Petit enka

5 novembre 2009 à 23:33

Je vous promettais ces derniers jours qu’on reparlerait d’Enka no Joou, voici l’heure venue. On aurait d’ailleurs pu penser que, faisant partie des 10 ou 15 personnes de moins de 30 ans qui, en France, écoutent de l’enka de leur plein gré (bien qu’à doses homéopathiques… mais quand on commence à acheter des DVD, c’est quand même un signe), je me serais ruée dessus plus tôt. Mais figurez-vous que, c’est tout bête, vous allez voir… j’en ignorais l’existence jusqu’à présent. Pourtant Enka no Joou raconte les tribulations d’une jeune femme, Himawari, qui ambitionne de devenir une grande chanteuse d’enka, et de se produire sur la scène du Kouhaku (la grand messe annuelle de la musique au Japon).

Ah, tiens, mais au fait, est-ce que vous savez ce qu’est l’enka ? Décidément, tout est à faire, dites donc. Eh bien figurez-vous que vous avez devant vous l’une des rares personnes à même de vous l’expliquer en langue française. Il ne sera pas dit que vous vous coucherez idiot ce soir ! Enfin, on va voir ce qu’on peut faire, en tous cas. Nan, je peux pas faire de miracle, non plus…

L’enka, si vous demandez au premier clampin venu, c’est ça :

Sinon, il y a la version éduquée de l’histoire. Et je la crois nécessaire pour comprendre un peu mieux ce qui se trame dans Enka no Joou, qui est, de par son thème, une série très référencée culturellement.

L’enka est un genre musical qui, bien que sonnant comme traditionnel, a en fait autour d’un siècle. Si effectivement il puise son inspiration dans les traditions musicales japonaises, il a été inventé par l’industrie phonographique. L’idée, c’était de faire appel à une imagerie volontairement stéréotypée de la culture japonaise, pour faire appel à la nostalgie de l’auditeur. Quelque part, les Japonais ont tout un genre musical dédié à faire appel à leur passé commun.
L’enka, outre ses mélodies plus ou moins ancestrales, donc, est doté de paroles qui tournent systématiquement autour de thème du même acabit : le village natal à la campagne, qu’on regrette, la ville tourbillonnante, où on a le mal du pays, les premier amour, forcément fini, etc…

Si vous croisez quelqu’un qui veut vous faire croire que l’enka, c’est LA musique que les Japonais écoutent, attention cependant, vous aurez affaire à un bonimenteur. Le genre est, certes, ancré dans l’identité nationale japonaise (c’est ptet ça qu’il faut à Éric Besson ? Un ptit coup d’enka et on sait qui on est), mais il ne touche qu’une partie bien ciblée de la population. Que je résumerai en un mot : mémés. Ce sont elles qui achètent cette musique. Je place dans cette catégorie, en fait, toutes les ménagères de plus de 50 ans. Ce qui dans un pays qui vieillit, évidemment, fait du monde, mais quand même. Car merci de ne pas oublier que la musique au Japon, c’est aussi la pop, le rock, le R’n’B, le hip hop, le rap, la dance, l’electro, le reggae, le dancehall, la bossa nova, le jazz, et j’en passe.
Et en cas de doute, vous êtes autorisés à aller le vérifier par vous-même.

Je pense que ces données sont importantes pour comprendre Enka no Joou, la princesse (déchue) de l’enka.

L’héroïne y est l’archétype du loser récidiviste, un peu poissard par-dessus le marché, et le côté éminemment ringard (pour sa tranche d’âge) du genre musical qu’elle a choisi participe à ce portrait. Il est évident que si Himawari avait choisi le R’n’B (bon, déjà son nom de scène ne serait pas Himawari, tournesol), l’histoire serait radicalement différente, et le personnage aussi.
C’est aussi, peut-être, la raison pour laquelle la seule personne qui semble comprendre vraiment l’héroïne, c’est celle qui aurait pu être sa belle-mère.

Enka no Joou
, c’est quelque part une série sur l’échec d’une certaine vision du Japon. « Si tu te donnes du mal, tu peux arriver à tout », pour une fois non. Et fi des mariages et convenances, aussi. Les malheurs de Himawari sont drôles, certes, hilarants même, mais ils donnent aussi un certain regard.

Vous avez les clés pour tout comprendre de cette série, à vous d’aller y jeter un œil, car une fois que vous savez tout ça, vous n’avez plus qu’à apprécier la série pour son côté comédie, et son côté avisé. Et si jle sujet vous a plu, je recommande l’ouvrage Tears of Longing, une vraie bible sur le sujet (bien que parfois très technique).

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