Dans mes petits papiers

22 avril 2011 à 0:48

Il y a parfois une forme de malhonnêteté qui s’instaure quand on rédige des news sur une série, et que par ailleurs, on a vu ladite série. C’est mon dilemme du moment alors qu’à peu près chaque jour, il sort une nouvelle info sur Paper Giants: The Birth of Cleo (que par pitié pour mes tags, je vais me contenter d’appeler Paper Giants à partir de là). Je suis bien obligée de rapporter que la critique est dithyrambique, mais il me faut avouer que je ne suis pas totalement d’accord.
Car si la mini-série d’ABC1 est très solide, elle n’est pas non plus à tomber par terre.


Alors, bon, commençons pas le plus désagréable : j’en profite pour expliquer tout de suite que, plus important encore, si Asher Keddie, qui y tient le rôle principal d’Ita Buttrose, n’est pas non plus mauvaise, elle est franchement loin de m’avoir tiré le moindre juron d’admiration, alors que les critiques australiens semblent surkiffer sa prestation. Vraiment, ya pas de quoi. C’est typiquement le genre de cas où on confond la qualité de la série avec la qualité de l’actrice, j’ai l’impression (un cas moins rare qu’il n’y parait).
Complètement focalisée sur la partie « portrait » qui lui incombait (en même temps, pas facile d’interpréter quelqu’un avec qui on n’a même pas 30 ans d’écart et qu’on a rencontré), travaillant visiblement énormément sur le zozotement, les tics faciaux et autres marques de fabrique qui donnent du réalisme au personnage, Asher met complètement de côté… vous allez voir c’est tout bête… l’interprétation. On la sent tellement concentrée qu’on ne ressent aucune émotion. Ita est fatiguée ? Ouais, bon, c’est pas grave. Ita a des problèmes de couple parce qu’elle consacre trop de temps à Cleo ? Ouais, bon, elle va survivre. Le visage impassible, l’actrice se contente de prendre son front impeccablement lisse dans ses mains, ou de garder le regard fixe, et on est censés comprendre qu’Ita est au bord de la crise de nerfs mais que c’est une battante et qu’elle va surmonter l’adversité. Désolée, c’est un peu court. Je veux bien qu’Ita ne pleure pas, ne se laisse jamais abattre et continue de bosser quoi qu’il arrive, mais pas sans une petite émotion, quand même.
Voilà, considérez que j’ai commencé par le plus négatif, mais c’est vraiment douloureux pour moi de tomber sur les reviews qui chantent les louanges de Keddie quand celle-ci offre un travail franchement rigide (mais j’ai si peu regardé Offspring que ça se trouve, elle est tout le temps comme ça), et d’autant plus dommageable qu’elle occupe 90% du temps d’antenne de la série, quand même.

Ok, j’arrête.
Parce qu’en définitive c’est le SEUL défaut de Paper Giants.


J’ai d’ailleurs trouvé la prestation de Rob Carlton, qui interprète Kerry Packer, bien plus impressionnante. Dans le genre intériorisé aussi, mais incroyablement réussi, au point que quand le scénario explicite, vers la fin du second épisode, la relation de Packer à son père, on trouve presque que c’est trop tant Carlton avait tout su exprimer sans rien dire. Car le personnage de Kerry Packer est de ces grands muets qui agissent plus qu’ils ne parlent. Et d’ailleurs, quand il s’exprime, Packer ne parle pas, il hurle. C’est un peu le chaud et le froid avec lui, et on sent bien que ce n’est pas tout à fait de la colère, mais qu’il y a un problème de maîtrise, et que les employés de sa publication en font les frais, sans pour autant le détester, juste le craindre. Personnage à la fois antipathique en apparence, et profondément attendrissant quand on prend le temps de l’observer au calme, Kerry Packer est une force vive de la mini-série, et certainement celui qui a le plus fait pour Cleo (j’irai jusqu’à dire qu’Ita a sans doute moins donné pour ce magazine que lui).

Car l’histoire du magazine Cleo est de ces épopées comme on n’en fait plus, dans un monde où aujourd’hui, derrière le produit, il y a de moins en moins de convictions. Ita Buttrose se voit confier par Franck Packer (père de Kerry, et à la tête d’un puissant groupe de presse australien, ACP, pour Australian Consolidated Press) un projet pourtant simple : installer la franchise Cosmopolitan en Australie. Malheureusement, l’accord tombe rapidement, Cosmopolitan décidant qu’il n’y a pas besoin d’ACP pour cela, et ainsi nait Cleo, portée par Buttrose et Packer fils, qui tentent d’innover en matière de presse féminine tout en prenant Cosmopolitan de vitesse, ceci contre les incessantes barrière qu’érige Packer père, un esprit conservateur tant en presse que pour la place de la femme. Ita Buttrose et Kerry Packer vont donc porter Cleo à bout de bras pour réussir à en faire le magazine qu’ils veulent vraiment, soulignant combien le combat pour l’indépendance de Cleo est similaire à celui des femmes.

Car c’est inévitablement de féminisme dont il est question ici. Entre le magazine pour femmes qui chercher à exister par lui-même, sa rédactrice en chef Ita qui tente de résoudre l’équation travail/famille, et les problématiques abordées par le magazine lui-même, on est en plein dedans. A cela vient s’ajouter le parcours de Leslie, la secrétaire d’Ita, une jeune femme venue des quartiers populaires qui va lentement se prendre en main et se révéler à elle-même, pour assumer ses envies, ses choix et ses décisions. Tant de parcours mis en parallèle en 3h ne pouvaient passer inaperçus.

Pour aborder les sujets de société, Paper Giants emploie des procédés assez classiques, mais réussis, en piochant dans les archives tant du magazine que de la télévision. Couvrant 3 années, la mini-série parvient à parler pourtant des couvertures de Cleo, des publicités à la télévision, de sortir des extraits des journaux télévisés sur les évènements politiques et même d’effleurer la guerre du Vietnam.

Hein ? Vietnam ? En Australie ? Eh oui, comme vous dites, ça fait un peu bizarre, tant la guerre du Vietnam est assimilée dans nos esprits à l’histoire américaine. En réalité elle a préoccupé les Australiens aussi (déjà pour des raisons de proximité géographique).
Et c’est un peu là le véritable défi pour le spectateur français (ici une spectatrice). Devant Malenfant, je m’étais aperçue que j’étais peu au fait de l’histoire québécoise ; en comparaison, ce n’était rien. Car Paper Giants s’inscrit tellement dans l’histoire australienne qu’on prend vraiment la mesure de notre ignorance en matière d’histoire étrangère. Vous vous rappelez quand, au collège et au lycée, vous aviez l’impression de devoir apprendre des trucs sur tous les pays de la planète ? Ce n’était qu’une impression. On ne sait rien, on ne nous apprend rien, j’en ai la conviction aujourd’hui après avoir ressenti une telle absence de référence devant les allusions au contexte politique et social de l’époque. Pas la moindre idée de ce qui a bien pu se passer en Australie pendant cette décennie. C’était vraiment un choc parce qu’on est tellement imbibés d’histoire américaine qu’on n’imagine pas un instant être autant dans le flou lorsqu’il s’agit d’un pays anglophone ; comparativement j’aurais trouvé plus normal d’être perdue devant une série mexicaine sur la même époque. Et ce faisant, elle décida de vérifier s’il existait une série mexicaine sur la même époque.

Ce n’est que l’une des nombreuses dimensions qui font vraiment réfléchir devant Paper Giants. Une série qui n’est pas faite pour les femmes, mais qui devrait, assurément, motiver chez ces dernières quelques interrogations de plus que chez les spectateurs masculins, cependant. J’ai par ailleurs été rassurée de voir que, contrairement à ce qu’annonçaient certains sites parlant de la mini-série avant sa diffusion, l’aspect « mode » a été à peine effleuré, au lieu de constituer un aspect lourdingue. Pour autant, les tenues d’Asher Keddie sont superbes et elle est impeccablement maquillée et coiffée, avec un soucis du détail qui fait honneur à son styliste. Mais c’est sans surcharge, et sans jamais prendre le pas sur l’intrigue, ni diminuer les efforts de celle-ci pour être sérieuse.


Dans l’ensemble, Paper Giants est une excellente production, à défaut d’être vertigineusement parfaite. Et c’est un engouement sincère que j’ai ressenti en début de semaine, bien qu’un peu tiédi, vous l’aurez compris, par la prestation de Keddie. Menée tambour battant, cette chronique multidimensionnelle est captivante, et personnellement je comprends tout-à-fait qu’on en veuille plus. Ce n’est pas assez long, j’aurais aimé suivre plus longtemps Ita ou Kerry (surtout Kerry, à vrai dire), et si on en croit les dernières news, Nine et ABC1 sont toutes les deux sur le coup, donc c’est à surveiller dans un an environ. Le projet de Nine se basant plus sur la carrière de Kerry Packer, j’espère qu’ils garderont Rob Carlton, mais dans tous les cas, l’épopée est intéressante.
Mais pour en revenir à Paper Giants (ne mettons pas la charrue avant les boeufs), cette mini-série devrait à bien des égards susciter l’intérêt des téléphages curieux. Allez quoi, ce sont seulement trois petites heures de découvertes que je vous encourage à faire. Pour une série historique, en plus. Je suis sûre que quelques uns parmi vous gagneraient à s’y pencher, tels que je vous connais.
Sauf ceux qui commentent pas parce qu’eux, je peux rien leur recommander, je sais pas ce qu’ils aiment. Exprimez-vous, les gens.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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