Difficile de savoir sur quel pied danser avec Malenfant, une mini-série québécoise en quatre épisodes qui s’est achevée jeudi dernier et qui se base sur la vie de Raymond Malenfant, l’un des entrepreuneurs les plus médiatiques de la seconde moitié du XXe siècle.
Mais avant de vous parler de la série elle-même, laissez-moi vous parler d’abord de l’étonnante expérience que cela peut être que de regarder une série à vocation historique québécoise. Il n’y a pas, ou disons presque pas, de barrière de la langue. Du coup on peut être conduits à penser qu’on comprendra tout ; c’est une erreur qu’il ne faut pas faire.
Lorsque j’avais regardé la première saison de Mirador, à la fin de l’année dernière (et maintenant j’en ai pour plusieurs mois à attendre la deuxième saison, d’ailleurs…), je n’avais pas autant été frappée par ce phénomène. Tout simplement parce que les différences culturelles qui pouvaient exister étaient minimes, et n’avaient pas vraiment d’incidence sur l’intrigue. Mais dans le cas présent, j’ai réalisé, pour la première fois, que regarder une série francophone n’impliquait pas de la comprendre réellement.
On a tellement l’habitude d’assimiler la différence culturelle à la langue que quand on regarde une série en français, on s’attend à ne rencontrer aucun obstacle. Pourtant, j’ai dû me rendre à l’évidence : Raymond Malenfant a certainement fait bien du raffût en son temps, mais je n’avais pas le moindre embryon d’idée de qui il était en lançant le pilote. C’était à la fois excitant, pour l’aspect découverte, et effrayant, parce que je n’avais aucun outil pour prendre du recul sur ce biopic, finalement. Mais je me suis lancée, décidant d’aller me documenter une fois le visionnage de la série achevé, découvrant l’histoire telle qu’on avait voulu me la livrer, quitte à la nuancer ensuite avec des éléments non-fictionnels que j’irais chercher. C’était un pari comme un autre ; c’est peut-être ça aussi que je cherche quand je lance le pilote d’une série étrangère, allez savoir.
Alors Malenfant, finalement, de quoi ça parle ? Si comme moi vous ne connaissez pas le personnage, la série se charge d’en dresser un portrait plus que détaillé. Raymond Malenfant est un homme ambitieux, un self-made man qui part du bas de l’échelle pour bâtir un empire immobilier. Dévoré par son envie de réussir, il va connaître la richesse et le pouvoir qu’apporte cet argent… mais aussi ensuite tout perdre. Loin d’être un sujet pour faire rêver sur les miracles qu’on peut accomplir quand on se donne du mal et qu’on travaille dur, l’histoire de Raymond Malenfant est plutôt une fable sur l’ambition et la folie des grandeurs, au bout du compte.
C’est avec un luxe infini de détails que la série s’attache à montrer son personnages avec un maximum de relief. Ambitieux, oui, mais pas mauvais homme. Et finalement, plus qu’un bête biopic qui s’intéresserait à retranscrire sa trajectoire, Malenfant parle de son personnage principal presque avec admiration, comme si, en écrivant, l’auteur avait réussi à approcher toute l’humanité de la personne, avec ses qualités comme ses défauts, et s’était attaché à lui ; la tendresse n’empêche pas la critique, parfois acerbe, de l’ambition, l’orgueil et l’obstination de l’entrepreneur, mais permet de ne jamais oublier l’homme derrière.
A la lecture de la biographie de Raymond Malenfant (comme par exemple, pour commencer, du côté de Wikipedia), toutefois, un bémol surgit : la série indique être « librement adaptée » de la vie de l’homme d’affaires, elle est en fait bien souvent dans la totale réécriture. Romançant un peu plus qu’à son tour, Malenfant pose la question : à quel point une série sur un personnage ayant vraiment existé a-t-elle le droit de prendre des libertés ? Si je n’ai jamais été partisane de l’exactitude documentaire pour les séries historiques, il faut tout de même admettre que changer certains éléments du tout au tout, au-delà de la simple volonté de dramatisation, est un peu perturbante. Par exemple, il me semble tout-à-fait acceptable de prétendre que Colette était Madame Malenfant, alors qu’en réalité elle a toujours conservé son nom de jeune fille ; ça ne prête pas à conséquence, c’est typiquement un élément qui permet simplement de servir le récit, et notamment de renforcer le lien extrêmement puissant qui lie les deux personnages, l’attachement sans borne de Malenfant à sa compagne faisant partie des tours les plus touchants que peuvent prendre les explorations du personnage. Par contre, changer la chronologie, voire même zapper sciemment une bonne décennie de la vie de la famille Malenfant (les années 90, comme passées en avance rapide par la toute fin du dernier épisode, alors que c’était au moins aussi intéressant, mais forcément moins glamour), donne à penser que certaines questions sont restées taboues, et qu’on a préféré taire les zones d’ombre plutôt que de tenter de les éclairer un peu. Ca refroidit un peu, ce petit manque de courage.
Mais il n’empêche. Servie par une bonne écriture, une grande fluidité dans le passage d’une époque à une autre (plus que tout sensible dans le pilote), et un cast impeccable, au premier rang desquels les interprètes du couple Malenfant, la série éponyme a tout de même beaucoup de mérite par elle-même, celle de montrer un personnage qui n’est ni un monstre, ni une victime, juste un homme quelque part entre les deux, qui a tout construit par sa seule volonté de se sortir de la misère, et dont au final le mental d’acier a causé la perte, mais qui reste un être humain touchant de sincérité (la dernière petite scène tendant à nous laisser conserver cette image). C’était donc une bonne mini-série que Malenfant, et au diable l’exactitude historique !
Et pour ceux qui manquent cruellement de culture : la fiche Malenfant de SeriesLive.
J’ai enchaîné les 4 épisodes en une après-midi, preuve que j’ai plutôt bien accroché.
Pour te dire ce que j’en ai pensé, j’ai du mal à voir ce que je que je pourrais ajouter après ton post qui résume déjà parfaitement l’essentiel de mon ressenti devant la mini-série.
Je n’avais juste pas tout de suite compris au départ qu’il s’agissait d’un biopic. La crainte, mêlée d’excitation que tu mentionnes, je ne l’ai donc eu qu’une fois le pilot commencé.
Savoir qu’il s’agissait d’une production francophone m’a sinon bien mené à penser que je pourrais facilement la comprendre, comme tu le dis… et effectivement, à tort. J’ai souvent eu du mal avec le québecois, surtout quand les personnages parlent bas.
Au final, j’ai tout de même assez bien réussi à suivre l’intrigue, même si certains détails me sont restés obscurs, notamment tout ce qui concerne le business de Malenfant.
La partie familiale m’a en revanche plus parlé et c’est peut-être ce que j’ai préféré dans la série. Les personnages sont rendus attachants assez vite, particulièrement Malenfant, qui malgré ses dérives, ses excès, son ambition insatiable, reste effectivement humain et compréhensible. J’ai beaucoup aimé d’autre part sa relation avec sa femme, du début à la fin. Il y a en effet un lien très fort entre eux et les acteurs le retranscrivent bien.
Pour les enfants par contre, là j’ai un petit regret, je dois le reconnaître. Ils n’ont pas vraiment le même temps d’exposition et j’aurais aimé que ce soit plus équilibré. Là, c’est surtout France et le fils qu’on voit, les deux autres filles sont restées un peu en retrait. Peut-être n’avaient-elles pas d’importance dans l’histoire de Malenfant mais ça m’a un poil gêné tout de même. Surtout pour la scène où tous les enfants se réunissent pour critiquer leur père qui aurait pu avoir plus de force.
J’ai sinon aussi trouvé dommage, mais après coup parce que comme toi je suis allé ensuite me renseigner un peu sur les Malenfants, que les années 90 soient zappées. Il y avait matière à dire encore des choses intéressantes sur Malenfant et ses tentatives de reprendre le dessus du coup juste mentionnées, mais aussi sur son fils, je crois, qui s’empêtre dans des affaires louches à cette époque.
Mais après, globalement, j’ai suivi le récit sans déplaisir et il a plutôt bien réussi à me rendre le personnage de Malenfant fascinant.
C’était donc une bonne expérience et je remercie de me l’avoir suggérée