Eh bah voilà

19 septembre 2010 à 20:48

Quand j’étais petite, on allait voir nos grands-parents environ quatre fois par an dans leur maison de la banlieue de Dijon. Le weekend achevé, tout le monde montait en voiture, le teint verdâtre d’avoir trop mangé, les grands-parents suivaient la voiture quittant au ralentit l’allée de gravillon beige en nous faisant de longs signes de la main, puis nous sortions du cul de sac, prenions un virage à 180° dans la rue parallèle, et arrivés à hauteur de la maison (et en dépit du fait qu’il y avait celle des voisins entre nous), mon père poussait deux coups de klaxon comme pour dire adieu. La voiture prenait alors de la vitesse en direction de l’autoroute : c’était tout, rendez-vous au prochain trimestre.
Et sur la nationale conduisant à l’autoroute, invariablement, je dis bien invariablement, mon père lançait sur un ton qui se voulait jovial mais qui ne masquait pas vraiment sa nostalgie : « Eh bah voilà ».

C’est mon tour à présent. Je publie l’article de la semaine sur SeriesLive, je retweet l’info pour que les curieux aillent y jeter un œil et même y laisser un commentaire si je suis en veine, et lorsque je m’apprête à rentrer sur mon blog, je pousse un soupir : « eh bah voilà ».

C’est fini. L’été est derrière nous et avec lui, la série d’articles hebdomadaires sur les télévisions du monde s’achève avec ce bilan qui m’a été suggéré par Sirius. Voilà. C’est fini.
Eh bah voilà.

Carnets de route : la télévision du monde pour les nuls

Je vous avoue que j’ai moi aussi un peu le teint verdâtre. Ce fût une expérience follement enrichissante, mais très fatigante. J’aimerais vous donner le nombre de séries vues, le nombre de séries fichées, le nombre d’articles lus, le nombre de pages imprimées… mais cette seule tâche me terrasse par la fatigue qu’elle représente, et parce que ce serait appuyer sur les côtés les plus exténuants de l’expérience.

Mais dans l’ensemble, j’ai eu de la chance de me lancer ce défi, un peu par hasard, mais de la chance quand même. C’est quelque chose que je recommande à tous ceux qui ont la téléphagie ancrée en eux… mais pas forcément à ce rythme, naturellement. Se fixer un pays à découvrir et s’y tenir, et lire le maximum, voir le maximum, tenter de comprendre comment les choses fonctionnent… Dépasser tout ce que l’on sait, remettre les choses à plat, accepter la possibilité d’un ailleurs plus exotique que jamais, et pourtant tellement réel pour les millions de téléspectateurs que ça concerne.

Quand je lis des « OSEF » et autres joyeusetés sur les news que je fais pour SeriesLive (et ce, en dépit de statistiques de lecture prouvant que ce n’est pas le cas, mais bon), je me dis : mais qui, en fait, s’en fout ? Les quelques téléphages que nous sommes ? Mais songez un peu en termes de chiffres : cette semaine, en Corée du Sud, Jeppangwang Kim Tak Goo s’est achevée sur des audiences d’environ 25,4 millions de spectateurs (c’est énorme mais on verra ça plus en détail avec la news audiences de vendredi, vous verrez). Et pendant ce temps, on qualifie d’excellents les résultats du marathon The Big Bang Theory quand ils rassemblent 8,1 millions de spectateurs la même semaine ? Comparativement, c’est plutôt du marathon de The Big Bang Theory dont on se fout, quelque part, non ?
Je sais bien que j’exagère. Après tout, le marathon était une rediff, et le final clôturait une saison exceptionnelle pour la comédie romantique coréenne. Mais tout de même, ça fait un peu réfléchir.

Vous savez, j’ai compté. Par curiosité, juste comme ça. Je suis pas très chiffres mais il s’avère que je les avais (vous verrez là aussi pourquoi bientôt), sur l’audience de chaque pays. Rendez-vous compte : avec les 12 pays pour lesquels il y a eu des articles sur SeriesLive, on parle déjà de télévisions qui sont regardées par plus de 2 milliards d’êtres humains (et on n’a même pas parlé de la Chine, par exemple). Comparez ça aux 310 millions de spectateurs américaines, et demandez-vous à nouveau qui pourrait dire que la télévision américaine, « OSEF ». A peu près tout le reste du monde.
Évidemment, la télévision américaine exporte beaucoup, et dans la plupart de ces pays, ce qui signifie que mon raisonnement est caduc, du coup. Mais quand même, je trouve que ces 2 milliards et quelques d’âmes, ça signifie quelque chose. Ces 2 milliards de spectateurs ont, outre l’achat de séries américaines, une télévision qui leur est propre. Ils ont quelque chose qui leur est destiné à eux. Ça signifie en fin de compte qu’il y a bien plus que la télévision américaine dans la vie, et que le modèle n’est pas un absolu.

Comprenez-moi bien : j’ai aimé une grande partie de ce que j’ai découvert comme fictions cet été, mais ça ne veut pas dire que je suis devenue anti-télévision américaine. Bien au contraire.
Avoir plus de choix, avoir plus de comparaisons, m’a donné l’opportunité de mieux cerner ce que j’aime à la télévision américaine.

J’aime les saisons courtes, par exemple.
Je voulais en faire un post quand elle a sorti le sien, mais Livia a profondément raison : la saison de 20 épisodes a vécu. En fait, elle n’a vécu quasiment qu’aux États-Unis (et, comme à présent nous le savons tous, en Corée du Sud). La plupart des pays ont depuis longtemps choisi le format d’une demi-douzaine d’épisodes, la mini-série est en quelque sorte la norme. La mini-série renouvelable, certes, mais la mini-série quand même. C’est une question de moyens financiers, bien-sûr, mais aussi une question de préférence. Ce format-là revient parce qu’il est plus confortable pour le spectateur aussi.
Ce vendredi (puisque j’ai choisi le vendredi comme jour privilégié pour les posts To be continued…, j’ignore si vous avez remarqué mais il n’y a eu qu’une seule exception), je voulais faire des récaps pour plusieurs séries ; à la place, je n’ai fait que Glee, alors que j’avais aussi vu la saison de The Big Bang Theory et même 30 Rock. Pourquoi ? Parce que la perspective de rechercher une capture dans une vingtaine d’épisodes (même si j’avais une longueur d’avance pour The Big Bang Theory) était décourageante. Et la raison d’être de ces posts est justement que les séries sont devenues trop longues même pour leur diffuseur, à présent. Il suffit de prendre Caprica comme exemple : SyFy donne l’impression d’avoir eu les yeux plus gros que le ventre et ne pas savoir que faire de tous ces épisodes. Elle voudrait que ça marche, mais son système de commande l’a visiblement dépassé ; si on était partis sur la base de 13 épisodes, la série n’aura pas connu certains défauts, et la diffusion aurait été plus aisée… l’avenir semblerait sans doute moins incertain pour cette série de SF, en fin de compte.

Vous voyez ce que je veux dire ? Arpenter la façon de faire d’une douzaine d’autres pays me donne de nouvelles perspectives sur la télévision que je regarde et que j’aime depuis plusieurs années. Je vais certainement faire des choix un peu différents maintenant que je suis habituée à une telle variété. C’est la saison des pilotes et je vais y réfléchir à deux fois avant de m’aventurer dans une série prévue pour 20 épisodes, je vais certainement préférer des séries plus courtes, pour avoir plus de temps pour d’autres séries plus courtes venues d’ailleurs.

Ce voyage-marathon m’a ouvert des horizons, m’a aidée à mieux définir certaines choses…
Aujourd’hui je vais regarder à la télévision américaine des séries que je choisis, et non que je subis (et pourtant, avec ma pratique du cagoulage, je me considérais comme plutôt libre de mes mouvements).

Je crois que c’est ça, que j’ai vraiment appris sur la téléphagie, tandis que j’apprenais tant de choses sur la télévision. On n’a pas à être prisonniers d’un système. Il y a un choix plus vaste que ce qu’on croit.

Dans les semaines, les mois à venir, j’espère que vous me suivrez dans cette nouvelle quête. Ce que je vous ai dit qu’il y a plusieurs semaines est toujours valable : j’ai besoin de vous. Si vous avez aimé apprendre ne serait-ce qu’une seule des informations distillées dans ces articles estivaux, montrez-le, tout simplement. Les news et les articles sur SeriesLive, les posts sur ladytelephagy… ne sont pas finis tant que vous, les lecteurs, vous continuez d’y réagir.

Après tout ce qu’on a découvert tous ensemble cet été, j’espère sincèrement qu’on ne va pas bêtement s’arrêter en si bon chemin. Vous, les lecteurs de ladytelephagy, je vous sais curieux, je vous sais intelligents, je vous sais constructifs. Suivez-moi encore un peu, vous voulez bien ?
Juste pour que je n’aie pas à klaxonner deux fois et dire « eh bah voilà ». Ce serait trop bête.

par

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1 commentaire

  1. Livia dit :

    Je n’ai pas grand chose à ajouter car on a déjà pu établir qu’on partageait une vision assez proche sur ces aspects-là. Mais pour ce qui est du format des séries, je le ressens de façon de plus en plus forte. Je regarde la liste des nouveautés des grands networks et je me demande bien si je vais m’y risquer à en tester un ou deux. Par contraste, se tourner vers des nouveautés du câble sera plus naturel. Mais j’affinerai peut-être l’analyse en ajoutant que le problème des saisons de 20 épisodes ne réside pas seulement dans leur durée. Le problème, c’est que cela commence en septembre pour finir en mai. Avec des pauses, des plannings de diffusion pas toujours cohérents avec la manière dont la construction narrative de la saison a été préparée… C’est un marathon inconsistant… A l’opposé, tu cites les séries coréennes : leur saison sont longues. Généralement, elles ont l’avantage d’être uniques. Mais surtout, elles sont diffusés à la suite, sans pause, à raison de 2 épisodes par semaine (mais pas le même soir). On ressent beaucoup moins fortement cette impression d’étirer et d’étioler la série.

    Mais ce que je trouve assez étrange, c’est quand on compare avec la tv française. On reproche à notre industrie d’être incapable de reproduire le schéma que l’on érige en modèle – celui des Etats-Unis – alors même que, justement, le superbe tour du monde que tu nous as offert prouve que ce n’est pas le modèle qui serait adapté à notre industrie (moyens, mode de diffusion, etc…). Pourquoi est-ce que l’on ne suivrait pas plutôt des modèles plus proches, tel le modèle anglais ? Je ne sais plus quel journal, il y a quelques jours, avait publié un tableau aux informations très approximatives, mais qui dressait une comparaison à mon sens très discutable entre le modèle US et le modèle français… notamment en ce qui concernait le nombre de scénaristes impliqué en moyenne dans une série. Ce concept de team de scénaristes, c’est quelque chose qui n’existe pas partout, pourquoi vouloir absolument l’importer ? On dérive du sujet, mais j’ai l’impression dans la quête des remèdes aux maux de la télévision française, les bases du débat sont viciés et on se trompe complètement de problématique… Ta démonstration estivale a quand même prouvé qu’il fallait cesser d’aborder la production télévisée aussi simpliste.

    Sinon, oui, il faut continuer à être curieux… Mais en ce qui me concerne, j’avoue que tourner avec 5/6 pays différents me suffit. Un manque d’ambition peut-être ^^ Il ne s’agit pas d’en exclure par principe – et un jour qui sait je m’aventurerai peut-être en Amérique latine ou autre -, mais pour le moment l’équilibre fragile que j’ai me semble viable et me convient. Je ne veux pas non plus juste picorer à droite, à gauche, j’ai besoin de prendre le temps de comprendre et d’apprécier les productions des pays dans leur ensemble.

    Le seul problème, c’est que la fracture téléphagique continue de s’accroître… Comment peut-on parler de « démocratisation des séries » quand on voit où tout cela nous conduit ? Bref, ce n’est pas encore demain la veille que je vais pouvoir parler séries à la machine à café.

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