Eh bah vous voyez, c’est exactement pour ça qu’il faut être curieux. Lire des reviews sur des séries qu’on n’a pas encore vue, c’est un début, mais regarder ces séries soi-même reste quand même la meilleure solution. En l’occurrence, je ne lis jamais les reviews avant d’avoir moi-même vu l’épisode concerné, mais je vois bien les titres de post passer et, quand Livia de My Tele is Rich a lancé un vertigineux « Bad Guy : un élégant thriller très sombre« , j’avoue m’être dit que Nappeun Namja (nan mais je persiste, on va appeler les choses par leur nom, pas par une traduction arbitraire et fluctuante d’un site à un autre) devait valoir le coup d’œil. Alors j’ai regardé deux ou trois autres séries moins convaincantes en premier, espérant que le pilote de Nappeun Namja me remonterait le moral.
Je le répète, mettez toujours un point d’honneur à vérifier les choses par vous-même.
Depuis, j’ai donc regardé le pilote de Nappeun Namja, lu la review de Livia, et je peux vous dire que je ne pourrais pas être moins d’accord avec elle. Mais c’est aussi ce qui fait le sel de la téléphagie !
Livia, évidemment, donne le contexte de la série et les raisons pour lesquelles elle s’est lancée dans ce visionnage, et ensuite, on passe à l’explicitation du background du personnage principal, le fameux mauvais garçon. Cet épais paragraphe donne en fait bien plus d’informations que 90% du pilote (je n’ai en effet pas poussé le vice, comme elle l’a courageusement fait, jusqu’à regarder les deux premiers épisodes), et j’aurais presque envie de le qualifier de paragraphe à spoiler si ce terme n’était pas si négativement connoté. En tous cas, Livia y explicite une partie de l’intrigue qui, bien que vitale, est en fait très peu abordée dans le seul pilote, et réservée à deux flashbacks en bout de course. Inutile de dire que si ce paragraphe peut éventuellement être alléchant, ou en tous cas donner les clés de la profondeur du personnage central, Gun Wook, il faut quand même admettre que ça n’apparait pas dans le pilote de façon aussi frappante.
A l’inverse, un paragraphe plus light revient sur le personnages de Jae In, alors que concrètement, les 20 premières minutes du premier épisode lui sont entièrement dédiées, au point qu’on pourrait presque croire qu’elle est le personnage principal de la série. Pas du tout, plus le temps va passer moins on va comprendre ce qu’elle fait là, sa présence ne revêt pas le moindre intérêt à partir du moment où le mauvais garçon entre en scène, mais ce parcours-là, Livia se garde bien de le souligner. Jae In partage d’ailleurs ce paragraphe avec Mo Ne, le vrai personnage féminin important de ce pilote, qui n’a alors droit qu’à une rapide mention.
Mais surtout, tout au long de son post, Livia nous parle de choix narratif, et c’est à ce stade que nos avis divergent certainement le plus. Parler de choix est en fait tout l’objet de ma contestation : il n’apparait pas que le pilote de Nappeun Namja ait pris une direction précise, à mes yeux. On a le début, avec le côté mystérieux de la mort d’une jeune femme dont Jae In est le témoin auditif, sombre et angoissant, mais qui ensuite prend des airs de Shinira Bulriwoon Sanai, désolée de vous le dire. Île de Jeju, saut en parachute, hôtel luxueux et personnage masculin monolithique sont de rigueur. Comment Livia, qui m’a semblée autant traumatisée par Shinira Bulriwoon Sanai que moi, a pu ne pas y voir de similitude, dépasse ma compréhension, car je n’ai vu que ça. En fait, le contraste entre les émotions de Jae In, nuancées et bien interprétées, et l’introduction de Gun Wook, sans substance pendant un bon moment, est absolument saisissant. Les flashbacks, au nombre de deux dans le pilote (mais je le répète, Livia a en fait vu les deux premiers épisodes, ça explique peut-être aussi le grand écart entre nos opinions) ne relèvent pas tant de la construction narrative que du gadget pour plaquer un background sur le personnage masculin central qui, sans cela, passerait son temps à hanter le champs des cameras, au propre comme au figuré, sans nous apporter quoi que ce soit. Notre attention est détournée en permanence de l’intrigue centrale par des petites prouesses (essentiellement dues au fait que c’était financièrement faisable) du genre saut en parachute, confrontations pendant lesquelles Gun Wook se prend systématiquement une mandale où un coup de cutter (quand c’est pas carrément un accident de voiture… ‘tain le mec, c’est pas sa journée, quoi), bref, par de multiples incidents dont le but à peine masqué est de faire plaisir au spectateur masculin dont les hormones réclament du spectacle. C’est surtout ça qui me laisse dans l’expectative, cette absence de courage qui fait que le pilote mange à tous les râteliers.
Le problème n’est donc pas de ne pas vouloir donner tout de suite des pistes pour répondre aux questions que pose l’intrigue. Le problème pour moi, a été cette façon de repousser les réponses avec des scènes sans intérêt. On aurait pu construire le suspense, on se contente de fourguer du grand spectacle pour faire patienter. Ce n’est pas ce que j’appelle une construction narrative. J’appelle juste ça un gadget. Dans ce contexte, saluer à plusieurs reprises l’ambiance m’est physiquement impossible…
On prend parfois les reviews des autres pour argent comptant, en espérant que, si on n’a pas le temps de voir un épisode et/ou une série, avoir lu quelques paragraphes à ce sujet compensera. Voilà qui m’a servi de rappel : ça ne suffit pas.
Naturellement, cette review n’a pas pour vocation de détruire celle de Livia, et j’espère que ma chère consoeur n’en prendra pas ombrage. Ce pilote m’a au contraire semblé être l’occasion idéale de montrer qu’une review peut parfois être trompeuse, en cela que la lire avant de regarder l’épisode concerné peut parfois en donner une idée faussée. Au final, je ne dis pas que Livia a tort, surtout pas, de voir les choses ainsi ; c’est ce qu’on appelle justement la subjectivité ! Personne n’a tort, personne n’a raison. Je suis juste frappée par le nombre de choses que nous n’avons pas vu de la même façon, alors que nous avons vraisemblablement regardé le même épisode, chacune de notre côté.
Faire ses expériences téléphagiques soi-même, c’est la clé.
Aucun ombrage, pas d’inquiétude.
En ce moment, il faut constater que nous ne sommes pas d’accord sur grand chose, en séries coréennes mais pas seulement ! ^_^ (Mais c’est ça aussi qui est intéressant.)
Plus sérieusement, je crois qu’on avait eu une discussion similaire après le pilote de Justified au printemps. Ce jeu de la comparaison est très éclairant sur la part de subjectivité inhérente à toute critique, et que l’effet de groupe « blogosphère » gomme parfois de façon artificielle. Les prétendus consensus/buzz positifs ou négatifs sont souvent surfaits car excessivement policés ; « l’objectivité » prétendue est une façade fragile. La qualité est une notion qui contient sans doute une part de subjectivité non négligeable, quoiqu’on en dise lorsqu’on se drape dans les atours du critique.
Pour moi, dans la façon dont je conçois les reviews (après, j’ai moins d’expérience en la matière, peut-être est-ce un excès de naïveté de ma part), la difficulté d’une critique va être de parvenir à retranscrire et expliquer en mots ce qui a été le ressenti de téléspectateur (le fait d’apprécier ou de ne pas apprécier). A partir de là, les arguments servent avant tout d’explications, étayant des impressions et un émotionnel qui ne sont pas toujours alignés sur un froid rationnel analytique. Il s’agit de les faire se rejoindre et d’essayer de comprendre pourquoi l’on a aimé ou non.
Sinon, je pense aussi que cette impression d’avoir presque vu deux épisodes différents sera doute encore plus exacerbée dans le cadre des pilotes, où chacun découvre, sans idée préconçue, ni préjugés (jugements antérieurs), cette nouvelle production. On n’a quasiment rien lu auparavant sur le sujet, si ce n’est quelques échos parcellaires, et on s’installe devant avec seulement un synopsis et une bande-annonce visionnée. Suivant l’état d’esprit, les attentes conscientes ou inconscientes, etc… on peut se retrouver à percevoir tout cela de façon très différente, plus encore que lorsqu’il s’agit d’une série qui nous a déjà fidélisé, et pour laquelle on a un prisme de lecture pré-établi qui sera moins neutre.
En fait, au-delà de cette question de la subjectivité, et de cette légitimité à pouvoir argumenter presque tout et son contraire (bon, ensuite, cela reste quand même relatif car il faut aussi discuter entre téléphages suffisamment ouverts d’esprit pour ne pas prétendre détenir « la vérité »), je ne suis pas loin de penser que les critiques sont quelque part les dignes descendants des sophistes. ^_^
PS : Au fait, pendant que j’y suis, je crois bien que je ne partage pas ton opinion sur Bad Guy. O