Adieu Ryoumaden, pour de bon

14 décembre 2010 à 23:35

N’ayant pas encore tout-à-fait réglé mon contentieux avec les séries historiques, aujourd’hui c’est à elles que je m’attaque, dans un post Point Unpleasant qui ne fait pas semblant d’être en colère, contrairement à hier.

Je tiens à dire qu’à compter d’aujourd’hui, je ne vous recommanderai plus de séries historique asiatique, parce que ça m’énerve. Fini, les couplets dithyrambiques sur JIN, adieu les émois devant les performances de Dong Yi (comment ça, « de toute façon c’était fini » ?!), faites une croix sur un compte-rendu de mon lent visionnage de Damo. Jamais plus jamais. Déjà, faire une news sur Xi You Ji, c’était trop, à la limite.
Vous l’aurez compris, par série historique asiatique, je veux dire série très ancienne, genre moyenâgeuse. J’ai aucun problème avec le fait de vous en remettre une couche sur Karei Naru Ichizoku ou Fumou Chitai, par exemple.

Seulement voilà : à chaque fois que je parle de série asiatique à quelqu’un qui jusque là n’en a pas entendu parler (mais euh, on s’est déjà rencontrés ou pas ? Je veux dire, on se connait, alors comment ça se fait que tu ne découvres ça que maintenant ?!), c’est à des séries historiques qu’il pense. Et forcément, des mecs en kimono ou en chais-pas-comment-ça-s’appelle-en-Corée-mais-pour-moi-c’est-tout-pareil (j’exagère à peine), ça n’éveille pas la convoitise de la plupart de ces interlocuteurs néophytes. C’est magnifique : la seule évocation d’une nationalité a plus tendance à évoquer le voyage dans le temps que le voyage à quelques milliers de kilomètres de chez nous.
Vous dites « série japonaise » à quelqu’un et tout de suite il pense ère Edo. Et encore, s’il le pensait en ces termes, déjà on aurait de l’espoir. Mais tout ce qu’il voit, ce sont des samurai armés de sabres qui se battent pendant des épisodes et des épisodes. Et le peu d’attention que vous aviez réussi à attirer sur votre cas s’est déjà dissipé dans une rêverie cliché sur le Japon.

Maintenant soyons clairs : des clichés, on en a tous en tête, et on les assume plus ou moins selon les cas. Ça n’est pas propre à l’Asie. Par exemple quand je dis série danoise, je vous prie de me croire, le réflexe n’est pas de se dire que la série en question est certainement captivante, mais au contraire de se dire que ça va être déprimant, bavard et certainement chiant comme la pluie. Vivement Noël que je prouve à mon entourage, DVD de Borgen à l’appui, que série danoise ne rime pas avec ennui (la preuve). Mais ces clichés-là sont faciles à combattre parce qu’il n’y a, finalement, qu’une seule barrière mentale, celle qui associe la nationalité d’une série à un ton. Mais si en plus on s’ajoute des images mentales de différence culturelle, historique et tout, là forcément, on part du mauvais pied.

Donc moi, j’en ai marre. J’ai bataillé pendant des années dans les conversations pour dire des variantes de ce que je me suis entendue dire aujourd’hui. Quand je me suis mise à la littérature japonaise, il m’a fallu prendre l’habitude d’ajouter : « mais de la littérature contemporaine, hein, ya pas que les haiku dans la vie ! ». Quand je me suis mise à la musique japonaise, il m’a fallu prendre l’habitude d’ajouter : « mais de la musique contemporaine, hein, ya pas que le koto et le shamisen dans la vie ! ». Et maintenant que je parle de séries, il me faut prendre l’habitude d’ajouter : « mais des séries qui se passent aujourd’hui, hein, ya pas que les samurai dans la vie ! ».
Une habitude que je refuse de prendre désormais. Je refuse de devoir justifier la culture d’un pays de cette façon.

Écoutez, c’est simple. La tâche que je me suis fixée, c’est d’essayer de cultiver les gens téléphagiquement. De leur apprendre qu’hors de la fiction américaine, il y a du salut. Que les séries américaines, c’est bien, mais qu’il n’y a pas que ça. C’était ma démarche depuis quelques années, je me suis lancée là-dedans récemment à grande échelle, c’est, devant certaines réactions stupides, encore parfois un sacerdoce, mais c’est moi qui l’ai choisi. Même si parfois je voudrais bien que les gens arrêtent de critiquer dans le vide juste par principe.
Par contre, mon job, ce n’est pas de cultiver les gens tout court. De l’ignorance au racisme en passant par le refus de sortir de sa franchouillarde assurance qu’on est le seul pays à être exceptionnellement culturel, c’est pas à moi de faire tout le boulot et d’en plus devoir expliquer, encore et encore, comme le cerveau des Danaïdes dont la matière grise semble s’échapper à mesure que je tente d’y ajouter quelques menues connaissances sur le monde, que oui, au Japon, il y a l’électricité, on peut y brancher une guitare électrique, que non, au Japon, on n’est pas forcé d’écrire des haiku depuis plusieurs siècles, et que, bon, je ne dis pas, ça arrive, mais la série historique n’est pas du tout la norme et que les Japonais aiment comme vous et moi que leurs séries parlent de la vraie vie.

C’est pas mon boulot, c’est pas à moi de faire ça. Et ça me met dans une fichue rage de voir qu’en fait, avant de parler aux gens des séries du monde entier, parfois, il faudrait carrément leur rappeler ce qu’est ce monde entier. Au moins en gros.

Voilà, c’est fini. Avec l’arrêt de Ryoumaden, je promets d’arrêter de parler de séries asiatiques historiques.
Bon ou alors, juste pour surveiller les audiences de Gou

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