Aujourd’hui, c’est une exclusivité assez énorme que je vous propose : j’ai pu obtenir du scénariste d’une série coréenne une interview téléphonique. Lui, moi, des kilomètres de fils et beaucoup de questions après le visionnage du pilote, que je me suis empressée de regarder afin de pouvoir soutenir la conversation.
Je ne vous cache pas que je suis assez fière d’avoir réussi ce gros coup qui, autant le dire, est absolument unique sur la blogosphère téléphagique francophone. C’est du grand journalisme, la voilà la vérité.
Je vous propose donc ci-dessous l’intégralité de cette interview avec Hong Ku Lee, scénariste de la série Shinira Bulriwoon Sanai, alias A Man Called God pour ceux qui ne pratiquent pas le Coréen couramment.
lady – Monsieur Lee, bonjour. Merci de l’honneur que vous me faites. Je voudrais commencer par une question simple : pouvez-vous résumer pour mes lecteurs l’histoire de la série ?
Hong Ku Lee – Bien-sûr : c’est l’histoire d’un homme profondément marqué par un acte terrible qui s’est produit dans son enfance, et qui a développé une haine féroce envers les assassins de ses géniteurs ; doté d’une force phénoménale et d’un caractère en acier trempé, mais aussi accompagné d’amis loyaux qui l’aident dans sa quête, il a décidé de triompher de la tyrannie moderne à sa manière.
lady – Oui donc c’est l’histoire d’un mec qui veut buter plein d’autres mecs, si je comprends bien ?
Hong Ku Lee – C’est une autre façon de le dire.
lady – Quel est votre message à travers cette série ?
Hong Ku Lee – Il s’agit essentiellement d’explorer les profondes abysses où s’égare l’âme humaine lorsqu’elle est aveuglée par la vengeance, mais je veux aussi dire qu’il y a une part en nous qui nourrit de l’espoir, l’espoir de trouver la paix et de ne plus être tourmenté par ses démons.
lady – Ah, il y a une histoire d’amour ?
Hong Ku Lee – C’est amusant que vous en parliez parce que, en effet, il y a une histoire d’amour dans cette série. Mais évidemment les choses ne se passent pas toujours comme on le souhaiterait, et les personnages ne comprennent pas tout de suite l’ampleur des sentiments qu’ils ont l’un pour l’autre… Il faut dire que les circonstances ne les y aident pas vraiment et que la vengeance du protagoniste principal a tendance à justement l’aveugler.
lady – D’accord, je vois. Ils vont se croiser pendant plusieurs épisodes avant de réaliser leurs sentiments l’un pour l’autre alors ?
Hong Ku Lee – Quelle fine analyse de mon œuvre ! Comment l’avez-vous deviné ?
lady – J’ai triché : j’ai écouté ce qu’il se disait. Quand la grande perche a tapé une crise de jalousie, j’ai connecté les points et…
Hong Ku Lee – Quel incroyable sens de la déduction ! Si vous aimez la stimulation intellectuelle, alors vous devriez être captivée par les questions complexes que pose la série, dans ce cas.
lady – Comme…?
Hong Ku Lee – Eh bien : qui est cet homme ? Qui a tué ses parents ?
lady – Pourquoi a-t-on tué ses parents ?
Hong Ku Lee – Euh, non… Non ça n’est pas la question. On ne va pas se perdre dans ce genre d’inepties. Ce que le spectateur attend, c’est avant tout des intrigues solides, pas de partir dans de bêtes conjectures sans queue ni tête.
lady – Eh oui, bien-sûr. Sur un autre sujet : le pilote se déroule intégralement à Hawaï, est-ce que toute la série se déroule à l’étranger ?
Hong Ku Lee – Dans mon script d’origine c’était le cas, afin de faire comprendre à quel point Michael King est un homme cosmopolite et capable de changer totalement d’identité. Il peut se glisser dans la foule quel que soit le pays, c’est un véritable caméléon. Je voulais appeler la série comme ça au début, d’ailleurs.
lady – Mais voilà : c’était déjà pris.
Hong Ku Lee – C’était déjà pris, oui. Et puis, pour répondre à votre question, la chaîne n’a pas voulu qu’on tourne intégralement à l’étranger pour de sombres questions de budget. Je trouve ça terrible de sacrifier l’art au nom de la rentabilité, mais c’est aussi comme ça que fonctionne cette industrie.
lady – Donc en fait, tout est dans le pilote ?
Hong Ku Lee – Oui ! Les décors somptueux, les voitures et les bateaux de rêve, les décors créés numériquement… même les jolies filles, on n’a pu en payer que le temps du pilote. Après, plus rien, kaput, niet, nada, que dalle, foutu.
lady – Du moment que le contenu n’en pâtit pas…
Hong Ku Lee – Non, et heureusement ! J’ai veillé à ce que la qualité reste la même.
lady – Comme dans la scène où le gentil et le méchant se battent, et pendant laquelle la jolie journaliste prend des photos sur le pont du bateau ?
Hong Ku Lee – Comme celle-là, oui.
lady – Et comme dans la scène où le héros emmène la jolie journaliste qui ne sait pas nager sur sa planche de surf et l’abandonne à la distance infranchissable de 200m de la côte ?
Hong Ku Lee – Oui, c’est un excellent exemple, celle-là aussi.
lady – Et aussi, comme dans la scène d’ouverture qui dure 2mn30 et où le perso principal fait du saut en parachute, de l’équitation et un combat à l’épée sans qu’il n’y ait de dialogue ?
Hong Ku Lee – Oui !!! Oui ce sont tous des moments-clés, vous avez tout compris.
lady – Je crois un chimpanzé capable d’en faire autant. Mais revenons un peu sur cette scène d’ouverture. Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de faire faire toutes ces choses incroyables à Michael King ?
Hong Ku Lee – C’est quelque chose dont nous avons longtemps parlé avec les producteurs. Je voulais absolument que cette scène soit le miroir du dilemme interne du héros, qui bien qu’étant un homme d’action, possède avant tout une âme fragile qui tente de s’adapter au monde brutal qui l’entoure. Et je crois que nous avons formidablement bien retranscrit le fait que… comment dire ? Que…?
lady – …Que vous avez le pognon de le faire et que vous ne vous êtes pas privé ?
Hong Ku Lee – Exactement.
lady – Vous m’avez fait parvenir une copie du scénario pour ce premier épisode et je vous en remercie. J’en ai intégralement lu les 7 pages, et je dois vous le dire, il est absolument incroyable parce que le personnage principal ne parle, concrètement, que dans la scène où il confronte l’un des assassins de son père.
Hong Ku Lee – C’est un homme mystérieux, oui. D’autant que le traumatisme de son enfance l’a poussé à un certain mutisme.
lady – Mais ce qui est bien c’est que par contre il a beaucoup de temps d’antenne, alors on le voit souvent, son visage, ses yeux, tout ça… mais on l’entend pas. Un parti-pris artistique ?
Hong Ku Lee – Mais absolument, parce que toute l’émotion passe par son regard !
lady – Les…? Vous dites ? Les motions ?
Hong Ku Lee – Shinira Bulriwoon Sanai est avant tout un plaidoyer pour la non-violence et je pense que c’est assez clair dans le regard de Michael King. Il n’y avait pas besoin de long discours.
lady – Eh oui et puis, sinon, ça diminuait l’impact des scènes d’action.
Hong Ku Lee – Aussi.
lady – Nous citions un peu plus tôt Le Caméléon. Cela signifie-t-il que vous regardez des séries occidentales ?
Hong Ku Lee – C’est nécessaire à l’époque dans laquelle nous vivons, nous ne pouvons pas travailler en circuit fermé, il faut savoir se nourrir des créations venues d’ailleurs.
lady – Quelle est la série occidentale qui, disons, vous sert d’inspiration ? Votre référence, en fait ?
Hong Ku Lee – Oh ! Il y en a beaucoup, mais je dirais… principalement Caraïbes Offshore.
lady – C’est ce qu’il m’avait semblé… Cher Monsieur Lee, je ne vais pas vous retenir plus longtemps. Juste une dernière question, que je me pose depuis le début de notre interview : c’est votre vrai nom, ou c’est un pseudo que vous avez pris spécialement après avoir écrit ce scénario ?
Hong Ku Lee – Non, c’est mon vrai nom.
lady – Comme quoi ya pas de hasard ; merci infiniment et à très bientôt !
Ah merci pour l’apport de ce scoop, de cette exclu mondiale… J’ai beaucoup aimé… (mdr comme on dit maintenant ! )
M’en vais revoir Le Caméléon moi tiens…
Hi hi, excellent cet article !
En plus, je m’incline très bas parce que je n’étais vraiment pas certaine qu’on puisse trouver même juste un scénariste derrière A Man Called God (parce qu’un dialoguiste, c’était au moins certain qu’il n’y en avait pas).
Enfin, l’essence de la série est bien captée. (lol)
Bon, plus personnellement, ça me chagrine un peu pour l’acteur principal (que je ne reconnais plus avec ce look de toute façon), car il reste attaché à des dramas que j’ai bien aimés dans le passé, comme Jumong. Mais je vais faire un effort, même si je parviens à rédiger une review, je vais essayer d’oublier l’avoir jamais croisé dans ce drama. Je vais même tâcher de me dire que AMCG n’a jamais existé (avec beaucoup de mauvaise foi).
En tout cas, merci beaucoup pour ce format d’article original ! Expérience à ne pas hésiter à reproduire dans le futur !