Nature morte

15 avril 2011 à 23:38

Dans The SeriesLive Show, ce soir, on vous parle en fin d’émission de Forbrydelsen et de The Killing.
« Quoi ? Qu’est-ce qu’elle raconte ? »
FOR.BRY.DEL.SEN. Comme ça se prononce. Ne vous faites pas passer pour plus bêtes que vous ne l’êtes, je sais ce que vous valez.

Mettre en parallèle deux pilotes, ici l’original et son remake, c’est une première dans ce podcast. Et pour que vous puissiez suivre notre conversation, j’ai pensé que, tout simplement, je pourrais vous en faire un post La preuve par trois. Vous savez, les post La preuve par trois ? Ceux qui, quand on pense bien à cliquer sur toutes les images du post, vous récompensent pour votre obstination !
Mais comme dans l’émission, on a plutôt mis l’accent sur les différences entre les deux pilotes, je me suis dit que j’allais plutôt vous parler de ce qui lie les deux séries, de ce qu’elles ont fondamentalement en commun. Comme ça, l’écoute du podcast vous sera complémentaire, et non une redite à mon humble post du vendredi.
Pis de toute façon, faire un post comparatif sur deux séries, je n’aurais pas su le faire aussi bien que freescully.

Bienvenue dans un monde de silence. La nature occupe une grande place au début de ce pilote, avec des plans d’une vertigineuse sobriété, mais profondément belles, tandis que la police s’active pour retrouver la victime, Nanna/Rosie. On ignore si l’adolescente est encore en vie, mais sa disparition nous conduit à fouiller des endroits désertiques, loin du béton de la grande ville. On notera comment le même lieu peut d’ailleurs, selon qu’on y suive une gamine terrifiée ou qu’on accompagne les fouilles méticuleuses de la police, revêtir une apparence aussi bien angoissante que nonchalante.
Le cadre de Forbrydelsen/The Killing est aussi celui-là, avec sa nature imperturbable, presque vierge. Il participe énormément à l’ambiance de la série bien que la plupart des scènes s’en éloignent, conférant une atmosphère toute particulière à cet univers.

Notre enquêtrice Sarah Lund/Linden est un personnage atypique. C’est un « chic type », en fait, dans le fond. Il ne s’agit pas d’une créature froide et cérébrale comme tant d’enquêteurs l’ont été ces dernières années. Capable de plaisanter comme d’aborder avec sérieux et concentration ses difficiles attributions, elle arrive au contraire à nous être sympathique, mais sans jamais tomber dans la caricature de la nana pour qui on ressent de l’empathie. Si elle n’est pas quelqu’un d’émotif, on sent que beaucoup de choses sont intériorisées ; les différents plans sur son regard, alors qu’elle réfléchit, nous invitent au contraire à entrer dans sa tête, pour y découvrir quelqu’un de sain, d’équilibré, qui n’est jamais dans l’excès d’émotion ou de froideur. Le fait qu’elle soit sur le point de quitter son job actuel pour commencer une nouvelle vie ailleurs lui confère en outre une aura positive : sans déprécier son métier (ce n’est pas comme si elle avait un problème avec la nature de celui-ci) lui permet d’en être juste un peu plus libérée. Une distance salvatrice, et qui finalement aiguise probablement son esprit d’analyse et d’observation.

Mais Forbrydelsen/The Killing, c’est aussi la terrifiante histoire de parents qui vivent la pire des tortures, suivie du dernier des drames, avec la disparition de leur fille qui aboutit à la découverte de son corps. Si votre coeur n’impose pas à la vue de cette scène, consultez. La douleur y est pure, animale. Celle du père comme de la mère, d’ailleurs, bien qu’elle s’exprime différemment. Que les paysages froids et l’héroïne décontractée ne vous abusent pas : derrière l’enquête, c’est avant tout une tragédie familiale qui se joue, et en choisissant le mode du feuilletonnant, la série s’autorise ce que peu de séries policières ont osé creusé depuis 10 ans qu’elles monopolisent pourtant nos écrans : une anatomie du deuil.

Il y aurait, naturellement, bien plus de captures à faire, et de choses à souligner. Mais vous connaissez les règles pour cette rubrique : pour chaque épisode, 3 captures et pas une de plus.
En espérant que ça suffise pour vous convaincre…

par

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4 commentaires

  1. Nicolas dit :

    Bravo pour le commentaire sur The Killing dans ce podcast. Je partage tout à fait l’avis général, et surtout le tien, sur le personnage principal de l’enquêtrice. Très belle analyse, pour d’ailleurs une très belle série qui, je pense, rentre déjà dans les must de AMC, tels Breaking Bad ou encore Mad Men. Je n’ai pas vu la série originale, et je me refuse ce visionnage, pour le moment, pour ne pas me gâcher la découverte de la version américaine, mais votre avis m’a vraiment intrigué.

  2. Nicolas dit :

    Juste un petit désaccord, quand même, au niveau du jeu de Mireille Enos et de la psychologie de son personnage. Là où tu vois un « camionneur », je vois plutôt une enquêtrice qui est profondément touché par la mort de cette adolescent et le drame familial qui en suit, et qui justement, inconsciemment se refuse à partir, et à quitter son boulot pour retrouver l’assassin de la petite. Il y a une énorme retenu chez ce personnage, et c’est ça qui ressort. Un sens de l’observation exacerbé, pour lui donne d’ailleurs toutes ses qualités d’enquêtrice. Mais on la sent profondément touché par ce drame et c’est pour cela qu’elle reste, pas officiellement parce que son patron l’oblige. Tout est assez subtil, chez elle, selon moi. Mais ce jeu de regard en dit tellement long chez Mireille Enos. En tout cas, pour moi…

  3. ladyteruki dit :

    Merci, Nicolas.

    Je pense que la plupart des choses qui se sont dites sur Mireille Enos sont dues essentiellement à la comparaison avec l’original, car Sofie Grabol nous a bien plus impressionnés sur le plan de la subtilité. En particulier, la fameuse scène de la fin du pilote (3e capture, donc) était jouée de façon plus subtile, et on ressentait mieux l’émotion de l’enquêtrice que dans la version américaine, sans que cela semble exagéré ou plaqué.

    Mais je suis d’accord : The Killing est une très bonne série. Globalement, si nous avons pu paraitre durs c’est parce que nous avons préféré l’original, mais ça ne retire rien à ses qualités. C’est juste que… once you go Dansk, you never go back !

    Pour ton dilemme quant à voir l’original ou non… deux choses. D’abord rien ne t’empêche de les regarder en parallèle, à la rigueur, et de regarder Forbrydelsen au rythme de la diffusion de The Killing.

    Et surtout, saches que Veena Sud, qui a adapté la série pour les USA, a indiqué clairement en interview que l’intrigue ne serait pas exactement la même (le tueur, notamment, sera quelqu’un d’autre). Du coup tu peux regarder les deux versions, tu ne risques pas grand’chose.

  4. Nicolas dit :

    Je vois. Je crois qu’il ne me reste plus qu’à me jeter sur l’originale tout de suite, tant, comme tu l’as compris, j’ai été bluffé par Mireille Enos. Avec cette Sofie Grabol, j’imagine que ça doit être quelque chose… Mais justement, là où je ne voulais pas me gâcher la chose, c’est qu’évidemment, te voilà frustré devant la version américaine parce que tu as vu la version originale… Je ne voulais pas qu’il m’arrive ça et qu’après je sois dégouté devant la version d’AMC, c’est tout.

    PS : Je vais juste faire un tout petit hors-sujet, si tu me permets. Je fais parti de ceux qui t’harcèlent de questions sur ton formspring (comme aujourd’hui sur SeriesLive ou encore le podcast) et je suis à chaque fois frustré de ne pas pouvoir te répondre plus longuement après tes réponses (étant donné que ce n’est pas possible sur formspring). Donc si tu as le temps et l’envie d’échanger plus longuement, tu peux retrouver mon adresse e-mail dans mes commentaires ici et je serais ravi de pouvoir discuter avec toi de sujets qui m’intéressent assez depuis que je te suis sur le net depuis pas mal de temps (ça fait très psycho, mais n’aies pas peur >_

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