Pauvre petite fille riche.
On a beau savoir deux-trois trucs sur un personnage avant de faire sa connaissance dans un pilote, les faits sont là : chaque fois que l’un d’entre eux est pété de thunes, irrémédiablement, on a du mal à le plaindre. De la même façon qu’il ne peut être tout-à-fait gentil, il ne peut pas être tout-à-fait triste, vous voyez ?
Mais Naneun Junseolida parvient tout de même, après quelques premières minutes poussives et un peu molles, à progressivement nous faire apprécier Seol Hee, son héroïne, et cela sans en rajouter dans les violons. Car en dépit de ses promesses musicales (exposées d’entrée de jeu, et rappelées à intervalles réguliers), Naneun Junseolida n’est pas vraiment une série sur la passion de la musique, ou alors, vraiment il faudra voir ça après le pilote. Non, il s’agit avant tout d’une série sur une femme brisée au dernier degré qui va se reconstruire par la musique. Et c’est largement différent.
Le parcours de Seol Hee avait bien commencé : jeune femme populaire, la voilà à tomber enceinte et se voit plus ou moins embarquée dans un mariage de raison, la famille de Monsieur étant d’un certain milieu. Mais elle fait une fausse-couche et depuis tout le monde la regarde comme si elle avait roulé sa belle-famille pour leur arracher un beau mariage. Et son époux n’en pense pas moins. Elle n’est qu’un accessoire en société, pour lui. Et encore, tout juste. Sa belle-mère ne fait d’ailleurs pas tant de manières et plutôt que de l’ignorer, elle préfère la rabaisser dés que possible.
Infantilisation, chosification, négligence permanente, mépris, humiliations… ah elle est belle la vie de « femme de », ah ça donne envie. Totalement déshumanisée, Seol Hee cherche désespérément à exister, et finit par ne s’attirer que plus de dégoût de la part de sa belle-famille encore. Pire, elle ne parvient même pas à trouver de réconfort auprès de sa sœur, seule famille qui lui reste et qui ne tient pas non plus en haute estime les choix qu’elle a faits. Et à vrai dire, quel choix a-t-elle vraiment fait ? Tout est en place pour que Seol Hee semble être la victime innocente des circonstances. C’est un peu énervant. Et quand on croyait pouvoir difficilement plus pathétique, voilà que sa sœur est frappée par un cancer de la moelle épinière et qu’évidemment, Seol Hee est compatible, mais que sa famille lui interdit de donner sa moelle. Faites entrer les violons.
Alors ce qui fait la différence, ce qui fait que, vraiment, on s’attache, c’est le traitement. On sent qu’elle pète les plombs, la Seol Hee, qu’elle cherche à s’échapper d’elle-même et qu’elle finit plus emprisonnée encore. Elle est coincée. Elle n’a pas d’issue. Elle tourne en rond dans sa cage dorée et elle n’inspire que détresse. D’accord, elle va passer beaucoup de temps à s’essuyer les larmes qui lui dégoulinent du menton, mais surtout, Seol Hee va donner l’impression d’alterner les phases où elle se débat, et celles où elle accepte de se noyer. La scène récurrente qui consiste à la voir broyer du noir dans sa penderie luxueusement meublée est en cela l’un des meilleurs outils.
Dans ces conditions, quand arrive la chanson de fin d’épisode, et qu’on réalise à quel point elle est merveilleusement intégrée dans l’histoire, on percute. On comprend ce que Glee a raté dans l’intégration de ses chansons (et croyez-moi la comparaison s’arrêtera là), on comprend ce que c’est que d’utiliser la musique pour servir l’histoire.
Et pas l’inverse.
C’est brillant. C’est brillant parce que c’est fait avec tact et que franchement c’était pas gagné. Et juste comme ça, la musique prend une raison d’être dans l’existence de Seol Hee. Ce n’est pas un prétexte pour faire chanter les personnages principaux (ou d’autres), c’est une partie intégrante de l’histoire. Un personnage à part.
Le démarrage a donc été lent, un peu laborieux même, et on a frôlé de peu une énième série misérabiliste sur laquelle verser quelques larmes règlementaires. Entre de mauvaises mains, ce scénario aurait été tellement cheap. Mais non. C’est donc avec plein d’espoir (celui que les choses continuent d’aller s’améliorant) que je m’apprête à continuer Naneun Junseolida, d’autant que la fin du pilote a donné une impulsion supplémentaire, en donnant une occasion au personnage de dépasser la situation de départ et prendre de vitesse tout le monde. Je ne pensais pas que ça viendrait d’elle. C’est appréciable de voir un personnage aussi indépendant des poncifs qu’on attend de pareil scénario.
Voilà une série qui peut beaucoup offrir, pourvu de ne pas se relâcher.
Une revanche sur la vie avec en toile de fond la musique. Pourquoi pas ?
Je vais surveiller I am Legend, tiens
J’ai trouvé ce premier épisode très rafraîchissant, et plaisant à suivre en dépit de quelques longueurs. Comme tu le dis, à partir du cadre de départ, on s’attendait à une certaine prévisibilité, mais finalement, l’épisode s’attache à s’en affranchir ou du moins à y insuffler quelque chose de plus, en prenant un essor des plus intéressants. L’héroïne se détache aussi des stéréotypes de jeunes immatures que les kdramas sont si prompts à mettre en scène. Elle a déjà un passif, une conception de la vie qui lui est propre, dont elle a déjà pu apprendre le positif comme le négatif.
Je pense poursuivre la découverte !
Et puis la soundtrack, au-delà même du groupe, n’est vraiment pas déplaisante, notamment le petit solo dont Kim Jung Eun nous gratifie, à la guitare, à la fin. Superbement mélancolique !