La douleur ? Encore vivace, mais atténuée. La colère ? Au fil des heures, elle a fini par ne plus se tourner que vers moi-même.
La bête blessée commence à lécher ses blessures et à reprendre le contrôle d’elle-même. Ça faisait bien longtemps que je ne m’étais plus noyée dans mes émotions comme ça. Une chance qu’entretemps, j’ai fait ce travail sur moi qui consiste à ne plus autant exprimer ma douleur avec violence. Ma colère s’est exprimée uniquement : sur ce blog, en parlant avec une amie, en dépassant un peu ma limite habituelle en alcool, et en m’offrant des mcnuggets. Ah, et en ressassant quelques vieux souvenirs désagréables, généralement morbides parce que, bon, par association d’idées, quoi.
On peut dire que franchement, le choc aurait pu être plus rude. Il l’a d’ailleurs déjà été. Et je me surprends moi-même à finalement garder un certain contrôle. Dans une certaine mesure, disons. Réaction un peu irrationnelle, certes (je suis rouillée !), mais pas tellement excessive. Je n’ai pas hurlé, je n’ai pas menacé, je n’ai débarqué nulle part, j’ai respecté mon engagement de ne pas me montrer avant d’en avoir le feu vert (et le respecte toujours), en gros, je gère relativement « normalement » ma peine de cœur.
Alors qu’est-ce qu’il en reste, de tout ça ? De cette souffrance vive (que j’avais oubliée) et de cette colère sourde ?
Bah, je crois que je commence à arrêter de me laisser aveugler par la douleur qui m’a prise par surprise, et que je reprends mes esprits pour trouver juste ça… dommage. Et là je ne sais pas comment le tourner sinon en une sorte de lettre ouverte, alors allons-y, prenons le risque de lancer quelques « tu » imprudents.
Oui, c’est dommage. Parce que je pensais avoir été claire et pourtant tu n’as pas compris. J’ai dit, textuellement, que ça faisait plusieurs semaines que je me demandais comment t’inviter à sortir. Et toi, tu l’as tout de suite pris pour quelque chose de tellement plus entravant, c’est à n’y rien comprendre. Je ne veux pas me marier avec toi, ni porter tes enfants (je ne le veux ni maintenant ni jamais, pour commencer), je veux juste passer un peu de temps seule avec toi, pour voir. Parce que chaque fois qu’on se voit, il y a toujours une tierce personne, minimum, et que j’aurais voulu voir si on s’entendait bien tous les deux, juste nous. Alors évidemment, pas sur un plan strictement amical, parce que la réponse à cette question je crois qu’on la connaît déjà, quand même, avec le temps, mais en tous cas, voir si ça collerait, si on aurait des affinités.
Je comprends bien la problématique de ton côté, qui est, en gros, que tu ne veux pas perdre ton indépendance. Mais je tiens aussi à la mienne !
Pourrait-on juste faire l’effort d’éviter les généralités un instant et essayer de prendre les choses pour ce qu’elles sont : pas un absolu, pas un cliché, juste quelque chose entre toi et moi, ce qui fait que tu es toi, ce qui fait que je suis moi. Je suis quelqu’un d’au moins aussi casanier que toi. Si ce n’est plus parce que sincèrement, le nombre d’heures que tu passes chaque semaine avec ta voisine de chambre, pardon, mais je n’en passe pas la moitié avec quelqu’un, moi. Je crois sincèrement être bien plus casanière et indépendante que toi, et j’y tiens. Ô combien. Mes blogs en sont remplis de preuves. Alors du coup, il ne s’agit pas de devenir siamois, par pour moi en tous cas. Il s’agit simplement que, quand nous sommes ensemble, eh bien…
D’ailleurs combien de fois avons-nous été ensemble ces derniers temps ? Qui m’invitait encore quelques heures avant à venir passer une nuit chez vous, le weekend ? Pour la, combien… quatrième semaine consécutive ? Crois-moi, pour y avoir veillé, je ne me suis pas incrustée (bon, le dernier weekend, j’avais pas fondamentalement besoin de la sieste de l’après-midi, non plus, c’est vrai), mais au contraire, qui proposait quelque chose à faire pour retarder le moment où je rentrerais chez moi ? Pas vraiment moi. Les Starbucks et les balades et les gyouza, pardon, pas mon idée. Alors finalement, tu vois, tu aimes bien passer du temps avec moi, en fait, vu que, un nombre incroyable de fois, c’est toi qui as fait la démarche de prolonger le temps passé avec moi. Je le sais parce que j’en ai été surprise de nombreuses fois, et que j’ai voulu te donner une chance à chaque fois de me mettre dehors (j’ai bien compris que c’était pas ton style de le dire franchement, alors à chaque stade je posais la question), et tu ne l’as jamais fait.
Je ne voulais donc pas passer tellement plus de temps avec toi. Je voulais juste le passer légèrement différemment.
Je veux dire : c’est de moi qu’on parle. Il n’y a vraiment pas besoin de me supplier pour passer du temps devant un écran ! Mais ce temps-là, tout ce que je voulais, c’était le passer dans tes bras, ou toi dans les miens, ce genre de choses. Quoi qu’on regarde (et même si je t’en remercie, ça n’a pas à être toujours quelque chose qui me plait comme l’enfilade SNL+Pushing Daisies+Showgirls de l’autre soir), juste pouvoir en profiter pour se témoigner un peu de tendresse… C’est idiot, mais tu vois, simplement quand je vous regardais jouer tous les deux à GTA, j’avais simplement envie, quand c’est elle qui avait la manette, de mettre ma tête sur ton épaule et, attention ça va être très osé, te prendre la main. Pas plus. Et rentrer chez moi tout pareil au bout de quelques heures.
Bon alors, je ne te mens pas, il ne m’aurait pas été déplaisant qu’on s’échange un ou deux textos par semaine, si les choses étaient venues à se faire. Mais comme d’un autre côté tu le fais avec ta voisine de chambre à longueur de journée, ça ne me semblerait pas abusif de s’échanger un ou deux textos, dans la mesure où j’habite dans un autre département (d’ailleurs rien que pour ça, niveau indépendance, t’es plutôt peinard pour le moment).
Je ne sais pas ce que tu t’imagines, si le fait que j’ai un peu plus d’expérience que toi signifie que j’attends forcément beaucoup. Je dirais que c’est même l’inverse. Quand j’avais quelques années de moins, oui, la relation fusionnelle c’était mon truc. Et puis, eh bien, on en revient, je dirais. Parce que quand c’est fusionnel, ça ressemble peut-être à une romance de grand film de Victor Flemming, les premiers mois, mais après justement, c’est tout ce que tu déplores, ça te pourrit la vie. Une relation, aussi terriblement décevant que ça puisse paraître sur le papier, ça marche mieux quand on prend son temps, quand on respire chacun de son côté, et quand on se laisse aussi respirer quand on est ensemble.
Et pourtant, on pourrait penser que je suis blasée, mais ce que ces dernières années m’ont appris, depuis que je me suis séparée d’avec G., c’est qu’en réalité, je ne suis pas moins fleur bleue que… toi. Peut-être au contraire. Les appréhensions qui sont tiennes et dont nous avons parlé… je ne pense même pas au sexe d’abord pour me laisser effrayer par lui. Le sexe vient au contraire ensuite, s’il vient, ce n’est pas la donnée de départ, je te l’ai dit, ce n’est pas ce sur quoi c’est fondé. Dans ce domaine, j’ai gardé mon côté Bisounours, en réalité, j’espère toujours quelque chose de pur et de doux, je ne pense qu’aux mains enlacées et aux baisers, à la façon dont je vais caresser tes cheveux ou embrasser tes pommettes ou ton arcade sourcilière, vraiment, je ne suis pas aussi usée par les expériences que tu pourrais le penser, je n’ai même pas envie de t’entrainer sur ce terrain-là dans l’immédiat. C’est ridicule, ou ça ne l’est pas, je n’en sais rien, mais la vérité c’est que si je ne suis pas amoureuse, je ne laisse personne aller si loin, ça fait des années que c’est comme ça, et même toi avec ton regard sombre tu n’y changerais rien.
Et toi tu te barricades derrière la peur d’une chose à laquelle je ne pense même pas ! Ni à passer plus de temps ensemble, ni à forcément aller très loin… au nom du ciel on ne se connaît que depuis six mois !
Alors, je sais, ça ne se négocie pas. Et je sais aussi, un petit oiseau me l’a dit (suivez mon regard), que tu crois avant tout au coup de foudre comme pré-requis. Et je sais que je suis plutôt le genre de fille qui s’apprécie sur le long terme, disons-le franchement. Je sais tout ça. Je sais que je ne te forcerai jamais à rien même si je voulais essayer, parce que ce serait vain.
Mais quand même, accorde-moi une faveur. Reconnais que je ne suis pas celle qui piétinerait ton indépendance, qui forcerait l’entrée de ta bulle, qui mettrait par terre tes beaux projets. Parce que tu commences à me connaître et qu’au fond de toi tu sais que je ne serais pas comme ça, pas moi. D’accord, ne le reconnais pas devant moi, reconnais-le juste entre toi et toi. Ça me suffit si tu es simplement honnête avec toi-même.
Tout ce que je demandais, ce n’était pas de te sauter dessus ; juste de sortir, toi, moi, et c’est tout, et voir ce qui se passe. Un resto (chez Clément ?). Un ciné. Un verre. Une balade. Ce que tu veux.
A date that we both know is a date. Contrairement à Noël qui en avait toutes les apparences mais c’est tout.
Je ne demandais pas grand’chose sinon tester l’eau, un orteil à la fois, et voir où ça mène. Si ça mène quelque part, d’ailleurs. Et je crois que, une fois que je digère un peu tout ça, ta réaction excessive et la mienne posée, puis ma réaction excessive et la tienne posée, je crois donc que, ce qui reste, au fond, comme problème pour moi, c’est de trouver infiniment dommage qu’au nom d’un principe très général et par peur un peu aveugle, tu refuses même de tenter le coup.
Soit ça, soit quand tu m’as répondu, tu m’as menti. Mais c’est une éventualité que je n’ose envisager.
A lettre directe, réponse directe.
De l’abasourdissement, mon ego a basculé dans la frayeur face à l’ampleur de cette missive immodérée. D’instinct, ma bulle redevient forteresse. Une relation où viendrait planer l’ombre d’une jalousie larvée ne présage rien de bon.
Je croyais sincèrement en la pérennité d’une belle et solide amitié, et j’y crois toujours. Il est évident que tu en attends plus, mais je n’ai tout simplement rien de plus à t’offrir.
Q.