Ah, mon ami Louis… ça fait quoi ? Un peu plus d’un mois ? Non, deux déjà ? En tous cas tu m’avais manqué, et j’attendais avec impatience ton retour. Mais de retour, on ne peut pas exactement parler, car entre Lucky Louie et Louie, contrairement aux apparences, le ton comme l’intention sont radicalement différents.
Lucky Louie était un sitcom (tourné devant un public), Louie est une comédie en single camera.
Lucky Louie utilise les dialogues pour distiller quelques touches de cynisme et d’absurde, Louie propose des séquences de pur stand-up et n’hésite pas à passer une minute ou deux à insister là où ça fait mal.
Lucky Louie faisait la part belle à la famille et l’entourage proche, Louie est nombriliste.
Les séries sont radicalement différentes en dépits de plusieurs éléments a priori proches sur le papier, mais au moins on peut se dire qu’elle attireront peut-être un public différent, ce qui me semble une excellente nouvelle pour Louis C.K., mon nouveau chouchou depuis le printemps. Surtout que finalement, les deux ont quand même ceci de commun qu’elles plaisent beaucoup à votre serviteur.
Et si Louie a ravi mon cœur, c’est grâce à deux caractéristiques qui pourtant ne donnaient pas la série gagnante : le stand-up et le parti pris des histoires racontées.
Maintenant, pour être totalement honnête avec vous, je suis bien obligée d’admettre que lorsque j’ai vu ce bon Louie faire son numéro au micro, mon premier réflexe n’a pas exactement été d’applaudir à tout rompre. Je suis peut-être vieux jeu, ou juste traumatisée par un Seinfeld que je n’ai jamais vraiment su apprécier, mais séries et spectacles de stand-up devraient toujours, dans mon esprit, se maintenir à une raisonnable distance l’un de l’autre. Attention, n’allez pas mal interpréter mes propos : j’adore le stand-up. Depuis plusieurs mois j’ai même pris la mauvaise habitude de cagouler ici et là des CD de comiques américains (actuellement, je me délecte du savoureux « Letting go of God » de Julia Sweeney… une ancienne cast member de SNL ; on ne se refait pas !). Simplement, les faits sont là : dans une série, pour moi, ça ne marche pas. D’ailleurs à des fins documentaires et suite à la question de l’un d’entre vous, j’ai revu le pilote de Seinfeld récemment, promis on en reparle très vite. Ne me lancez pas sur Kenan & Kel, là, même le pouvoir de SNL ne peut rien pour cette série à mes yeux.
Ces séquences en stand-up donnent de prime abord un côté cheap à notre affaire. D’ailleurs pendant un bon moment, je n’étais même pas certaine qu’il y ait réellement un public face à Louie/Louis, ce qui certes aurait semblé absurde (et contraire à ce que je perçois de la méthodologie de l’homme), mais sérieusement, ça faisait mauvais effet dans un premier temps. Il faut reconnaître que notre comique a de surcroît un humour particulier, il ne cherche pas la réplique hilarante, et ses anecdotes ont un côté profondément banal, mais c’est en fait justement de là qu’il tire sa force, étrangement. Je n’ai pas forcément envie de rire aussi fort que le public, mais en tous cas je passe clairement un excellent moment à l’écouter (gaffe, Louis, tu vas finir par te faire cagouler avec ce genre de conneries… ah bah voilà, c’est fait, bravo).
Le mélange entre humour et point de vue pessimiste à l’extrême fonctionne bien sur moi, en général, il faut le reconnaître.
Vous parlez quand même à quelqu’un qui a regardé Titus en entier. Deux fois. Voilà, quoi…
Mais une autre spécificité de Louie réside dans sa structure. Le pilote se présente en effet comme suit :
– Louie se rend dans un club pour faire son act
– Louie raconte un truc super général sur sa vie quotidienne
– Louie glisse sur un sujet plus particulier, mais également banal
– on passe à une séquence hors du club explicitant la situation de ce sujet en particulier
– on finit sur un truc complètement absurde
– on revient sur Louie dans son club qui raconte un autre truc sur sa vie quotidienne
– arrivée d’une autre séquence hors du club explicitant ce nouveau sujet
– autre fin complètement absurde
– retour sur Louie qui conclut et sort du club
Le coup de génie, c’est que tout est réaliste, mais pas trop.
A chaque fois, on a cette fin de séquence complètement ahurissante dont personne ne s’étonne, ni Louie ni les éventuels personnages autour de lui. C’est hallucinant. J’avais les globes oculaires qui roulaient sur mes genoux. On parle d’une série dont le principe est de parler de la vie quotidienne, de banalités et de choses que tout le monde expérimente ou a expérimenté, avec un personnage terre à terre, maladroit et incroyablement ballot quand il s’y met, qui n’a rien de spécial… pour toujours trouver une chute surréaliste et totalement incroyable. C’est juste magique, cette recette, parce que 99% de ce qui se dit ou ce qui se passe est tellement réaliste qu’on s’identifie à fond, et tout d’un coup, BAM !
Bilan ultra-positif, donc. Et puis, Louis est célibataire, roux, et a la quarantaine.
Les gars, je crois que je suis amoureuse.