Ah, ça va nous changer ! Pour toutes les fois où j’ai tempêté contre les séries américaines à destination des adolescents, aujourd’hui, ça va être un peu différent. Presque, j’ai dit presque, une compensation. Parce que dans un monde télévisé où, chaque année, on nous fourgue un nouveau Hidden Palms, 90210, Gossip Girl ou The Beautiful Life, ce sont des séries comme One Tree Hill qui semblent les plus à même de servir de référence réaliste sur le quotidien des ados, c’est dire si on est pas dans la mouise.
Heureusement, on dirait que c’est en train de changer. Ou en tous cas, j’accueille à bras ouverts le retour de la nuance. Avec l’arrivée de Life Unexpected à la mi-saison, et maintenant, cet été, Huge, on est peut-être en train de retrouver une télévision plus en phase avec la réalité de son public adolescent (pourtant goinfre parmi les goinfres de la téléphagie). J’ai envie de dire qu’il serait temps.
Dans Huge, l’obésité est au centre de tout et pourtant, elle n’est qu’un prétexte. Car à travers l’inconfort des jeunes personnages, on retrouve le malaise qu’expérimentent les adolescents quand leur corps semble ne plus vraiment leur appartenir. Derrière l’artifice du surpoids (un cas particulier de ce problème), c’est un thème universel que Huge aborde, celui d’une période de la vie où, de toute façon, on a du mal à aimer son corps, mais où le regard des autres nous pousse à dépasser cet inconfort et ces complexes pour s’épanouir en tant que (presque) adulte.
La problématique du surpoids n’est pas anodine, je n’ai pas dit ça. Dans une Amérique qui qualifie l’obésité de ses jeunes d’épidémie, évidemment pas. Mais sans avoir connu ce problème, on n’a pas de mal à compatir avec les personnages. Pour cela, l’écriture fait beaucoup, mais également la réalisation, qui, s’attardant dans les regards, les plans sur les mains, et les attitudes gauches des uns et des autres, laisse la place au non-dit, celui qui n’exprime pas un poids mais une émotion sincère et reconnaissable entre mille.
Difficile de ne pas retrouver un certain nombre de qualités présentes dans Angela, 15 ans, dans cette nouvelle série de Winnie Holzman. Les personnages se cherchent tout en ayant déjà une idée assez précise de leur identité. Ils voudraient juste réussir à trouver l’équilibre entre le regard des autres et celui qu’ils se portent, parfois accusateur, parfois complaisant. Finalement, ce camps de vacances pour les gros leur permet à la fois de s’assumer, au milieu de leurs semblables (ce que la scène d’ouverture exprime nettement) et de changer, ou du moins essayer.
Pourtant, le personnage central n’a rien de commun avec celui d’Angela. Will serait plutôt l’héritière de Rayanne, à mi-chemin entre la rébellion effrontée et le désespoir camouflé sous des tonnes d’arrogance. Fini les voix off, Will dit tout haut ce qu’elle pense, parfois bravache, et ne se prive pas de faire connaître son avis, ou l’avis qu’elle voudrait avoir. On sent immédiatement la contradiction entre les complexes et blessures, et le côté rentre-dedans et fort en gueule du personnage, le rendant immédiatement humain, c’est-à-dire ni adorable, ni insupportable. Depuis combien de temps n’avais-je pas vu un personnage de ce genre ? Il y a quelque chose de courageux dans la façon dont dés le départ, on nous donne la possibilité de voir au-delà des stéréotypes.
D’ailleurs, pour un épisode d’exposition, le pilote de Huge parvient à éviter un bon nombre d’écueils. En-dehors de la douce Becca, aucun personnage n’est unidimensionnel. Les garces deviennent des victimes, les outsiders des bullies, etc… Côté personnel adulte (et forcément mince), on retrouve la même ambivalence, pas forcément explorée en profondeur mais il faut quand même admettre qu’en 42mn, il s’en dit, des choses, et on a le temps de voir un spectre de nuances particulièrement prometteur.
Non, le pilote n’est pas un chef d’œuvre, évidemment. Ça reste une série adolescente, et une série de ABC Family de surcroît. Mais quand le petit slogan « a new kind of family » est apparu au coin de l’écran, je n’ai pas pu m’empêcher de penser qu’il y avait quelque chose, sinon de nouveau, au moins qui était réapparu après bien des années d’absence. Il ressort des regards en coin et des attitudes de façade quelque chose d’honnête et authentique qui m’avait franchement manqué.
Le pari est sincèrement osé de lancer une telle série à une période où personne ne veut se prendre la tête, et encore moins se voir renvoyé à ses fragilités, avec en plus un casting loin d’être sexy (à l’exception de la petite Hasselhoff qui est juste lumineuse), mais personnellement, quelle que soit la saison et quel que soit l’attrait des acteurs, quand l’histoire est bonne, l’interprétation solide et la réalisation impeccable, on n’a pas besoin de me le dire deux fois. Allez hop, Huge vient de passer dans mon programme de l’été.
N’en déplaisent à ses détracteurs qui y voient un « Dawson-light » plein de clichés (comme si toute série pour ado devait être comparée à Dawson, et comme s’il n’était pas possible de voir dans les contraintes de l’adolescence des thématiques qui ne sont pas des clichés, mais des réalités).
En outre, étant passionné et formé en Santé Publique, j’ai d’autant plus envie de voir comment le sujet de l’obésité peut être traité.
Bien sûr ABC oblige comme tu le dis, il ne faut pas s’attendre à une grande série. Mais avec Holzman aux commandes, et comme je suis fan absolu d’Once and Again, je me dois de regarder la série.
Et ton article me donne encore plus hâte de rentrer chez moi. Merci.