It’s called acting

8 juillet 2010 à 0:03

Si vous ne connaissez pas bien le métier, ou si vous êtes un Français qui l’exerce, laissez-moi vous récapituler les bases du métier d’acteur : il s’agit de jouer un rôle. Quand on voit ce qu’on voit, des fois on se demande si le rappel n’est pas nécessaire, d’ailleurs. Donc, le métier d’acteur consiste à jouer un rôle. De composition, autant que possible.

Un acteur, il doit essayer d’imaginer ce que peut ressentir son personnage et la façon dont il peut le rendre crédible, potasser son texte quelques minutes avant d’entrer sur le plateau, tourner la scène en suivant bien les consignes du réalisateur, et puis rentrer chez lui une fois la journée finie. Demain est un autre jour.
En tous cas c’était plus ou moins comme ça que je me figurais les choses.
Avec des variations, bien-sûr. Quand on sait que certains acteurs pratiquent la Méthode à un tel point qu’ils sont imprégnés de leur personnage plusieurs semaines ou plusieurs mois après, on se dit que quitter un rôle ne doit pas forcément être facile non plus. Mais enfin, ça doit quand même être à peu près ça, je suppose, surtout pour ceux qui ont tendance à enchaîner les tournages et n’ont pas des masses de temps pour repenser à leur personnage quand ils en ont déjà un nouveau à travailler.

Mais alors, voilà ce qui m’a frappée : et les acteurs de Huge ?
Quand on interprète le rôle d’un adolescent mal dans sa peau, on sait que quand on va quitter le tournage, on ne sera plus cet adolescent (et pour beaucoup d’acteurs, ça fait 5 à 10 ans qu’on ne l’a plus été… mais c’est un autre débat). Par exemple, je pense souvent à Coeurs Rebelles quand je regarde Huge, et effectivement, le soir, AJ Cook pouvait rentrer chez elle sans le poids d’un viol à surmonter. Le rôle était dur, la vie ne l’était probablement pas autant (mais qu’est-ce que je sais de la jolie AJ Cook après tout ?).
Quand Nikki Blonsky rentre chez elle, elle n’est peut-être plus Will l’obèse. Mais elle est toujours obèse.

Je ne suis pas en train de remettre en question le talent des acteurs de Huge, certainement pas. Je l’ai loué, je n’y reviendrai pas. Mais je me dis que ce doit être d’autant plus compliqué pour ces acteurs-là qu’ils ne peuvent pas vraiment laisser leur personnage derrière eux. Comment ne pas s’identifier lorsqu’on a réellement connu la plupart des embarrassants complexes décrits dans la série ? Comment rentrer chez soi et penser à autre chose, quand on a passé, je ne sais pas, disons huit, dix, douze heures de la journée à être un gros complexé devant la caméra ?

Pire encore, ces acteurs… ils savent pourquoi ils ont eu ce rôle. Parce qu’ils sont acteurs… et parce qu’ils sont gros. Dans le genre typecastée, Nikki Blonsky est l’exemple frappant. On n’a pas demandé à un acteur de prendre 50kg pour le rôle. Et sérieusement, qui le ferait ? Faudrait me payer bien plus cher que la plus chère des actrices de Hollywood, donc je ne blâme personne ; déjà je suis impressionnée quand un acteur comme Lee Pace se transforme en femme sylphide, alors dans l’autre sens, non, franchement.
On a lancé un casting où quelque part, il était dit qu’on cherchait des gros, et si éventuellement on ne l’a pas dit comme ça, alors la lecture du seul synopsis suffisait.

On peut jouer une adolescente violée une fois, et plus jamais ensuite (et c’est à souhaiter, parce qu’une fois ça doit largement suffire), mais un obèse ? Difficile de ne pas jouer un obèse toute sa vie. Et si on maigrit, j’imagine que les gens ne vous reconnaissent plus, ou ne vous trouvent plus rien de spécial. Vous imaginez Gabourey Sidibe taillant, disons, un 42 ou un 44 ? Sérieusement ?

Déjà dans la vie de tous les jours, on attend des obèses qu’ils jouent leur rôle d’obèse (combien de fois entend-on les personnes d’un certain poids dire que dés qu’elles mangent en public, elles reçoivent des œillades ou des remarques désobligeantes sur leur absence de self-control ?), mais alors, dans une telle industrie ?
Si on me demandait tous les jours de ma vie professionnelle de montrer la chose qui m’embarrasse le plus au monde, d’en jouer et d’en tirer des émotions en permanence pour le profit du divertissement des autres, et ce même si cela permettait de faire passer un certain nombre de messages, je ne sais pas comment je ferais. En tous cas, je ne ferais certainement pas long feu dans cette profession !

Et en plus, une fois un tantinet célèbre, en plus il faut avoir l’air d’assumer et d’être bien dans son corps, ne pas trop faire la gueule, essayer de préserver une certaine image du gros jovial (pire encore que les autres stéréotypes), alors que justement on travaille dans une industrie qui privilégie tout, sauf l’acceptation de ce que l’on est. Je n’imagine même pas.

J’ai regardé le deuxième épisode de Huge avec un petit pincement au cœur, en me disant que pour faire une série comme celle-ci, qui je le répète, dans son genre, est plutôt courageuse… il faut avoir les épaules sacrément larges.
Sans mauvais jeu de mot.

Alors voilà, juste un post pour dire : respect.

par

, ,

Pin It

Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

4 commentaires

  1. Nakayomi dit :

    Haaaan, mais que c’est méchant et gratuit cette pique sur nos amis acteurs français…

    Sinon que dire… Pas grand chose, parce que c’est… fichtrement vrai.

    (Par contre, ce qui est vrai aussi, c’est que des acteurs ont déjà pris du poids pour jouer certains rôles. Mais le temps d’un film… En l’occurrence, c’est vrai que prendre du poids pour une série télé comme Huge, qui voudrait sûrement dire sur du long terme, ça me semble bizarrement moins « faisable ». Hormis si le rôle est voué à retrouver une certaine silhouette de manière pas trop lente peut-être…)

  2. ladyteruki dit :

    C’est quand même pas pareil quand Renee Zellweger prend 10 ou 15kg pour Bridget Jones, pour avoir l’air potelée et encore, et prendre une masse de poids suffisante pour avoir l’air réellement obèse. Fort à parier que personne n’oserait aller si loin pour un rôle (plus encore pour une série d’été sur ABC Family). C’est juste inconcevable. On ne parle pas de gros made in Hollywood (c’est-à-dire quelques kilos en trop au pire) mais de vrais obèses. Et dans le cas de Blonsky, c’est la raison d’être de sa carrière, la pauvre (cf. Hairspray).

  3. Nakayomi dit :

    Je pensais pas à Zellweger (en fait, j’avais en tête plutôt des acteurs -dont ni le nom ni le rôle ne me revient bien évidemment, c’est peut-être juste un souvenir erroné de ma part, mais il me semblait qu’il y avait déjà eu prise de poids assez importante, avec régime au Hamburger et tout-)…

    (Courtney Cox Arquette ne faisait pas ça pour son rôle de Monica ? Ah non ? Zut alors, j’pensais ! *oui, je sors*).

    Pour les « gros made in Hollywood », oui je dois reconnaître que c’est vrai (c’est comme les moches d’ailleurs).

  4. Scarlatiine dit :

    « (combien de fois entend-on les personnes d’un certain poids dire que dés qu’elles mangent en public, elles reçoivent des œillades ou des remarques désobligeantes sur leur absence de self-control ?) » C’est tellement vrai ! Ou alors tu prends un Coca Light, et tu as droit à un regard du genre « Comme si elle était du genre à manger du light, celle-là… » Eh merde, si je préfère le light ? Hmm… pardon xD

    Sinon, pour en revenir au sujet, c’est drôle, parce que quand je regarde « Hairspray », avec donc la même Nikki Blonsky, je me pose les mêmes questions. Même si elles font partie du rôle, les insultes qu’elle reçoit sur son poids, comment ne pas les prendre pour elle ? Et cette question, toujours ; est-ce que j’ai été choisie pour mon talent ou parce que j’avais le physique de l’emploi ?

    Eb tout cas, tu m’as donné envie de voir la série, moi qui n’était pas trop chaude. 1) Trop de mauvais souvenirs (et pas que des souvenirs), et 2) abc family, quoi ! ^^ Mais une série de la maman de « My So-Called Life » et de « Once & Again », ça se tente forcément.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.