Dust storm

31 octobre 2010 à 0:30

Depuis une bonne décennie, je suis une grande amatrice de drames judiciaires. Si j’ai probablement toujours vu des séries de ce genre, la première que j’ai regardée attentivement était The Practice, diffusée par M6 pendant un temps. Quelques années plus tard, la confirmation s’est faite avec L.A.Law, découverte sur France 3 en deuxième ou troisième partie de soirée en 2000, peut-être 2001. Quelque chose a allumé mon intérêt pour ce genre et ne s’est plus jamais éteint ensuite, parce que la série judiciaire est, en quelque sorte, comme la science-fiction : on peut s’en servir pour parler d’absolument tout ce qui nous préoccupe.

Le problème c’est que bien souvent, ces séries sont justement préoccupées par des affaires bien spécifiques : des accusés de meurtre, souvent (bien que pas toujours, certes). C’est un reproche que j’adresse notamment à The Defenders que pour l’instant j’ai mise en pause, après trois épisodes vraisemblablement trop peu intéressés par les cas des « petites gens », pour se préoccuper d’affaires classiques. Je ne dis pas qu’il ne faut pas parler de ces thèmes, des problématiques morales qu’ils soulèvent, des enjeux dramatiques qu’ils permettent, mais enfin, on tourne parfois un peu en rond. Et puis, ça manque aussi un peu de proximité : combien de fois dans votre vie avez-vous été confrontés à un meurtre ? C’est finalement à rapprocher de mon problème avec les nombreuses séries d’enquêtes qui éclipsent le travail de proximité de la police en uniforme.

Du coup, quelle n’a pas été ma surprise lorsque j’ai appris que le principe de The Circuit était le suivant : une cour itinérante qui s’aventure dans les zones reculées de l’Australie afin que la Justice puisse être accessible à tous. Déjà, je trouve cette idée remarquable : ce pitch évoque un certain idéal de Justice, proche du retour aux sources des fondements de la loi, et j’aime l’idée que le tribunal, à la télévision, ne serve pas seulement à développer de grandes idées mais aussi tout simplement à tout simplement dépeindre certaines réalités « ordinaires ».

C’est donc avec un grand a priori positif que je me suis mise en quête du pilote de The Circuit, et sans l’aide de Sowey, que je remercie chaleureusement, j’y serais encore.
Mais rien n’était joué car, je vous l’ai déjà dit, la fiction australienne est rugueuse, c’est à la fois sa force et sa faiblesse, et cela peut parfois être rédhibitoire. Pour autant, la perspective de découvrir le fonctionnement de la Justice australienne, les problématiques intimement liées à la société aborigène, et les jolies photos de promo (même photoshoppées à outrance) ne laissaient pas le moindre doute sur le fait que je devais absolument voir le pilote.

Après un énigmatique message d’avertissement pour la spectatrice française et ignorante que je suis, voilà donc le pilote qui commence de façon assez conventionnelle sur l’arrivée d’un avocat, Drew Ellis, dans cette fameuse cour itinérante. Outre le montage… rugueux, mais définitivement incisif, cette partie est relativement classique. Mais agréable, je tiens à le souligner, car les protagonistes ont quelque chose de peu et de très accueillant.

Le nerf de la guerre, on va le découvrir une fois que le tribunal itinérant siège dans sa première ville. Et c’est là aussi qu’on va comprendre que The Circuit n’a rien de commun avec les séries judiciaires du moment. Dans The Circuit, les cas traités vont en effet du vol de bétail à l’ivresse sur la voie publique, en passant par les violences domestiques. Exit les affaires passionnantes, et c’est justement ce dont Ellis va faire l’expérience rapidement, non sans accuser le coup : le tribunal s’installe, les avocats prennent connaissance de leurs très nombreux dossiers, font en quelques minutes (s’ils sont débrouillards) la connaissance de leurs clients, défendent leur affaire en quelques phrases efficaces, et passent au suivant. Comme le dira Ellis, « ce n’est pas une cour, c’est une usine de saucisses », du travail à la chaîne où l’on n’a pas le temps de s’attarder sur les détails, il faut que quand la cour repart, tout le monde ait eu droit à son procès.

Non seulement il s’agit d’apporter la Justice là où elle n’est pas, afin qu’il n’existe pas de territoire dans le pays où chacun n’ait pas le droit et le devoir d’être mis devant la loi, mais en plus il s’agit de veiller à la vie de communautés qui sont non seulement éloignées géographiquement, mais aussi culturellement. La clientèle de ce tribunal du bush, ce sont des aborigènes, une population pauvre, avec les problèmes qui en découlent. Difficile par exemple de ne pas être touché par cet homme âgé qui n’a pas de quoi percevoir une aide pour des soins médicaux, qui se débrouille pour aller en ville en voiture alors qu’il ne devrait pas, et qui se retrouve devant un tribunal pour avoir conduit alors qu’il était dans l’incapacité de le faire.

Mais The Circuit n’est pas dans la commisération. L’avertissement adressé à Ellis est d’ailleurs clair : surtout, ne pas croire qu’il n’y a que des victimes, il y a aussi des ordures. Simplement, dans les circonstances si particulières de ce tribunal, il faut trouver l’énergie de distinguer les pourris des faibles, et surtout, ne pas se laisser bouffer par la misère qu’on voit défiler en un temps record chaque jour…

La fin de l’épisode propose un procès auquel il est porté un attention un peu plus soutenue, et qui présente un enjeu différent. Afin à la fois de montrer que Drew Ellis est un avocat passionné (et un brin idéaliste, ce qui est normal quand on s’engage dans pareille aventure mais qu’on n’en est qu’au début), mais aussi de creuser un peu plus la question des différences culturelles, sans compter le potentiel dramatique, l’histoire d’une jeune mère arrêtée pour possession de drogue fait l’objet de longues scènes. C’est extrêmement touchant, c’est incroyablement puissant, c’est superbement filmé (mes pieds ne touchaient plus terre lors du plan très court pendant lequel Ellis tente de chercher la solution à ce qui lui tord le cœur), c’est magistralement interprété, bref c’est un grand moment de drama judiciaire, sans perdre de vue les objectifs de la série.

Dire qu’il s’agit d’un pilote qui m’a convaincue relève de l’euphémisme. Mais deux coups de cœur en une semaine, je ne sais pas si je vais pouvoir tenir le coup, je ne vous le cache pas ! Pendant que Bollywood Hero continuer de cagouler tranquillement, je suis donc sur le point d’enfourner un deuxième épisode de The Circuit
C’était une fichtrement bonne semaine pour la téléphagie.

par

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

2 commentaires

  1. delromainzika dit :

    Je reviens comme promis vers toi pour te donner mon avis sur ce pilot. Mis à part ma review (http://cadebordedepotins.over-blog.com/article-critiques-series-the-circuit-saison-1-pilot-64107340.html) j’ai trouvé que ce pilot était vraiment bien solide, basé sur une idée nouvelle en terme de justice, cette justice qui juge même dans les champs de blé. J’aime bien ce qui est fait avec le personnage, on n’est pas devant un avocat trop banal pour ne pas être passionnant, il est tout le contraire, on sait qu’il a des choses à raconter. Enfin, je trouve que le côté drama ressort bien. Une bonne découverte grâce à toi. Merci Lady.

  2. […] dans le quotidien des aborigènes d’Australie. Quelques exemples: la fiction juridique The circuit, les deux saisons de Redfern now, chroniques de la vie dans ce quartier de Sidney (et première […]

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