarque dans notre monde avec ses copains, une petite famille qui vit avec un chien qui parle, ou un jeune homme dont le sexe libère des billes de couleur… je reconnais qu’il y a des bizarreries qui de premier abord (voire plus) semblent trop allumées pour le spectateur occidental.
Toutefois, je vais vous dire pourquoi ces arguments n’ont aucune valeur à mes yeux pour dénigrer la production japonaise : parce qu’à côté de ça, aux States, il y a des pitches tout aussi ridicules.
La preuve par l’exemple avec The Nine Lives of Chloe King.
Je vous résume le concept : une adolescente apprend qu’elle est en réalité un chat. Vous m’avez bien lue : UN CHAT. Absolument. Un putain de chat. Avec les griffes, le sens de l’équilibre, l’ouïe fine, un chat quoi. Bon alors, pas entièrement parce que sinon ça coûterait cher en effet spéciaux, donc un chat humanoïde, une race un peu à part de… nan mais, un chat quand même.
Et donc, une adolescente. Pour ne rien arranger. Alors déjà un chat c’est retors à la base, mais en plus un chat adolescent…
L’an dernier, Huge nous avait redonné confiance en ABC Family. Mais là ? Là, non. Tout espoir est dissipé.
Comme si les questionnements merdiques de l’adolescence ne suffisaient pas (« hiiiii j’ai rencontré un mec trop choupi et je l’ai embrassé ! »), on a une héroïne qui est… un chat. Je m’en remets pas vraiment, je vous l’avoue. Pourtant des chats j’en ai deux, j’ai rien contre les félidés à la base. Mais une héroïne qui est un chat, et puis quoi encore ?
Donc quand il ne s’agit pas pour son personnage central de tomber en pâmoison devant tout ce qui porte un pantalon ou presque, The Nine Lives of Chloe King nous dévoile une structure qui ressemble à s’y méprendre à celle de Lost Girl, en cela qu’il s’agit avant tout d’avoir l’air badass tout en déclamant plein de petites piques à peu près marrantes. Et si l’interprète a effectivement l’air plus avenante que l’autre renfrognée de succube, ne vous y trompez pas : l’idée est la même.
D’ailleurs, on va vite apprendre, par exemple dans ce paragraphe plein de spoilers, que si Chloe King embrasse un humain, elle peut lui abimer méchamment la santé, un peu comme quand Bo ne peut toucher personne sinon elle aspire de l’énergie. Et on est à mille lieues de tout ce qui pourrait de près ou de loin ressembler à Pushing Daisies, non, le concept, c’est juste d’isoler le personnage par un artifice quelconque qui va le handicaper, parce que comme c’est une adolescente, les garçons c’est forcément sa kryptonite, et que si on la prive de ça à 16 ans, malheur de malheur, elle sera triste et malheureuse comme les pierres (mais par contre la série sera diffusable sur ABC Family, eh, on n’a rien sans rien). C’est parce que comme ça, Chloe sera seule face aux embrouillaminis qui l’attendent entre les gentils chats (oui, ya pas qu’elle) et les méchants qui veulent les exterminer (sont-ce des chiens ou simplement la fourrière, on ne sait pas encore trop).
C’est le sens de la dramatisation dans The Nine Lives of Chloe King, vous voyez le niveau.
Mais contrairement à Lost Girl qui nous présente une héroïne qui sait déjà se servir de ses pouvoirs, Chloe, elle, les découvre dans le pilote. C’est fascinant cette propension qu’ont les superpouvoirs à toujours se déclarer à une date anniversaire, puisqu’on en parle, m’enfin.
Donc en prime on a des scènes lourdingues sur « oh mon Dieu mais comment elle a fait ça ?! », qui émaillent tout le pilote comme si on était demeurés et qu’on n’avait pas compris dés le pseudo-générique (au bout d’1mn30, donc, quand le titre « the NINE LIVES of Chloe King » et la pupille féline sont apparus à l’écran) quelle pouvait bien être la nature de Chloe.
PS : eh les gars, ya des trucs qui s’appellent des synopsis, et, hormis les cas désespérés comme moi qui regardent TOUS les pilotes, il y a des chances que, si quelqu’un s’aventure devant celui-là, il en connaisse déjà le pitch, arrêtez de nous prendre pour des teubés.
Donc ça donne une pléiade de scènes du genre : Chloe peut entendre de la musique qu’on n’entend pas (c’est un truc à niquer le business d’Apple ça), Chloe peut marcher en équilibre sur le dossier d’un banc (in yo face, le Cirque du Soleil !), Chloe peut même… COURIR ! Elle découvre ça à 16 ans avant de réaliser qu’elle peut passer par-dessus… tenez-vous bien… une caisse en bois ! SI ! Ca vous en bouche un coin, hein ? Pis faut voir avec quelle tête d’illuminée. Qu’est-ce qu’il y a, elle a séché les cours d’EPS jusque là ou quoi ?
The Nine Lives of Chloe King, on l’a dit, se préoccupe d’une adolescente, et pour cette raison on a droit à la panoplie complète de toute comédie adolescente qui se respecte (mais tient le QI de son public en faible estime), genre, disons, allez, n’importe quelle série Disney. Donc on a la gentille maman (mais qui est un peu cachottière parce qu’on va pas se priver de quelques scènes de conflit ultérieures), la copine faire-valoir exubérante qu’il faut mettre au déca, le copain faire-valoir qui sert de caution comique/ridicule pour que l’héroïne ait l’air cool, et même l’enjeu-masculin-qu’on-sait-qu’elle-peut-pas-avoir-mais-qu’elle-passera-quand-même-toute-la-saison-a-essayer-d’avoir-des-fois-que-l’amour-soit-plus-fort-que-tout, la totale, je vous dis. Remplacez Chloe King par Tori Vega et c’est la même.
Alors à votre avis, The Nine Lives of Chloe King, j’ai aimé, ou pas ? Suspense, angoisse, mystère…
Je sais oh, je sais bien, je ne suis pas dans la cible, c’est normal que ça me plaise pas. Mais quand même, c’est trop demander que de vouloir un peu plus que ça ? Enfin bon, au moins, maintenant, vous savez : vous n’avez plus d’excuse pour faire de généralisations stupides. C’est déjà ça de gagné.