Adieu veaux, vaches, cochons… bulle économique

25 mars 2010 à 5:10

Un peu d’histoire. Ou d’économie. Plus vraisemblablement les deux. En 1989 explosait la « bulle » économique du Japon, dans laquelle se complaisait le pays alors en plein boom. Soudain, les conditions économiques ont cessé d’être mirobolantes, et par voie de conséquence, l’immobilier s’est effondré, les prêts n’ont plus été accordés, les entreprises ont fermé, le chômage a augmenté. Note : je parle bien du Japon des années 90 et pas de la France des années 2010.

C’est dans ce contexte que s’inscrit Okane ga nai!, une série de 1994 qui commence par nous dresser le portrait d’une famille complètement sur la paille, et vivant dans des conditions pour le moins précaires. Il faut dire que le décès des parents n’a pas vraiment joué en leur faveur, et que les trois garçons vivent sur le maigre salaire de l’aîné, Kentarou, qui a abandonné ses études pour trouver un travail… qu’il va perdre, son entreprise faisant faillite. A la suite de quoi les usuriers se pointent pour réclamer leur argent, le proprio vide la cabine qui leur sert de maison et les expulse, bref, c’est la débandade.
La scène-clé du pilote est d’ailleurs plus dure que la moyenne, pour une série japonaise notamment, parce que voilà les deux petits frères en train de dormir sur un banc, sous quelques feuilles de papier journal, et Kentarou comprend qu’il a tout perdu et que surtout, les deux petits, là, ça va pas. Malgré sa bonhommie et ses bêtises, Kentarou parvient à retranscrire toute la désolation nécessaire (je ne savais pas Yuuji Oda bon comédien, c’est dommage que finalement il ait choisi la chanson comme carrière ce garçon) pour que cette scène ne semble pas plaquée mais réellement percutante.

Là, comme ça, je comprends que vous trouviez ça dramatique. Mais l’atout majeur de la série, c’est que Kentarou est d’une nature positive. Ou peut-être naïve. Enfin, en tous cas, il ne se laisse pas abattre, même si pour survivre il devait s’enfuir d’un restaurant tous les jours (très amusante façon de mettre en place sa combine, d’ailleurs). Avec ce personnage aux moues diverses et amusantes, on n’a pas envie de se tirer une balle, et franchement, c’est vraiment à ça que ça tient, parce que même le petit frère (qui s’occupe des repas et des finances de la famille) a de quoi déprimer.

Tout l’objet de Okane ga nai!, c’est de voir comment Kentarou, qui prend durement conscience des circonstances dans lesquelles ses deux petits frères sont en train de grandir, va s’arranger pour se faire une place au soleil. Et cette envie de mener la belle vie (c’est-à-dire de ne plus s’inquiéter des problèmes d’argent) passe, je vous le donne en mille : par le travail. Oui, on n’est pas dans une série américaine, un coup de chance ou un plan invraisemblable n’y suffiront pas, il faudra bosser d’arrache-pied.

Mais bien-sûr, il faudra aussi beaucoup d’astuce, car Kentarou n’a pas de diplôme, il est pauvre comme Job, et il commence par trouver un boulot dans une société fournissant des services d’entretien le jour, et de gardiennage la nuit ; Kentarou va donc commencer sa carrière en visant les poubelles et en patrouillant dans les couloirs sombres à peu près 24h sur 24. Mais il est bien décidé à améliorer son sort, on l’a dit, et cela passe par une entreprise de courtage en assurances sur laquelle il a des vues. Dirigée par une business woman inflexible, l’entreprise n’est pourtant pas des plus accueillantes, mais voilà, on y brasse de l’argent. Et avant même d’avoir pris conscience des conditions de vie de ses frères, Kentarou voit sa curiosité piquée par ce qui s’y passe ; la scène où on le voit lire par-dessus l’épaule des courtiers, tenter de comprendre les documents ou épier le fonctionnement du bureau montre que sans même que ce soit une question d’argent, Kentarou est un esprit vif qui est capable d’aspirer à mieux, même s’il ne s’en aperçoit pas lui-même.

Il y a un facteur d’identification devant Okane ga nai!, c’est évident. Pour les mêmes raisons que devant Zeni Geba, mais sur un mode différent puisqu’ici, on reste quand même dans une dynamique positive typiquement japonaise, sur l’air de « toi aussi si tu te donnes à fond tu peux changer de vie ». Mais il y a une telle sincérité dans le personnage de Kentarou, le loser qui veut devenir quelqu’un (et même pas pour lui-même, même s’il en a la curiosité intellectuelle), qu’on adhère franchement, d’autant qu’on évite un certain nombre d’écueil qui, est-ce la faute du temps qui passe ? Semblent devenus difficilement contournables par un grand nombre de séries d’aujourd’hui.

Et puis, des séries des années 90, je n’en ai pas vu beaucoup, et je dois dire que j’apprécie le voyage… une fois qu’on a réhabitué son œil aux tailleurs colorés et aux cheveux gominés, c’est plaisant, en fin de compte.

 

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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