A mile in someone else’s sofa

1 février 2010 à 14:23

Lorsque je m’apprête à découvrir un pilote, ma technique est essentiellement la suivante : j’évite les trailers autant que possible (c’est de plus en plus souvent vrai), je ne lis aucune review avant d’avoir moi-même visionné l’épisode, je regarde le pilote, je me fais une opinion (c’est pendant cette phase que je rédige mon post s’il y a lieu), et ensuite, j’entame la phase de lecture.
Et plus la série me plaît, plus je lis. Dans le cas d’un Spartacus: Blood and Sand, mettons, au plus deux blogs suffisent (oh, maximum ; vraiment !). Dans le cas de United States of Tara, ce serait plutôt le contraire, il n’y a jamais assez d’opinions à confronter à la mienne.

Mathématiquement, il est donc logique que du coup, plus je lis d’opinions plus j’ai de chances de sortir de la sphère téléphagique dans mes lectures. Et c’est alors que j’épluche les avis des non-téléphages, ceux que j’appelle les télambdas, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas trop passionnés, ni caricaturalement benêts, le type de la rue en fait ; comme vous et moi mais avec une vie en-dehors de son écran, quoi.

Parfois je tombe des nues. Parfois je trouve ça rassurant. Parfois je découvre des points de vue auxquels je n’aurais jamais pensé. Mais c’est toujours intéressant, en définitive, de voir ce que peuvent penser les gens qui ne baignent pas dans nos références et nos exigences d’habitués. Il faut juste prendre l’habitude de ne pas penser qu’on a raison, et essayer de s’ouvrir à la possibilité que tout le monde ne pense pas comme nous, même si devant certaines réactions qui nous semblent incongrues, c’est parfois une certaine forme de sport cérébral !

Prenons un exemple… tiens, Nurse Jackie ; j’étais hébétée de lire les réactions sur des blogs d’infirmières. La plupart étaient absolument outrée par le portrait que Jackie faisait de la profession. Jamais je n’avais lu, dans les commentaires, une suite aussi ininterrompue de retours négatifs sur la série, voire carrément agressifs.
Comme vous le savez probablement, j’adore Nurse Jackie, mais ce n’était pas vraiment le problème. Le problème, c’est que ces exclamations vexées me semblaient totalement à côté de la plaque. Précisément parce que les télambdas ne comprennent pas forcément l’intérêt d’une série télé : il ne s’agit pas d’un publi-reportage, on n’y fait pas la promo ou la critique d’un métier. Nurse Jackie, c’est le portrait d’une femme qui est infirmière, pas d’une infirmière qui les représente toutes, et si ça me semblait si évident, ça ne l’était pourtant pas pour ces infirmières elles-mêmes, qui se sont senties attaquées.

Dans ce genre de cas, la téléphagie, c’est aussi ça. C’est essayer de se mettre à la place d’un personnage, et puis aussi, une fois de temps en temps, de se mettre dans le sofa d’un autre spectateur, et imaginer son ressenti.
Les infirmières avaient vu quelque chose qui m’avait échappé : Jackie est un mauvais exemple d’infirmière. Et ça m’avait échappé parce que Jackie est, à mes yeux, un excellent exemple d’être humain.

Dans le cas de United States of Tara, que j’évoquais plus haut, j’ai lu bien des critiques (et si vous vous souvenez, le pilote m’avait laissée dubitative), mais celle qui m’a le plus frappée, c’est celle d’un blogueur anglophone qui à l’issue du second épisode constatait : « It’s becoming clear that this show is going to use its extreme (and impossible!) premise as a parable illustrating that all families are
crazy in their own way, not just ours
« .
En d’autres termes : il devient clair que cette série va utiliser ses prémisses extrêmes (et impossibles !) comme une parabole illustrant que toutes les familles sont folles à leur façon, et pas juste la nôtre.
L’auteur s’appuyait pour cela sur le générique, et notamment les paroles « I know we’ll be fine, if we learn to love the ride » (paroles que j’avais interprétées comme faisant référence au travail de Tara pour se trouver elle-même au milieu de toutes ces identités).
Devant une telle lecture, je suis restée sur ma chaise, les bras ballants et la mâchoire sur le clavier. Il ne m’a en fait jamais semblé que la série tournait autour des liens familiaux. Elle tourne avant tout autour de Tara, de ses problèmes, et ensuite de la façon dont ça rejaillit sur sa famille. Il ne s’agit pas de démontrer quoi que ce soit, mais de… profiter du voyage aux côtés de Tara. C’est fou que quelqu’un ait vu ça dans les mêmes images que j’ai regardées.

Ce genre de lectures a souvent pour effet premier de nous faire nous exclamer : « mais… on a regardé la même série ?! », quand, en fait, il faudrait simplement dire : « on a regardé la même série, mais avec des yeux différents ». Et ça rend le visionnage, finalement, encore plus enrichissant, si l’on en fait l’effort.

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3 commentaires

  1. Nakayomi dit :

    Côté technique, j’avoue que j’aime bien lire un ou deux articles ou voir quelques trailers pour des trucs dont je ne suis pas très sûr. Après, une fois que je sais que je vais regarder, je préfère aussi lire a posteriori. Et c’est vrai que là on découvre des choses différentes… Bon, j’avoue par contre que c’est assez rare que je tombe (parce que je ne fais pas l’effort de chercher en fait) sur des articles de non-sériephiles/phages, bref, de télambdas (je n’ose même pas imaginer que ça existe en fait… lol).

    Pour ce qui est des réactions de certains corps de métiers à certaines séries, c’est sûr que le regard doit être différent. J’imagine qu’il aurait aussi sans doute été marrant de faire un pareil constat à la diffusion des premiers épisodes de Dr House avec des médecins qui auraient regardé la série (bon, je crois que j’avais déjà lu un ou deux trucs à ce propos, mais je me souviens plus vraiment).

  2. Livia dit :

    Pour les pilotes, j’avoue prendre le temps de lire en diagonales certaines réactions sur les forums ou sur les blogs, lorsque j’hésite à découvrir telle ou telle série. Quand le scénario ne me motive pas assez, cela peut être le petit déclic qui va me convaincre de m’installer sur mon canapé.

    Généralement aussi, plus j’aime un pilote ou une série, plus j’ai envie de lire d’avis sur le sujet. Parce que, comme tu le dis, c’est très enrichissant de voir expliquer des interprétations complètement différentes des siennes ; ou encore de lire des ressentis émotionnels qui n’ont rien à voir avec ceux que l’on peut vivre devant la série. (J’aime beaucoup la façon dont l’affectif peut être retranscrit dans les critiques ; par opposition, je n’aime pas trop la review disséquant l’épisode de façon trop « clinique ».)

    Mais sinon, je suis quelqu’un de malheureusement très sectaire et je m’aventure très rarement en dehors de la blogosphère téléphagique. C’est rassurant de voir évaluer un pilote avec une grille qui correspond à la sienne, ou du moins que l’on peut comprendre. Même si on peut avoir des interprétations très différentes, des avis opposés, la plupart du temps, le raisonnement, au moins, est familier. Tandis que face au téléspectateur lambda,je suis plutôt désarmée. Je comprends rarement ni la grille de lecture, ni les attentes… et en fait, je suis souvent perdue, décontenancée, désarmée par ce que je peux alors lire.

    Pour les réactions des corps de métiers, cela rejoint un peu la problématique récurrente entre fiction et vie réelle. Je n’y attache pas trop d’importance, je l’avoue. Une série reste une fiction, la plupart du temps, elle ne s’étend pas au-delà, mise à part quelques exceptions.

  3. Miya dit :

    En ce qui concerne Nurse Jackie, je suis assez étonnée; je ne trouve pas qu’il y ait un aspect négatif du métier d’infirmière, Jackie est au contraire remarquable dans son job malgré tous ses travers.

    Et ma soeur, qui est infirmière également, adore cette série.

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