Lorsqu’on regarde une fiction, on la regarde pour elle-même. Mais parfois, il arrive qu’on ne puisse s’empêcher de penser à une autre, d’établir la comparaison. Pour une raison qui ne nous apparaît pas forcément de façon évidente, d’ailleurs.
Avec Fumou Chitai, ça a été le cas. Plus l’épisode avançait et plus je pensais à Band of Brothers.
Pourtant, si toutes les deux parlent de guerre, elles n’en parlent pas du tout de la même façon. Pas seulement parce qu’il ne s’agit pas de la même guerre, mais surtout parce que le contexte comme le propos sont fondamentalement différents. Alors, quoi ?
Fumou Chitai raconte l’histoire de l’officier Iki, haut gradé qui reçoit la mission, au lendemain de la reddition sans condition japonaises, d’aller ordonner à des troupes stationnées sur le continent d’y cesser le feu et de se rendre. A l’origine, telle était la mission d’Iki ; ensuite, une fois les troupes rentrées dans le rang (même si ce devait être la tête basse), il ne lui restait plus qu’à rentrer au Japon.
Mais ce n’est pas du tout comme ça que les évènements vont tourner pour lui. En fait, il est amené à se rendre aux Russes, et devient un prisonnier guerre. Ou plutôt, un prisonnier politique, puisque d’une part la guerre est de toute évidence finie, et d’autre part, son incarcération par les Russes a un sens bien particuliers. Ceux-ci veulent en effet poursuivre l’Empereur japonais pour crimes de guerre ; aussi ils font pression sur des officiers tels que notre Iki pour qu’ils révèlent des informations incriminantes.
Mais notre soldat tient bon, ne lâche rien, pas même quand on le ramène sous bonne garde au Japon et qu’on lui donne une chance de revoir sa femme et ses deux enfants. On ne trahit pas pour si peu ! Mais du coup, Iki est envoyé en camps de travail. Et quand je dis camps, je dis mouroir, soyons clairs. Le destin, hélas, de bien des hommes de son époque.
Sauf que Fumou Chitai a un ingrédient bien particulier, c’est que tout cela, Iki se le remémore alors qu’il a bel et bien survécu à 11 ans de goulag en Sibérie, et qu’il est revenu au Japon, dans sa famille. Enfin ! pourrait-on dire. Mais le plus dur reste à faire car il est revenu abimé, physiquement et surtout moralement. Et surtout, Iki comme le Japon doivent désormais se reconstruire. Notre homme va donc intégrer une grande firme privée, puisqu’il refuse de retournée dans l’armée (ou ce qui tenait lieu d’équivalent à l’époque).
Bien que sobre visuellement (on est loin des filtres et effets visuels de Band of Brothers), Fumou Chitai est esthétiquement très léché.
Mais surtout, la série décrit les horreurs de la guerre, les vraies, les psychologiques, avec une précision d’horloger. Comment ne pas comprendre l’impression que donne Iki de flotter dans sa vie, une fois revenu chez lui ? Imaginez : 11 années de sa vie ! Il revient et le pays est transfiguré, sa femme travaille (elle les fait même vivre le temps qu’il se retape), son fils ne le connaît pas… Comment pourrait-il trouver sa place dans cette société ?
C’est tout l’enjeu.
Je le confesse, j’aime les fictions sur l’après-guerre. D’ordinaire, les séries prenant le Vietnam pour contexte s’y montrent les plus efficaces pour définir l’ampleur d’un traumatisme d’après-guerre. Ici, on est dans la même optique, et ça m’a plu. L’homme est cassé, inadapté, et pourtant tout son entourage semble voir l’homme du passé, ou peut-être l’homme du futur vu le pari que sa firme fait sur lui…
Une des nouveautés les plus impressionnantes de l’automne 2009, Fumou Chitai a ce petit quelque chose, réservé à un petit nombre de séries : elle laisse une empreinte. Une empreinte dans la neige, où se déroulait la captivité d’Iki en Sibérie, et une empreinte sur le spectateur, qui se souviendra un peu mieux et plus clairement de ce morceau d’Histoire, grâce à une fiction de talent.
Ah, nous y voilà. Maintenant je comprends le rapport avec Band of Brothers.