Il m’a fallu 15 à 20 minutes, au bas mot, pour faire taire cette petite voix qui dans ma tête, pendant le pilote de The Pacific, répétait en boucle « Band of Brothers, Band of Brothers, Band of Brothers« … et comment la faire taire plus vite, en effet, quand tout dans la production de cette nouvelle mini-série persiste à répéter les mêmes ingrédients : les témoignages de vétérans, la musique, le générique… les codes sont intégralement repris.
Dans un premier temps, c’est d’ailleurs assez gênant. D’où cette petite voix lancinante impossible à réduire au silence. Peut-être aurait-il tout simplement fallu assumer le côté spin-off de la chose ? D’autant qu’il est difficile d’oublier l’excellence de l’illustre aîné…
The Pacific met du temps à prendre ses marques et à s’en différencier. Le tournant est pris au moment du débarquement… Alors que le découragement du spectateur est à son comble, enfin, l’épisode offre un retournement inattendu et coupe le cordon. Nous y voilà enfin, il fallait attendre que les Marines aient posé le pied sur leur île du Pacifique.
Et quelle île. Contrairement à Band of Brothers qui n’hésitait pas à frapper d’un grand coup avec une ambiance propre aux séries de guerre assez tôt dans le pilote, ici, The Pacific entretient une atmosphère oppressante pour les personnages (et donc pour le spectateur)…
L’ennemi est tout près, mais il semble aussi trop loin. Aucun contact. Un rendez-vous manqué avec l’action. Puis un autre. Et à chaque fois, la perte des rares repères qu’on peut avoir quand on est en guerre à des milliers de kilomètres de chez soi. Même quand ils se battent à quelques kilomètres de la côte, ils semblent invisibles, ces fichus Japs. On craint de les voir partout mais ils ne sont en fait nulle part. On voudrait apercevoir leur éclaireur, mais ce n’est que le vent dans les arbres.
Et quels arbres. The Pacific, c’est aussi, de façon totalement inattendue, une ode contemplative à la nature des îles du Pacifique. Ce qui remplace les filtres incroyables de Band of Brothers, c’est cette fascination authentique pour la verdure environnante. Plusieurs fois, les soldats se trouvent absorbés dans les images un peu hypnotiques que forment les arbres se balançant doucement dans le vent las qu’on imagine tiède et moite. Le tableau ne saurait être complet sans quelques cris d’animaux et d’oiseaux.
La nature semble pure, comme jamais touchée par l’homme, et c’est ce qui rend le voyage si angoissant, car cette nature en apparence vierge amplifie le sentiment de s’aventurer dans l’inconnu. C’est aussi ce qui rend les quelques images d’horreur, fugaces, comme les quelques soldats exécutés en plein milieu de la forêt. On a retrouvé le paradis perdu, et il faut pourtant s’attendre à subir la violence humaine à tout instant.
C’est l’une des grandes forces du pilote de The Pacific, sa plus belle preuve d’éloquence. C’est presque dommage de l’avoir bêtement explicité ensuite dans la lettre.
L’explosion de violence sur la fin de l’épisode n’en devient, du coup, que plus terrible.
Jusque là, l’ennemi, c’étaient des injures raciales, des appareils, des ombres furtives qu’on pensait voir entre deux branches. Autant dire un ennemi sans visage. Pendant la scène de combat, aucun corps à corps, tout se fait à distance, chaque camps canardant l’autre au mieux en espérant éviter le combat.
Et puis vient cet homme, ce Japonais. C’est le premier dont on voit le visage. Et ce visage est marqué par la démission. Ce visage dit qu’il y en a marre de ces conneries. Ce visage est celui d’un humain complètement désemparé. C’est là que The Pacific sacrifie à ce qui est le passage obligé de toute série de guerre, l’instant suprême de doute, et le fait avec talent et poigne.
La marge de manœuvre de cette mini-série, pour se distinguer réellement de celles qui l’ont précédée, est assez réduite. Mais même sans ça (et au vu de ce pilote, il n’est pas dit qu’on doive s’en passer), The Pacific est la promesse d’une fiction de guerre rondement menée, intelligente et tonitruante à la fois. Une série de guerre comme on les aime, quoi.