Quand on parle du Japon, 80% des interlocuteurs pensent immédiatement kimono, shamisen et sushi (si ce n’est avec ces mots, c’est au moins vrai en images). Eh oui, 80% des gens sont convaincus qu’en-dehors des Etats-Unis et de l’Europe de l’ouest, la planète est restée bloquée au XIXe siècle ! Vous savez bien : les Africains tapent sur des tambours en peau, les Arabes se promènent à dos de chameau, les Mexicains portent des sombreros… J’ai envie d’appeler ça « l’inculture de masse », si vous voulez. Et être ignorant de l’actualité culturelle de ces pays et tant d’autres entretient l’ignorance globale.
Quand j’étais ado, il y a eu une grande vague de raï. Pour moi qui vivait dans une maison où on n’écoutait pas de musique et où le racisme était de mise, la mode musicale des Khaled, Cheb Mami et autres Faudel a été un phénomène observé à distance, mais avec intérêt et curiosité. Voilà, exactement : c’était vraiment une chose curieuse. Personne ne se trimbalait avec une tenue de touareg ou Dieu sait quel autre vêtement exotique. Les clips se déroulaient dans un milieu à la fois moderne et oriental. Les femmes ne dansaient pas nécessairement avec leur ventre. Beaucoup de sons m’étaient inconnus. A peu près à la même époque, Amina est arrivée 2e à l’Eurovision, et en dépit du visage écœuré de ma mère, il faut quand même bien admettre qu’on n’a plus jamais fait aussi bien.
Il y avait dans tout ça une leçon à apprendre sur le monde. Il avait évolué partout ; la musique n’était pas réservée à l’Occident. Les cours d’Histoire nous apprenaient qu’il y avait des pays industrialisés et d’autres non. Les cours de récré m’apprenaient que pour autant, nous vivions tous dans un monde où chaque pays avait une culture potentiellement accessible à tous. Nous vivions tous dans une ère de popculture, certaines moins accessibles que d’autres jusqu’au jour ou mystérieusement, on braquait les projecteurs sur la popculture d’un autre pays.
La mode du raï a faibli, mais jamais disparu. Dans toutes les FNUC que je fréquente, il y a un rayon dédié. Ca s’explique démographiquement, bien-sûr, mais je crois aussi que du jour où on a ouvert nos oreilles à cette musique, on a accepté que cette partie du monde entre dans notre quotidien.
Avec cette mode du raï, on a accepté de voir que d’autres cultures avaient quelque chose à offrir, et pendant qu’on scandait « Aicha, Aicha, écoute-moi », on assimilait sans le savoir quelques bribes de réalité sur des pays lointains que la plupart d’entre nous n’avaient jamais vus. La popularité d’un produit culturel a permis d’atténuer les stéréotypes. C’était un début.
Je crois énormément en cela : un produit culturel comme outil pour aider la compréhension mutuelle des peuples.
C’est fou ce qu’on apprend d’un pays en regardant ses fictions, en écoutant sa musique. Nous sommes tellement imbibés de culture américaine qu’on ne se rend même plus vraiment compte de tous les codes culturels que nous avons ainsi assimilés comme étant différents, mais pas choquants. Et je dis tant mieux.
Quand je vivais avec mon ex, il y a quelques années, nous avions la chaîne musicale allemande VIVA dans notre bouquet. J’ai alors découvert des artistes allemands dont je ne suis pas nécessairement l’actualité aujourd’hui (quand ils en ont une), mais j’aime toujours certaines chansons que j’ai découvertes alors. Certains artistes anglophones étaient diffusés sur VIVA avant même que qui que ce soit en parle en France, c’est aussi comme ça que j’ai découvert les Sugababes et Delta Goodrem, dont là aussi quelques chansons font partie des mes classiques.
Deux ou trois ans plus tard, via un ami avec qui je partageais mon goût pour la musique japonaise, j’ai testé un peu popmusic russe (et pas que Tatu). Une amie m’a prêté le film Devdas et j’ai eu une période de cagoulage de clips indiens assez prononcée.
C’est toujours plus facile avec la musique. La musique pénètre mieux les foyers, du fait du nombre de radios et parce que la musique n’engage à rien (sincèrement, on diffuse certaines musiques populaires au Japon en club, je suis certaine que les gens n’y verraient que du feu et s’amuseraient tout pareil). Les films y parviennent plus ou moins, selon ce que propose le festival de Cannes et au gré du bon vouloir de quelques éditeurs courageux (notamment parce qu’engouffrés dans la niche des films asiatiques). Avec les séries c’est encore très compliqué et pourtant, on n’a jamais été aussi proches de repousser les frontières grâce à internet. Je ne vais pas vous ressortir mon couplet sur les bienfaits d’internet en matière de découverte téléphagique, j’ai dû vous le chanter des dizaines de fois ; dire que ce blog est une ode à la curiosité sans frontière et donc au cagoulage n’est pas exactement une exagération de la vérité.
Mais enfin, écoutez, moi, j’en ai marre d’être patiente. J’en ai marre d’attendre que les télévisions se bougent pour nous offrir ce qui tombe sous le sens. Je suis pourtant pas une consommatrice exigeante : je veux qu’on m’apporte ce qui existe déjà, et se vend déjà… mais ailleurs. C’est pourtant pas compliqué d’acheter des trucs et de les diffuser.
Alors je vais vous dire : j’ai entendu dire par mes cours de marketing, il y a quelques années, que le marché est dominé par la loi de l’offre et de la demande, et surtout, que la demande, ça se crée. Qu’à cela ne tienne.
Vous croyez que les manga qui dans une semaine vont faire ruer des hordes d’otaku à Japan Expo, ils sont arrivés en France parce qu’un beau matin, 150 000 personnes se sont réveillées en se disant qu’elles allaient jeter un œil à des BD éditées de l’autre côté de la planète ? Non, quelqu’un leur a apporté les outils, les videos, les supports papier, encore et encore jusqu’à ce que ça fasse tache d’huile. Un marché s’est créé parce qu’on a donné aux gens la possibilité d’être curieux, et sérieusement, je pense pas que les gens soient aussi cons que ce que les chaînes pensent, et qu’ils refusent d’être curieux. Pas tous.
J’ai envie de faire un pari. De dire : voilà, je vais essayer de me cultiver un peu, et ensuite de ne pas garder toute cette popculture nouvellement acquise pour moi, mais au contraire de faire tourner l’info. Au début ya trois clampins qui me suivront, puis ce sera dix, ce sera quinze, ce sera cinquante, et c’est comme ça que ça marche pour tout. Si j’arrive à cent, je suis contente. A 500 c’est champagne. A 1000 je fais péter la coke. Au-delà je loue la navette spatiale la plus proche et je vous emmène tous faire un group hug dans l’espace.
Vous me suivez ? Zêtes avec moi ? Dans les mois à venir, je vais tenter des trucs. Je compte sur vous, ok ? Que tous ceux qui sont curieux me suivent !
Et puis, pensez à tout le pognon qu’on pourra se faire dans 10 ans en organisant Telephagic Expo à Villepinte.
Et si yen a qui protestent par allergie à la curiosité, envoyez-les moi.
Humm je kiffe la Telephagic Expo (j’ai fait ma première Japan Expo cette année et j’ai adoré) !
J’ai commencé cette année à découvrir les séries japonaises et je ne regrette pas, je ne connais pas encore bien l’univers mais j’adhère !
J’étais pourtant pas chaude-chaude au début ! Mais force est de constater que j’ai finalement craqué…
J’adore 🙂
J’adore ton article! Tellement vrai ce que tu dis là… on est trop imbibé par les Etats-Unis niveau culturel (Et effectivement, surtout niveau télévision et musique).
Bref, malheureusement je ne pense pas avoir le temps de me cultiver télévisuellement parlant comme tu en parles mais je compte bien lire tes articles
Enfin bon pour conclure : excellent article.
Newsring
Coucou, je viens de Newsring. J’aurai aimé lire ton blog depuis longtemps…
Dans ce post, il y avait déjà tout ce dont on parle aujourd’hui dans le débat sur les séries USA/UK. Ca rejoint aussi les préoccupations de mon blog sur le cinéma et la diversité culturelle dans le marché de la distribution. Alors je suis heureux de découvrir ton blog.
Je connais un paquet de gens « allergiques à la curiosité », alors je te les enverrai
Merci pour ton combat critique et ton humour.
Et bonne continuation.